Forum de FilmDeCulte

Un regard sur les tensions entre les musulmans et les bouddhistes à travers le portrait du moine birman Ashin Wirathu, le chef d'un mouvement anti-musulman au Myanmar.


Dernier volet de la trilogie documentaire de Schroeder consacré au mal et personnellement le seul que j'ai visionné. Travail exemplaire et intelligent du cinéaste qui plus que de dresser le portrait d'un monstre trace dans une démonstration implacable la mécanique du mal à l'oeuvre et les rouages qui vont petit à petit mener un pays à un nettoyage ethnique (les musulmans Rohingyas). Film passionnant qui dissèque sur 15 ans la montée des nationalismes en Birmanie et qui est si précis et argumenté que sa portée devient vite universelle et permet au spectateur de tirer de nombreuses analogies.

La manière dont Schroeder ne juge pas et laisse à l'intelligence du spectateur le soin de se faire son opinion est remarquable. Grand documentaire sur le cheminement de la haine, plongée complexe dans l'esprit d'un homme qui justifie ses actions terrifiantes par la vertu, Le vénérable W. est un film nécessaire et un document effroyable sur les tensions communautaires qui traversent notre monde contemporain. Malgré la voix douce de Bulle Ogier comme bouddhiste, voilà un constat effrayant qui remue les tripes durablement.

5+/6

Celui-là, je veux bien un lien subi si tu as !

Ah c'est pas sur Mubi, j'ai pris un mois d'essai à OCS. Du coup, je pense voir ses deux autres films de la trilogie. Je ne connaissais pas le Schroeder documentariste, c'est assez remarquable ce qu'il fait dans cette veine.

J'ai rerecupéré un compte kg la semaine dernière donc ça va aller. Mais merci du rappel, j'étais curieux de voir ce documentaire.

Pareil je trouve le sujet passionnant et je vais me pencher sur les deux autres de la trilogie. il y a une humilité dans la démarche de Schroeder qui me plait beaucoup (tu comprendras en voyant le film) et qui le rend d'autant plus remarquable. Ca a l'air très simple de prime abord et très accessible et tu es vite mené vers des sommets artistiques.

Dernier volet de la trilogie de Barbet Schroeder sur l'incarnation du Mal avec le portrait de ce moine bouddhiste birman considéré comme l'un des théoriciens du massacre des Rohingyas. Comme toujours, il laisse le spectateur juger par lui-même et donc notre ami W, autosatisfait, déblatère ses horreurs alors que sont montés en parallèle les exactions commises. Je connaissais déjà le personnage et la situation en Birmanie mais la force du documentaire tient dans les images accablantes de foules hypnotisées par les prêches de haine du gugusse.

4/6

Pas forcément d'accord, Schroeder influence quand-même bien le spectateur avec le choix des intervenants qui démontent justement les conneries de W. et donnent la vraie vision du cinéaste sur W.

il ne s'oppose jamais à lui.

Ah si clairement et tu as un carton au début du film, je ne sais plus le texte exact, mais qui précise bien si je ne me trompe que ce film montre la vision de son auteur.
Schroeder ne s'oppose pas directement à W. quand il l'interviewe, il le laisse parler tranquillement et après il remet en contexte ses paroles, voir les invalide par l'apport d'intervenants qui critiquent ou disent le contraire de W.

Là où tu as raison c'est que Schroeder fais confiance à l'intelligence du spectateur et le laisse juger mais il le guide par le choix des images, des personnages interviewés et le film en lui-même est très négatif sur W. et est une magistrale démonstration des mécanismes de la haine utilisés par W. Donc même si le spectateur juge par lui-même, ce cher spectateur est très fortement influencé par les choix artistiques de Schroeder. Je vois mal comment en sortant du film on peut être pro-W., c'est clairement une charge féroce contre le moine.

Ce qui différencie un peu le film de L'avocat de la terreur où on n'avait du mal à juger Vergès vu que Schroeder jouait clairement la carte de la fascination du personnage et lui donnait une dimension purement romanesque.

Consternation à la vision de ce film face à une situation qui semble inextricable et désastreuse. Le mot "rohingas" revient dans l'actualité comme un mantra, sans que jamais, du moins c'est l'impression que j'ai, on commente abondamment et de façon fouillée la situation politique de la Birmanie. Pas l'impression d'en savoir beaucoup plus aussi après avoir vu le film, qui montre que le bouddhisme est soluble dans le nationalisme et même la violence ! (sans blague, parlons du Tibet), ou que la religion est l'endroit de prédilection du repli identitaire. On en fait encore tous les jours l'expérience en France donc le film, en assenant une nouvelle fois cette évidence, se pare d'accents apocalyptiques pour évoquer ce qui n'est qu'un énième retour du même. Déprimant. La voix-off bouddhiste de Bulle Ogier est d'une singulière niaiserie qui s'entrechoque d'une manière saugrenue avec la violence des évènements qui nous sont rapportés.

Par hasard, ce n'est peut-être pas l'objet du film? Et je suis sérieux, on aime ou pas le film, il se concentre avant tout sur W. et le mécanisme de la haine et ce que dit le film sur la situation politique est très très largement suffisant. Tu peux lui reprocher de ne pas exposer en long et en large la politique birmane mais ce serait aussi pertinent que de reprocher au Soldat Ryan de ne pas parler de l'entrée en guerre des USA et de toutes les étapes du conflit auxquelles les ricains ont participé.

Je fais plus état d'une frustration personnelle alors que je connais pas le sujet et la situation m'a l'air bloqué. Le film relie par exemple sa trajectoire avec celle de la révolution en la distiguant de certains de ses pairs. Mais je le trouve angélique dans la manière dont il considère le bouddhisme dont W. serait un dévoiement. Ce qui rejoint un peu les discussions sur l'islam politique et l'islamisme.

Là je te comprends mieux. Le film m'a aussi poussé à m'intéresser à la situation en Birmanie et à comprendre ce qui s'y passait plus en détails. Mais effectivement sans que ce soit un manque du film, plus un prolongement de celui-ci.

Tu as vu ses autres documentaires à Schroeder? Je n'ai vu que celui de Vergès et W.. Intéressé d'avoir les avis et les recommandations sur les autres.

Pareil, je me souviens mal du numéro de trublion de Vergès, pas trop ma tasse de thé.

Le documentaire sur Verges n'était pas mal, et cernait l'ambiguïté psychologique du personnage en ayant un point de vue dessus. Mais il n'en critiquait pas le mythe (aucune distance sur sa disparition après la guerre d'Algérie, et sur le fait que ce serait l'explication de son retournement idéologique). Finalement l'ambiguïté dans Amin Dada est du même ordre : le film montrait les victimes et les résistants, confondues ensemble (les médecins à la fin qui ne courbent pas l'échine) et le numéro d'acteur du dictateur, mais séparément, en champ/contrechamp.
Or les victimes ne compensent pas le mal.

_________________
Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

Erving Goffman