Ca existe depuis 2002 donc ça faisait un moment que j'en entendais parler, que je me tâtais pour me les procurer, les acheter, les emprunter, pour les lire et la récente envie de lire quelque chose de bon et d'original, qui change des interminables
events alambiqués de Marvel et surtout DC, accouplée au fait que la série venait de se terminer (en janvier) et que l'adaptation cinématographique était en train de se lancer, je me suis lancé à mon tour.
Y : The Last Man de Brian K. Vaughan (écriture) & Pia Guerra (dessin) c'est 60 numéros regroupés en 10
Trade Paperbacks chez Vertigo pour la VO.
En France, les 6 premiers arcs ont été publiés par Semic puis par Panini donc.
La première page :
Le pitch : le 17 juillet 2002, tous les mammifères possédant un chromosome Y meurent simultanément à travers le monde entier, à l'exception de Yorick, un jeune artiste de l'évasion de 22 ans et son singe Ampersand. Dernier homme sur une Terre exclusivement peuplée de femmes, Yorick part retrouver sa bien-aimée Beth, en Australie. Seulement ce souhait romantico-culcul sera évidemment parasité par nombre de responsabilités qui incombent au jeune héros.
Je n'en dirai pas plus sur l'intrigue en soi mais il me faut néanmoins mentionner certains des principaux thèmes qui parcourent les cinq années (de publication et dans la diégèse) du
comic book pour témoigner de la richesse du matériau.
Si l'on devait réduire le récit à un seul fil narratif, il s'agirait non pas de la résolution du mystère proposé par son postulat de départ (notion finalement vague, appellant à mille réponses - déconcertantes et/ou décevantes - et surtout véritablement prétexte) mais du sempiternel
coming-of-age story, ou comment le dernier garçon sur Terre devient le dernier homme sur Terre.
La maturation du protagoniste passera notamment par le biais des deux autres thèmes majeurs de la série : le rôle de la sexualité (ou plus justement du sexe, du "genre") dans la société d'aujourd'hui (qu'est-ce qu'être un homme de nos jours) et surtout la culpabilité liée à la survie.
En ce qui concerne le premier, le sujet est exploité en long en large et en travers au cours des divers épisodes décrivant les différentes manières qu'ont les communautés de femmes pour s'adapter à ce nouveau
statu quo. Qu'il s'agisse du gouvernement (le Ministre de l'Agriculture qui devient Présidente suite à la mort de tous les hommes plus haut qu'elle dans la hiérarchie de succession, comment gérer ce nouveau rôle notamment aux côtés de la mère de Yorick, élue au congrès, mais aussi faire face aux veuves de sénateurs républicains dénonçant un coup d'Etat, etc.) ou bien de milices hyper-féministes (les Filles des Amazones qui s'amputent chacun un sein pour tirer à l'arc et brûlent les banques de sperme) en passant même lors de deux épisodes
loners par une troupe de théâtre désireuse de faire passer un message au travers de ses pièces (magnifique mise en abyme), rien n'est laissé en friche. Vaughan explore toutes les pistes, à commencer évidemment par la question de la sexualité, des lesbiennes improvisées à la fidélité de Yorick...
Pour ce qui est du second angle d'attaque, bon bah il va sans dire qu'on nage une fois de plus en plein trauma post-11 septembre, où comment l'être-humain fait face à la tragédie et comment se gèrent les nouveaux enjeux de cette nouvelle ère. Comment la rumeur d'un homme ayant survécu va-t-elle engendrer une nouvelle sorte de guerre, dont l'acteur majeur sera l'armée israëlienne. Israël s'en prend d'ailleurs plein la gueule. Mais le traitement est pertinent. Toujours. Parlant tantôt politique, tantôt religion, le propos a du mérite, même lorsqu'il ne fait qu'évoquer par exemple le rôle des
burkas dans un monde sans hommes.
N'oublions pas qu'il s'agit d'une édition Vertigo, autrement dit on n'est pas dans du
comics mainstream. Non seulement ça jure et ça saigne et ça baise mais le contenu s'avère mature bien au-delà de ces figures de style, jusque dans les questions qu'il aborde.
Allez une page de sexe pour faire vendre :
De plus, ça brasse les genres, du film d'horreur à la science-fiction, du film d'espionnage au film de guerre, du
road movie au film post-apocalyptique, se permettant même un trip typiquement japonais, et le tout matiné d'humour et de références
geek bien senties (forcément).
Le dessin, simple, rappellant les
comics des '90s, n'a rien de franchement renversant mais fait l'affaire d'autant plus que le découpage sait se faire efficace.
Par contre, les couvertures (majoritairement l'oeuvre de J.G. Jones) sont très classes.
Je ne saurais donc que trop vous le conseiller.
Vous pouvez lire le tout premier numéro en PDF, gratuitement, sur le site officiel, ici :
http://www.dccomics.com/media/excerpts/1736_1.pdf
Et je veux bien prêter la suite pour qui veut.