Forum de FilmDeCulte

J’ai passé six mois en Guinée (Conakry), entre février et juillet 1986. Objet nomade, j’y ai tourné, seule, en super 8, des éléments de la vie des gens et des fragments de la mienne. C’était deux ans après la mort de Sékou Touré, et le pays, après deux décennies de fermeture et d’exclusion, était comme resté abandonné dans le temps. Le film n’est pas un documentaire sur la Guinée, pas plus qu’un journal de bord, il est la conjugaison du voyage et de la mémoire, du regard de l’exilé volontaire et de la vie qui mène son train.

Découverte absolument sidérée de cette cinéaste, qui fut un temps monteuse pour Depardon, et sur laquelle on peut lire un assez beau texte ici : http://www.pointligneplan.com/pages_html/prenant3.html
C'est un des films les plus beaux qui soient, et une des évocations du voyage les plus justes et les plus simples que je connaisse, sorte de journal de bord filmé en super-8, porté par sa voix formidable, drôle et d'une poésie immense. C'est écrit sublimement, j'ai beaucoup songé à Duras aussi, à ses livres davantage qu'à ses films (j'ai rarement entendu une si belle voix off, une telle puissance littéraire dans une voix off, une voix qui semble sans cesse courir après elle-même, pas de ces voix posées et graves qu'on met sur les films parce qu'elles ont de l'ampleur), 57 minutes merveilleuses, on s'ennuie un peu mais c'est du bel ennui : c'est d'une simplicité incroyable, mais c'est d'une beauté folle.

pour moi, c'est exactement ce que ne parvient pas à faire Henri-François Imbert, dit le mollusque, dans son film africain.


pour les curieux, le film est en VOD, horriblement compressé par contre, ici : http://www.pointligneplan.com/FILM_3/pr ... scale.html

_________________

*

salut, je viens tout juste de découvrir le film, l'opposition avec Imbert ne me paraît pas judicieuse...

Pour situer cette escale de Guinée ou débrouiller ce fameux commentaire qui prend à peine le temps de respirer pour dire son errance, tout son amour, et sa désolation aussi, peut-être il faut voir Empty Quarter, une femme en Afrique, la première fiction de Depardon avec Franssou Prenant(comme actrice et monteuse du film) tournée 2 ans auparavant L'Escale de Guinée. Depardon enferme son actrice dans une histoire de fou, seul le regard d'obsession amoureuse de son personnage masculin(qui est certainement celui de Depardon pour son actrice) compte, la femme n'existe pas dans le film. Dans les bonus du film, il y a un entretien Depardon/Bergala essayant de donner un peu de sens à ce film où Depardon a perdu tout contrôle semble-t-il comme son personnage-reporter qu'on ne voit jamais dans le film mais dont la voix off est omniprésente("j'ai l'impression d'être détraqué à cause du désir, il fait une chaleur énervante..."). On trouve aussi un propos de Depardon sur certaines séquences encore plus désordonné, Depardon paraît très embarrassé à commenter la violence de son désir à l'époque d'Empty Quarter. Pour revenir à L'escale de Guinée, partant d'Empty Quarter, il m'a semblé voir l'histoire de cette même femme cherchant à échapper à cette possession, ce délire d'enfermement imaginé par Depardon dans Empty Quarter, et retrouvant son désir(en partie) sur les êtres et les choses, elle regarde la nature, des routes de guingois, un pays...




Il y a des scènes de burlesque où Franssou Prenant imagine un plan où elle paraît se pendre, une autre où elle fume(avec les doigts dans le nez) et se bouffe les doigts ; peut-être ces scènes ramènent cette angoisse du désir qui l'a enfermée, auquelle elle n'a pas totalement échappé.







Depardon dira "lourdeur" du désir dans ses commentaires, dans Empty Quarter il la filme dans des postures obscènes, "rustiques" dit-il, en un plan fixe allongé sur un lit(livre de Pavese à la main et fumant un clope).








Plus ou moins en dehors du film, la situation à Conakry-Guinée est épouvantable, je vous file un lien là-dessus du Diplo:
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet ... -30-Guinee
http://www.10francs.fr/pages/filminfo.php?ref=5708


Extraits du commentaire de Franssou Prenant dans L'escale de Guineé:

Hey Stef!
Effectivement, c'est un mec de ce forum qui a déposé le film; merci à lui, donc.
J'ai été impressionné par les propos rendus autour du film; il me tarde de le voir.
Sait il exprimé récemment sur M. Dadis Camara, R.Depardon ?...pas sûr.

pas judicieuse en quoi?

_________________

*

pour reprendre les mots que tu as postés de Franssou Prenant, il s'agit d'une "conjugaison du voyage et de la mémoire", donc en partant de là c'est absurde d'imiter la réalisation d'un autre pour régler des questions de rythme ; et ça serait pareil avec les journaux filmés de Jonas Mekas par exemple. Si on formate tout selon un modèle qu'on trouve réussi, ce n'est plus un travail sur la mémoire, on en devient forcément un marchand de soupe. Il n'y a pas d'art pour la masse.

mais je ne vois tjs pas en quoi l'opposition n'est pas judicieuse.
je n'ai jamais dit que quiconque imitait quiconque, je constate juste que Imbert tente cette "conjugaison du voyage et de la mémoire" et n'en tire rien que du convenu, du moumou, du mollusque comme à son habitude ; quand Prenant elle fait quelque chose de plein, de vivant, de beau.

Et c'est aussi pour le plaisir de rappeler qu'Imbert est un cinéaste bidon.

_________________

*

moi la rencontre avec Doulaye me convient, rien de mou-mou-cul-cul-gnan-gnan à regarder un homme qui vient saluer l'âme d'un autre homme. Il faudrait que je revois le film pour en parler un peu mieux, Imbert tourne beaucoup en plan-séquence il me semble, alors que Franssou Prenant travaille surtout sur son regard(un peu halluciné quand même) comme dans le film de Depardon d'ailleurs, l'autre a moins ou pas du tout de réalité.

Depardon a véritablement pété les plombs avec cette fille, on est loin du regard apaisé ou réconcilié de Profil Paysans. Franssou Prenant a sûrement laissé pas mal de forces dans cette relation, et encore une fois, L'Escale de Guinée me semble inséparable d'Empty Quarter, une femme en Afrique. L'opposition avec Henri-François Imbert déréalise tout ce contexte (sur)chargé de désirs sexuels ; en ça la comparaison n'est pas pertinente ; Depardon ne savait vraiment pas comment parler de ce film 20 ans plus tard, il ne fera aucunement mention de L'escale de Guinée dans ses commentaires(ni dans l'entretien avec Bergala d'ailleurs), il dira sa crainte que ses enfants découvrent ce film...

quel rapport?

_________________

*

ça a l'air bien comme film... Par contre, c'est lassant de te lire à chaque fois casser du Imbert, cinéaste "minuscule" en terme d'audience réelle - à part dans le milieu doc, peut-être - et qui donc ne mérite pas d'être fréquemment cassé.

c'est toujours un plaisir de cracher sur Imbert

_________________

*