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Peut-être faudra t-il trouver un jour un terme générique pour désigner ces doc consacrés aux projets inaboutis des cinéastes car après les destins contrariés du Don Quichotte de Gilliam et du Dune de Jodorowsky, voici venu le temps de nous raconter celui de The day the clown cried de Jerry Lewis.

Film mythique qui se passe en grande partie dans un camp de concentration nazi, dont le cinéaste entreprit la réalisation au début des années 1970 mais qui n’est jamais sorti. La cause principale en est l’indélicatesse d’un des producteurs, expliquée en détail dans le doc.

Ce qui frappe à sa vision, c’est le degré d’aboutissement du film de Lewis, tout avait été pratiquement tourné, ce qui fait qu’en voyant toutes ces scènes réalisées, on peut se faire une idée précise de l’histoire racontée. Et c’est vraiment un beau scénario, on comprend que Lewis ait rêvé très tôt d’en faire un film.

L’éternelle question : peut-on rire de tout et de la shoah en particulier qui est débattue au cours du film est un peu artificielle dans le sens où les images montrées ne révèlent pas spécialement le souci de faire rire le spectateur. On sourit tout au plus lorsque Jerry Lewis, l’acteur, fait le pitre devant les enfants juifs du camp.

La vraie question c’est plutôt : le film était-il réussi ? On peut sérieusement en douter au vu des séquences qui nous sont présentées. Tout paraît terriblement cheap : le budget de cette coproduction internationale était très serré et il semble que Lewis n’ait pas réussi à surmonter cette contrainte, habitué qu’il était à tourner dans le cadre de productions hollywoodiennes plutôt confortables. D’ailleurs le cinéaste interviewé se dit clairement insatisfait de ce qu’il a tourné, et quand Pierre Etaix raconte que Lewis n’a pas voulu poursuivre le producteur malhonnête, on ne peut s’empêcher de penser que ce geste élégant n’est peut-être pas étranger au fait que Lewis avait intériorisé l’échec artistique du film et voulait définitivement tirer un trait sur celui-ci.

L’interview de Lewis dans le doc montre un homme très âgé mais néanmoins alerte et lucide, se penchant sans fard sur cet épisode malheureux de sa vie. On sent chez lui une grande tristesse, pas tant celle de l’homme trahi que celle de l’artiste qui n’a pas su se montrer à la hauteur du sujet qu’il voulait filmer. Mais cette tristesse n’a pas été perdue pour tout le monde, elle a au moins contribué à nourrir son rôle de présentateur sinistre, dans l’un de mes Scorsese favoris, The king of comedy.