Forum de FilmDeCulte

Un homme seul entreprend un long voyage qui le mènera jusqu'à un tableau.

J’ai pas vu grand chose de Sokourov (les Dialogues avec Soljenitsyne et la Sonate pour Hitler), donc je ne pourrai pas dire si c’est son meilleur film, ou pas, ou je sais pas quoi, mais ça m’a paru littéralement monstrueux, complètement à part, en tout cas, dans le cinéma actuel, puisant dans les grands textes et les grands mythes, mais cherchant sa voie paradoxalement plus du côté de l’image que de l’écrit. Godard dit à peu près que la plupart des films actuels ne sont que des mots, qu’il n’y a même plus besoin de caméra, il me semble que le film est un contre-exemple, les intentions ne préexistent pas aux images, ne font jamais dispositif, un passage est d’ailleurs totalement improvisé sans qu’on remarque rien.

Le problème avec les résumés des films de Sokourov, c’est qu’on y renifle vite le pâté lourdingue et légèrement réac sur les prédispositions miraculeuses de l’âme russe éternelle à la mélancolie, à grand renfort de barbes, de pluie et de neige, tout ce folklore qui plombe (un chouïa) les Dialogues avec Soljenitsyne. Ben pas du tout, en fait, ou très peu. Ici, il resserre ses plans sur l’essentiel, sur les visages, les mains, les arbres, il filme des rues désertes, il bidouille ses images et surtout il parle pas trop ; et la métaphysique chrétienne, à dose homéopathique, ça passe, surtout devant un Breughel.

Ce qui, surtout, m’a surpris, ou touché, dans le cas de Sokourov c’est un peu la même chose, c’est cette recherche par le cinéma d’une picturalité qui fasse jeu égal avec les tableaux du musée de Rotterdam ; et si tel plan peut évoquer Hopper



tel autre Munch ou Van Gogh



beaucoup ne ressemblent à rien de connu :




et ça, ça n’arrive pas si souvent.

6/6

Pas le meilleur "docu-poème" de Sokurov pour moi, je n'ai pas été réellement sensible à la langueur qu'installe le rythme du film, bien que ce soit l'effet recherché (une certaine langueur propre à l'élégie). Néanmoins y'a de très beaux moments, et Sokurov est le plus grand réalisateur russe depuis Tarkovski ca c'est certain (un peu au dessus de Mikhalkov).

edit; dans les grands films de Sokurov y'a sa trilogie sur les hommes de pouvoir (Lénine - Hitler- Hirohito) , à savoir Taurus - Moloch - Le Soleil, plastiquement sublime à chaque fois (une grande force de Sokurov, l'esthétisme). L'arche russe aussi film tourné en 1 seul plan séquence d'1h30, et qui évoque en quelque sorte l'age d'or de la russie st-péterbourgeoise à travers le musée de l'ermitage. Dans ce que j'appelle les "docu-poème" , il y'a également Sonata for Viola, une sorte de film hommage au compositeur russe-soviétique Chostakovitch, que je considère comme l'un de ses meilleurs films.

Pour la trilogie sur les dictateurs, j'ai parcouru Moloch qui m'a fait un peu peur, y a effectivement une sorte d' "esthétisme" qui, moi, me rebute un peu, un côté formaliste tranquille ; pas sûr que pour un film sur le nazisme ce soit la meilleure solution. En même temps, je juge sur rien du tout, je vais essayer de le voir vite.

(Le film sur Chostakovitch, en revanche, ça m'intéresse beaucoup mais je l'ai pas trouvé ; même chose pour celui sur Rostropovitch)

Oui Moloch c'est un film tres aride, très sec, mais très beau et intense. Ce n'est pas tant un film sur le nazisme, mais plutot sur la relation entre Hitler et Eva Braun, l'intimité du couple retranché dans le nid d'aigle. Le point de vue adopté est très étrange, il y'a quelque chose d'irréel mais paradoxalement la véracité des dialogues (retranscrit à partir des notes d'un "scribe" personnel d'Hitler qui notait toutes ses conversations jusque dans les moindres détails à ce moment-la) propose un contraste inattendu qui fait qu'au final on se retrouve avec un film très singulier, véritable oeuvre d'art. Un film très froid qui représente ses personnages avec distance mais qui vaut le détour.

Le film à obtenu le prix du scénario à Cannes (1999).

J'avoue que son cinéma me laisse assez froid, mais j'ai un souvenir incroyablement fort d'un doc sur une femme folle dans un hospice en pleine mer (me souviens plus du titre).