Forum de FilmDeCulte

J'ai souvent dit que je n'aimais pas critiquer un film en le comparant à un autre mais parfois, c'est trop tentant.

Et c'est le cas ici avec ce film plus ou moins lancé/construit/vendu comme le The Social Network version Wikileaks, à savoir un film sur un tandem qui se forme dans un élan révolutionnaire entre un gentil idéaliste et un connard de génie qui va irrémédiablement aller trop loin et se brouiller avec son seul ami à cause de sa propre parano.

Mais Le Cinquième pouvoir est tout ce que The Social Network n'est pas.
Ou plutôt l'inverse.

Fincher et Sorkin signaient un drame sans esbroufe, intime et mélancolique axé sur des personnages et principalement du point de vue de la figure la plus intéressante, tandis que Condon et le scénariste Josh Singer accouchent d'un sous-thriller de genre, grossier et factuel, du point de vue de celui qui incarne dans cette histoire "la voix de la raison".
Il en ressort donc un film bien plus manichéen que ce que ses créateurs auraient souhaité, à en croire leurs interviews. Si l'on excepte un double épilogue didactique où les personnages, Assange y compris, sont contraints par un scénario qui a échoué jusque là à adopter un vrai point de vue d'exprimer l'arc du personnage et/ou le propos du film de façon didactique, le portrait que le film dépeint de Wikileaks et de son créateur est plus négatif qu'ambigu.

Selon ces dernières répliques, c'est l'ego d'Assange qui a conduit à sa perte. Point.
Et après, Assange (sous les traits de Cumberbatch, toujours impecc), s'adresse à la caméra pour intimer au spectateur de chercher la vérité pour lui-même? Un peu facile.
Tout la complexité qui caractérisait The Social Network et son protagoniste est absente ici. Les questions personnelles ou politiques n'étant jamais approfondies. Était-ce son égo ou une divergence éthique? Le film s'en bat les couilles. "Il voulait exposer les secrets de tout le monde mais garder les siens". Une note d'intention clamée par un personnage à la fin mais que le film n'explore pas du tout, au-delà d'un flashback vulgos.

Condon n'a visiblement pas confiance dans l'écriture, contrairement à Fincher qui l'illustrant d'une mise en scène sobre, et ne peut s'empêcher donc de tout exacerber.
Hé, j'ai aucun souci avec une approche bourrinne et tape-à-l'oeil, j'adore les films qu'Oliver Stone a pu faire sur ce genre de sujets, mais l'habillage paraît ici souvent combler un vide. Et ça ne fait pas illusion.

J’aime assez cette espèce de projection mentale de la newsroom de Wikileaks, parce qu'au moins il s'agit d'une proposition formelle intéressante, ou du moins jusqu'au-boutiste, mais le reste du temps, la mise en scène est aussi superficielle que le scénario.
Jamais elle ne parvient à communiquer le poids de tout ce qui se passe. J'ai du mal à considérer Internet et des sites comme Wikileaks comme "le cinquième pouvoir" tant le film ne témoigne jamais du gravitas qui devrait accompagner ces faits pourtant historiques.

The Social Network était plus qu'un "film sur Facebook". Le Cinquième pouvoir n'est qu'un film sur Wikileaks. Et certainement pas le meilleur.

2/6

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