(1/3) Le Manceau Geoffrey Trimoreau, 31 ans, vit un enfer depuis près d’un an. Force de la nature, viré des salles de fitness parce qu’il tordait les barres et coûtait trop cher, il s’est tourné vers la boxe par hasard il y a deux ans. Vite repéré, il est devenu sparring-partner des meilleurs mondiaux, à Monaco, surnommé le « Tyson blanc » tellement il tapait fort. Avant un premier combat pro, qu’il a terminé gisant au sol, victime d’un AVC hémorragique sous-dural déjà présent sans le savoir.
C’est un témoignage en trois parties que vous propose Prolongation. Celui de Geoffrey Trimoreau, 31 ans, Manceau, convalescent depuis près d’un an maintenant. C’est Thierry, son père, ancien karatéka de niveau national, qui fait les présentations : « C’est une bête » , dit-il affectueusement. « La puissance de Geoffrey est estimée à 2,1 tonnes à l’impact quand il frappe. Il coupe des sacs de boxe de 60 kg à 80 kg quand il cogne. Il a la plus grosse frappe au monde. Affûté, il court le 100m en moins de 11 secondes malgré ses 110 kg. Il lève des barres au développé couché de 260 kg, il lève 445 kg en soulevé de terre, sans stéroïdes, sans t-shirt, sans aide, sans rien. Il possède deux records du monde non homologués. Geoffrey est une exception génétique et physiologique, agile, souple, rapide, explosif. »
Geoffrey se sait fort et ne sait pas trop quoi faire de ce potentiel. Il découvre la boxe au hasard de rencontres, commence à se faire une petite réputation dans les salles d’entraînement. Le 6 octobre 2021, il dispute son premier combat professionnel de boxe après seulement quelques semaines de pratique, ce qui n’aurait pas été possible en France car il convient de suivre un cursus strict et de passer notamment par la case « amateurs ». Ça l’était à Monaco, qui avait repéré son potentiel hors du commun en termes de force et de vitesse. Lui voulait aller vite, se mesurer aux meilleurs. Il a terminé le combat gisant au sol, transféré en urgence à l’hôpital de Nice, victime d’un AVC hémorragique sous-dural (déjà présent avant la rencontre selon son neurochirurgien) et alors qu’il menait aux points face à son adversaire ukrainien. Depuis, la dépression.
Voici le premier des trois épisodes consacrés à son témoignage.
« Je ne sais pas parler de moi et puis je ne suis pas là pour pleurnicher. Je vais donc aller à l’essentiel, vous raconter mon histoire sans fioriture. Je m’appelle Geoffrey Trimoreau, j’ai 31 ans, les gens me surnomment « Jo ». Je mesure 1,78m pour 110 kg et je suis l’homme le plus fort du monde. Au niveau de la puissance pure, je suis celui qui développe le plus de force. Ce n’est pas de ma faute, j’ai une génétique différente.
Je m’en suis rendu compte tardivement. Dans les salles de musculation du Mans, je battais records sur records, sans rien prendre, jamais de produits dopants, ça ne m’intéresse pas, c’est dangereux pour la santé. Je passais derrière les « gros ». Leurs barres maximales étaient mon échauffement. Je coupais des sacs de boxe en deux, simplement en tapant dedans. Je me faisais virer de toutes les salles parce que j’abîmais trop le matériel, je tordais des barres de muscu à 800€ qui finissaient chez le ferrailleur. Je leur coûtais trop cher.
J’ai fini par trouver une salle. Pas mal de gens me suivaient. Je leur ai amené du monde et en échange ils m’avaient fait venir une « trap bar » spéciale pour que je travaille ma force. J’arrivais de nulle part, vraiment. Mon père, gamin, m’avait appris les bases du karaté, lui-même étant athlète de haut niveau.
« Des gens m’ont expliqué que j’avais un talent hors norme »
Chemin faisant, j’ai eu envie de faire des compétitions de force, de me mesurer. Le champion de Roumanie était passé un jour au Mans parce que sa femme travaillait à l’hôpital. Je l’avais battu. Tout comme j’avais battu des champions nationaux de powerlifting, des Strongmen, tout en mangeant des Big Mac et en buvant une bière si j’avais envie. Des gens qui faisaient deux fois mon gabarit m’ont alors expliqué que j’avais un talent hors norme et un niveau international sans le savoir.
Je me suis posé devant un ordinateur, un soir, et j’ai regardé des vidéos de sports de force. Développé couché. Soulevé de terre. Squat libre. Tout ce que vous pouvez voir régulièrement sur La Chaîne L’Équipe . Je me suis alors rendu compte que j’avais déjà trois records du monde à mon actif. Je vous jure que c’est vrai. Je ne mens jamais.
J’ai appelé le club affilié du coin, à Allonnes : « Bonjour. Alors voilà, je suis embêté, vous allez trouver mon appel curieux, mais je lève tant de kilos, je crois que j’ai trois records du monde. Sans maillot, sans stéroïdes. » Le monsieur ne me croyait pas trop, je le sentais. J’habitais à dix minutes de sa salle. Je lui ai dit : « Je viens chez vous tout de suite et je vous lève la barre » . Il m’explique alors qu’à cause d’un excès de triche (on est en 2020), la France n’est plus affiliée à la fédération internationale. Il me conseille de contacter l’Insep pour une éventuelle dérogation, où alors d’aller en Belgique. J’essaie la Belgique. Mais il faut être Belge.
Localement, ça commence à parler. Je deviens assez proche de deux boxeurs professionnels, un monde que je ne connais pas du tout. Je vais les voir combattre lors de galas à Guérande, La Baule. Je discute avec les managers présents, les promoteurs. Je leur dis que je tape dans des sacs, pas des sacs de boxe loisir, des gros sacs en cuir, très lourds, homologués, et que je les coupe. La boxe m’attirait de plus en plus. On commence alors à me proposer des choses, comme une licence professionnelle, chose impossible à obtenir en France si l’on ne passe pas par la case des amateurs, etc... Bref. Comme je ne suis pas très grand mais que je peux sortir du ring des gars de deux mètres, mon potentiel attire. Les gens attendent un nouveau Tyson. J’ai ses qualités intrinsèques, même si je n’ai jamais boxé.
« Ils m’ont amené un sac sur-mesure de 100 kg, avec des pneus de voiture pour bien le maintenir »
Un manager vient me voir et me met rapidement en relation avec le club de Monaco, qui me demande des vidéos sur mes capacités physiques, des vidéos simples, devant un sac, ou à soulever des barres. Ce que je fais, malgré une période difficile pour deux raisons : je suis en train de perdre ma mère, et je me suis blessé au genou en faisant du squat pendant le confinement, un exercice que je travaillais moins, en tirant des séries de douze répétitions d’une barre de 220 kg, sans aucune technique ni équipement. Et ce juste en force pure, après deux mois de pratique seulement.
Juste pour vous expliquer : j’ai un influx nerveux hyperdéveloppé, testé, ce qui décuple une force anormale. Quand mes muscles sont en mouvement, en revanche, et qu’ils ne sont pas assez développés pour contenir la charge, ils pètent et ça engendre des blessures.
J’ai donc un genou gonflé. Mais j’envoie quand même mes vidéos au manager. Les jours passent, le genou ne dégonfle pas. Je perds en cardio car je ne peux pas courir comme je le voudrais.
Le club de Monaco revient vers moi, veut me voir « en vrai », tester mes capacités sur le terrain. Il y a là-bas cinq boxeurs professionnels, dont un multiple champion du monde. Je me dis, de fait, qu’ils ont l’habitude, l’expérience du haut niveau.
J’arrive là-bas. Je n’ai pas beaucoup mangé, j’ai fait pas mal de voiture. Ils m’ont amené un sac sur-mesure de 100 kg, avec des pneus de voiture pour bien le maintenir au sol. J’ai éclaté le sac. Là, dans la salle, tout le monde s’est arrêté. »
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