Forum de FilmDeCulte

J'ai eu assez peur au début en sentant toutes les intentions et ficelles de l'humour estampillé absurde, de l'auto-proclamation indé de l'originalité, tout ce petit package un peu poseur qui ne fait pas tant rire.

Et puis finalement le film s'avère être autre chose : la folie des filles parvient réellement à ne plus être le point de focalisation du film mais un contexte, la douceur prime sur tout le reste. Il y a un petit détail idiot, mais tellement sympatoche : celui du centre qui se remplit discrètement de tous ceux qui sont rentrés en contact avec lui, jusqu'à devenir une espèce de grosse auberge espagnole. Le rapport de Lily à ce groupe est articulé de manière finalement très subtile : curieuse, indifférente, conquise, réticente, elle est utilisée comme une sorte de pendule qui donne toujours l'heure de la "normalité" mais pacifiquement, tout en douceur, évitant à l'ensemble de devenir autarcique dans sa bulle, de devenir juste "chic". Enfin bref, tout ça est bien mené, et je me suis surpris à avoir envie que ça dure, comme un bon bain agréable.

Je suis du coup assez déçu par le double final chanté-dansé, qui via le pastiche retourne à une certaine pose et une auto-célébration d'originalité très hipster. J'ai l'impression que le film méritait beaucoup plus ambitieux que ça.

Oui, le début on pense qu'on est reparti pour une comédie indépendante américaine hipstérique parmis d'autres, mais finalement pas vraiment. C'est un film qui m'a particulièrement touché, à cause d'une amie que j'ai qui est également une aspie (syndrome d'asperger) comme l'héroine du film, et Whit Stillman cerne parfaitement tous les charmes et les défauts que peuvent avoir les aspies, entre les TOC, les raisonnements irréguliers et fantaisistes, l'ambivalence entre l'intensité des centres d’intérêts, et un certain détachement dans les interactions sociales et sentimentales. Un film très beau, une sorte de remake translucide et filtrée du Freaks de Tod Browning, dans lesquelles les difformités visibles et corporelles des protagonistes cèdent la place aux difformités et aux incohérences invisibles ,aux névroses, aux troubles maniaco-dépressifs, et à toute la gamme de ces petites affections du spectre psychologique que l'on juge parfois superficielles, mais qui suffisent à définir une personnalité comme bizarre, originale, ou en dehors de la norme. Je persiste, pour moi Damsels in Distress c'est le Freaks de Whit Stillman, sous un paravent de fleurs et de parfums, mais avec la même profondeur et la même tendresse dans le regard et l'exploration de ses personnages.

La seule chose qui m'a fait tiquer dans le film c'est lorsque Richard Strauss est cité par Gerwig comme l'inventeur et le "popularisateur" de la Valse, alors que ce n'est pas Richard Strauss (qui est aussi compositeur) mais Johan Strauss II, fils de Johan Strauss I (lui aussi compositeur), mais ces deux derniers n'ont aucun lien avec Richard Strauss (si ce n'est qu'ils sont tous les trois compositeurs). Mais Whit Stilmann à pris la peine de s'en excuser dans le générique de fin, ce qui est tout à son honneur.

5/6

en fait l'excuse dans le générique sur Strauss est de l'humour intentionnel, visant à faire réfléchir sur l'art de la protagoniste à parfois raconter des conneries tout en étant dans sa bulle charmante et fantaisiste.

edit: très bonne critique, c'est cool de te voir un peu plus écrire ces derniers temps.

Si c'est-y pas mignonet tant de désopilance...

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N'écoutez pas Film Freak

ah autant pour moi!, comme quoi moi aussi il m'arrive de prendre les choses au premier degré

Merci Baptiste, oui c'est mon forum de cinéma préféré, je le lis toujours, et je passerais le plus régulièrement possible.

C'est mon premier Stillmann et ça ne me donne pas trop envie d'y revenir. Il y a un truc intéressant à certains moments dans la manière de concevoir ces campus comme de grands jardins vides un peu précieux qui changent des films de fac habituels, puis il y a ce passage de "bacchanales" très propres dans le dernier tiers, mais même Avary finalement dans Les lois de l'attraction donne beaucoup plus à voir cette fameuse "douceur" au milieu d'un mix cruauté et déprime... Il n'y a jamais rien de vraiment étrange et déréglé, ni poétique, tout est effleuré à ce niveau. Ici j'ai eu le sentiment d'être surtout devant un petit programme très paresseux à l'écriture un peu télévisuelle des personnages, qui passe à l'as toute ses bonnes prémisses dés que ça s'incarne un peu, pour une distance douceâtre que je trouve plus calibré qu'authentique, sauvé par ses acteurs la plupart du temps (Gerwig sauve beaucoup de films moyens). Bref de la molesse apprêtée calibré dans son moindre pas d'à côté. Même le vieux Allen me parait souvent plus stimulant que ça.

ça reste faible par rapport à ce qu'il a pu faire avant donc ce serait dommage que cela te dissuade de les voir.

Oui effectivement.