dès l'origine, quasiment chaque élément de ce projet m'a semblé plus wtf que le précédent.
un remake d'emmanuelle : l'ip la plus absurde du monde à exploiter. qui connait encore ce film aujourd'hui, à part des gens qui ne sont plus en âge d'aller voir une 'mise à jour' et un minuscule milieu de cinéphiles qui connait l'anecdote de son succès mais ne l'ont pas vu ? absurde.
par audrey diwan : un cas sévère d'emballement du milieu, la fille co-écrit désormais la moitié des films français en production, dont aucun ne marque particulièrement les esprits, est starisée dans les médias sur la foi d'un film (que j'ai trouvé carrément pas terrible) ayant fait 130k.
avec lea seydoux : je vois le truc sur le papier, mais là encore c'est vraiment le milieu parle au milieu. la fille n'a aucun public dans le monde réel. mais bon, c'était une assez grosse vedette pour que la voir faire des trucs érotiques puisse titiller.
avec 20m de budget : ?!?!?!
tout me semblait insensé.
puis léa seydoux a été remplacée par noémie merlant, et je n'aspire pas à être désobligeant.
on a ensuite largement vu le crash arriver, l'absence de selections, cette affiche lugubre, cette promo de film événement pour ce qui ne l'était manifestement pas, ce truc associé à l'érotisme avec un discours promo pas du tout adéquat.
et on a donc un four absolu, ça va finir à 70k.
et effectivement l'idée d'un truc érotique en 2024 est compliqué, mais c'est peut-être pour ça que ça pouvait être stimulant.
parce que la place sexe a profondément changé dans la vie collective. il y a toutes les stats pour dire que les gens font moins l'amour, mais à côté de ça le sexe et la nudité disparaissent des écrans, dans le débat public quand on parle de sexe ce n'est plus que pour des viols / harcélement / incestes / abus / etc. les libertés sexuelles individuelles sont abordées comme des 'droits' que l'état doit garantir, équivalant à ceux d'une assurance chomage. bref on est en l'ère de l'asexualisation de la société, et paradoxalement le sexe n'a jamais été aussi présent, on peut trouver quelqu'un avec qui baiser en 3 minutes dans des supermarchés virtuels, la pornographie est gratuite et abondante, on peut à tout moment voir des millions de personnes nues ou baiser, celebrités comprises.
donc le cinéma est effectivement dans une position de merde. c'est l'art de la culture populaire, qui est donc en première ligne pour savoir que ni les spectateurs ni les acteurs n'ont plus trop envie de trucs sexuels à l'écran. c'est un art collectif, alors que le sexe à l'écran se consomme désormais seul derrière son ordi ou son tel. ça incarne un imaginaire collectif, alors que les tags permettent de personnaliser à l’extrême ce qu'on regarde.
face à cette impasse, 3 possibilités. 1/ laisser tomber et attendre des jours meilleurs. 2/ ne pas trop reflechir et juste trouver la bonne formule, les bons boutons sur lesquels appuyer pour exciter les gens. 3/ intégrer tout cela dans la reflexion et tâcher d'y répondre.
inutile de dire qu'audrey a donc choisi l'option numéro 3, et nous offre une spectaculaire note d'intention filmée pour 20 millions d'euros.
c'est même un des exemples récents les plus impressionnants, tant il n'y a aucune histoire, et les quelques rares éléments sont exclusivement conçus pour coller à une théorie intellectuelle.
l'époque est aseptisée --> ça se passe dans un hôtel de luxe où tout est clean et rien ne dépasse.
le sexe est un bien de consommation comme un autre --> il y a une escort qui vend le sexe dans l'hôtel comme une séance de jacuzzi, et emmanuelle elle-même teste le sexe comme tous les autres services.
il n'y a plus de désir puisque tout est disponible tout le temps --> elle est frigide.
et c'est ça pour tout.
en oubliant, donc, les éléments de base quand on fait un film s'adressant vaguement au public. on commence par emmanuelle. je ne veux pas trash noemie merlant qui est une bonne actrice mais enfin en lead d'un film sur le désir c'est du délire. elle fait la gueule tout du long. elle a une profession atroce, qui correspond aux théories d'audrey mais enfin ça fait un personnage principal détestable, avec qui on a pas envie de baiser, ni passer deux heures, ni avec qui avoir une conversation dans un bar d'hôtel. suivre les aventures d'une antipathique meuf frigide chargée de vérifier la qualité des hotels de luxe et de trouver des raisons de virer les gens je m'en branle, qu'elle finisse par jouir ou crève ça m'est relativement égal.
cet hôtel dans lequel on est bloqués pendant 1h25 de film. y a des gens qui aiment ce genre d'hôtel industriel, anonyme, au luxe vulgaire et ostentatoire avec une clientèle de 1% qui font la gueule ? non. donc là encore je vois bien la théorie mais humainement, en regardant le film, on te fait passer 2 heures dans un lieu moche et oppressant. c'est fait exprès et audrey trouvait ça très intéressant et je suis ravi pour elle mais enfin je suis pas venu ici pour souffrir, ok ?
et cette avalanche d'intentions qui ont pour effet de rendre l'"experience utilisateur" (
) activement pénible se font donc non seulement au détriment de l'histoire, mais au détriment aussi de la promesse fondamentale qui est donc malgré tout, c'est vulgaire audrey j'en suis navré, mais enfin d'aboutir à un truc vaguement érotique.
que le corps de noémie merlant soit révélé au spectateur quand elle se rase, je vois l'intention... qu'il n'y ait ni nudité ni sexe pendant tout le film, je vois l'intention... que la "séduction" se fasse à travers un mystère retrouvé, ce qui ne se donne pas immédiatement, et avec des mots et le cerveau plus qu'avec le corps, je vois l'intention... mais vu que tout ça est totalement artificiel, jamais organique, avec des dialogues totalement fakes jamais charmants ni profonds ni inspirés... que les acteurs ne soient pas beaux ni séduisants... et qu'elle semble être en guerre contre le concept même de son film et contre les attentes légitimes du spectateur... vraiment ça fait un fail total, qui fait penser au
joker 2 dans ce sens. détester le principe même du film que tu es en train de faire et lutter chaque seconde contre ses spectateurs potentiels, ça fait rarement un film très épanouissant pour qui que ce soit.
j'ai aussi rigolé en pensant à son méa-culpa sur la non selection cannoise, quand elle disait qu'il lui manquait trois semaines de montage à l'époque. à la vision du film terminé ça laisse rêveur : les 37534 inserts sur les éléments de l'hôtel, l'interminable errance dans hong kong à la fin, les scènes répétées sans fin du quality contrôl... ça dure 2 heures qui en paraissent 4, et même si aucun montage ne peut dissimuler une absence d'enjeu ou d'histoire, la version vue par thierry ça devait vraiment être quelque chose.
bref, fail total, et comme drône, on va se retrouver avec des analyses à base de "ah mais non les (thrillers) érotiques ça ne marche pas, regarde
emmanuelle" sauf que ce n'est ni un thriller ni un film érotique. donc si elle voulait faire sa dissertation sur l'absence de plaisir, avec comme axe central de faire en sorte que le spectateur n'en prenne aucun comme son personnage, c'était peut être mieux de le faire pour 4m dans son coin.