Aujourd'hui je suis allé au procès de Christophe Ruggia, accusé (il y a cinq ans ! Le rythme de la justice bordel) par Adèle Haenel d'attouchements.
Je suis arrivé une heure avant afin d'être sûr de rentrer et c'était bon. Assis en bout de rang, tranquille. Christophe Ruggia est arrivé. Il a pris cher depuis cinq ans. Je prétends pas m'y connaître mais le visage bouffi comme ça, ça sent les médocs. Il parlait avec ses avocats. En face, Adèle Haenel tournait en rond. Deux salles deux ambiances.
Le procès commence et tu te retrouves avec ces deux protagonistes face à face, dans cette salle, à en juger par le public, clairement acquise à la cause d'Adèle Haenel. D'ailleurs tristesse de voir que Christophe Ruggia a été pendant des années co-président de la SRF et t'as pas un membre venu le soutenir. Y avait Katell Quillevéré et Hélier Cisterne au fond, mais pour qui étaient-ils là ? Bref dans ce face à face à t'as vraiment l'impression de voir le procès d'un cinéma français contre l'autre.
Le tribunal arrive et le président règle deux-trois points de procédure sur la comparution en tant que témoin demain de Mona Achache (ex de Ruggia), avant d'entamer la lecture d'un résumé de l'affaire qui dure facile 1h10 (à un moment il a dû préciser "C'est bientôt fini"). En tous cas passionnant. Tu vois à quel point Haenel a parlé tôt à certaines personnes de la présence parfois envahissante de Ruggia dans sa vie, c'est un truc qui revient au fil des années, ça ne se matérialise pas d'un coup en 2019. En tous cas pendant cette lecture Ruggia écoute le président, et Haenel garde les yeux rivés sur Ruggia.
Ensuite à la demande des parties civiles on visionne quelques extraits des DIABLES, le film sur lequel Ruggia a révélé Haenel (et Vincent Rottiers).
On passe ensuite aux questions à Christophe Ruggia. Le président est calme, avec des questions à la fois ouvertes et précises. En face, Ruggia répond d'un petite voix, on dirait un nounours maladroit, il s'emmêle les pinceaux parfois sur les dates, répond à côté sans le vouloir, part dans des digressions. Le président le recadre gentiment, à la différence d'une assesseure qui lui rentre dans le lard de manière exagérément agressive et accusatoire j'ai trouvé.
L'accusé n'ayant aucun passé pédo, ni dans son ordinateur, ni dans son analyse psychologique, le président mentionne une recherche Google "Adèle Haenel hot" en 2011 au moment de la sortie de L'APOLONNIDE (dont Ruggia ne se souvient pas et attribue à une suggestion du moteur de recherche qu'il aurait suivi) avant d'évoquer un lien XVideo "College girl makes a deal with professor", que le président traduit en "Une collégienne..." (alors que college = université). Evidemment ni Ruggia ni la défense ne relève l'erreur et j'avais juste envie de me lever et hurler. En tous cas fou de se dire qu'il a vu passer cette vidéo du coin de l’œil dix secondes y a dix ans et on vient lui reparler de ça, c'est vertigineux quand on y pense.
C'est ensuite au tour des avocats d'Adèle Haenel. Déterminés et abrupts, ils rentrent dans Ruggia. L'un d'eux tente un vague effet d'audience en faisant référence à Ruggia qui, lors de ses après-midi passés avec sa comédienne entre 2001 et 2004, lui aurait montré des vidéos YouTube. Or, YouTube a été créé en 2005. Moment de gêne de Ruggia qui ne sait même pas quoi répondre, alors que clairement il voulait juste dire qu'ils avaient regardé des vidéos sur internet (souvenez-vous les gars, on faisait ça avant que YouTube existe). En tous cas on sent Ruggia un peu ouaté, très (trop ?) calme dans ses réponses, ne se défendant avec véhémence que lorsqu'il évoque le procès stalinien qu'il reproche à Mediapart, ou bien sa mise en garde à vue musclée (qui sera ensuite annulée). Dans un passage particulièrement maladroit, il évoque la radicalisation politique d'Haenel, lui valant quelques rires d'une salle que le président est obligé de recadrer.
L'autre avocate d'Haenel essaie de le dépeindre en irresponsable. On l’asticote sur le tournage des DIABLES ("Donc vous tournez une scène où Vincent Rottiers se pend et ce garçon de 15 ans n'a pas répété la scène avant ?!"). Concernant la scène d'amour entre les deux jeunes comédiens, il explique ce qu'il a fait: Équipe réduite, des réflos pour protéger les acteurs du regard des autres, un travelling installé pour faire un maximum de plans en un minimum de temps, une prise de son sacrifiée afin qu'il puisse guider les comédiens par la voix... Bref en tant que réal tu comprends exactement la démarche: il veut faire ça vite pour pas créer de malaise et utiliser sa voix j'imagine pour guider les gestes, en faire quelque chose de factuel, pas laisser les ados pédaler dans la semoule en roue libre... Bref c'est comme ça que je l'ai compris en tous cas. Mais la partie civile insinue à mots couverts que ça comme de la manipulation. Et Ruggia de se défendre tout mollement.
A 18h20 j'ai dû partir mais c'était loin d'être terminé, Ruggia n'ayant même pas encore été interrogé par ses propres avocates. Et du coup je n'ai évidemment pas entendu Haenel témoigner.
Mais en tous cas c'était passionnant.
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