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MessagePosté: 17 Aoû 2005, 01:08 
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L'armée des ombres - Jean-Pierre Melville (1969)

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Une chronique de la Résistance française au-travers des vies sacrifiées et des sentiments humains piétinés au nom de la cause.

On en sort avec le sentiment d'une lutte affreusement lente, frustrante, dérisoire, un travail de fourmi au sens le plus littéral (l'individu est un instrument, remplaçable, interchangeable... je n'ai pu m'empêcher de penser à Au-delà de la gloire sur ce point, ainsi que pour la narration découpée par épisodes). Tous les acteurs donnent l'impression (mais est-ce seulement une impression?) de parler à mi-voix, de raser les murs, de se rendre les plus anodins possibles, le tout en permanence, restituant bien là (j'imagine) ce que devait être cette vie de dissimulation et de terreur. La mise en scène de Melville donne des tonalités comme funèbres à l'ensemble, cadrant comme pour leur dire adieu à chaque scène des personnages en proie à des tensions hors du commun, composant avec des circonstances inhumaines. Ventura, Meurisse et Signoret sont tout bonnement exceptionnels.

Note technique: le DVD Studio Canal est vraiment bien, la compression trouve bien ses limites lors de certaines scènes nocturnes les plus poussées (ceci dit j'ai vu des pixellisations autrement plus grossières), mais sinon la copie est vraiment excellente et le transfert impeccable.

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Ladyhawke.


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MessagePosté: 17 Aoû 2005, 07:58 
Sans doute mon Melville préféré.
Chef-d'oeuvre absolu, oui.

J'adore la citation de jesépluki au début du film : "Mauvais souvenirs, soyez pourtant les bienvenus, vous êtes ma jeunesse lointaine!"

Et ces tout derniers plans, p'tain, j'en frissonne...


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MessagePosté: 17 Aoû 2005, 08:32 
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Bob Harris a écrit:
Et ces tout derniers plans, p'tain, j'en frissonne...


Itou, j'ai eu l'impression que mon cœur pesait des tonnes à ce moment-là...

Une scène m'a aussi plongée dans un état second: celle où Signoret réconforte Ventura
après le sauvetage in extremis de celui-ci
, simplement en prenant sa main dans les siennes. Aucun mot n'est échangé, la caméra voit une main s'approcher, puis l'autre s'y arrimer... C'est bouleversant dans sa sobriété.

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Ladyhawke.


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MessagePosté: 16 Mai 2011, 01:03 
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Je rejoins Ladyhawke : impression d'un film de morts-vivants, souterrain, plongé dans un continuel crépuscule que ne vient percer que quelques jours ternes et d'immaculés intérieurs. Le film se passe volontairement de grandes-scènes-tour-de-force, rangeant sa violence dans les ellipses, rendant toute tension sourde et éteinte : les opérations peuvent rater, il peut ne rien advenir, le récit peut ne mener à rien. A ce train, j'ai parfois l'impression que le film rate de beaux rendez-vous (la scène du parachutage, par exemple, qui aurait pu être quelque chose de très grand), ou qu'il mouline un peu le vide (tout le passage à Londres) à force de refuser absolument de percer le ton éteint qui enveloppe le film d'un bout à l'autre. Mais Melville y gagne une atmosphère remarquable, douce et mortifère, comme si la vie avait continué automatiquement, à vide, à dérouler ses gestes après que la guerre ait tué tous les humains occupant ces corps calmes.

En prenant pour figure de proue un mathématicien, Melville résume les agissements de la bande à une simple logique à appliquer : "ce qu'il faut faire", quoique cela puisse remuer chez eux. La première grande scène, celle de l'exécution, se charge d'emblée d'évacuer morale, troubles, ou émotion : tous se sont offerts à cette cause un peu abstraite, devenus outils au service d'une marche à suivre qu'ils exécuteront. C'est vraiment la marque d'un grand talent, chez Melville, de dérouler un tel programme sans que le film en devienne saillant et froid, mathématique dans la forme justement : il parvient à nous faire partager les intériorités par touches minuscules, presque déjà effacées mais sensibles, assez déchirantes (les plans finaux, incroyables, on dirait une bande de tombeaux ambulants). Il montre surtout celles-ci s'user au combat invisible, ne donnant finalement pas autre chose à voir qu'un groupe qui, appliquant ce qui doit être appliqué, amène au final principalement ses composants à se supprimer les uns les autres - sans jamais nous faire ressortir ça comme une absurdité.

Encore un excellent Melville, je kiffe je kiffe je kiffe ! Ce réal ca va être comme Spielberg, quand tu as besoin tu prends un film au hasard et tu sais que quoiqu'il arrive tu vas bouffer du cinéma jusqu'à t'en éclater la panse.


Dernière édition par Tom le 16 Mai 2011, 01:46, édité 1 fois.

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MessagePosté: 16 Mai 2011, 01:07 
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Ce film est sublime, certaines séquences sont incroyables de tension.

Si tu veux un peu de lecture, je te conseille ce petit texte écrit par un ami à moi :

http://archive.filmdeculte.com/coupdeprojo/melville.php

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MessagePosté: 16 Mai 2011, 01:19 
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Il est bien le texte : il y a un truc, effectivement, qui fait beaucoup dans l'étrangeté du film, c'est l'impression que la guerre ne finira jamais. Que le monde restera comme ça pour toujours... ca participe à ce petit côté très légèrement fantastique (film de vampires, en gros), ce côté dépressif d'hommes qui déploient tout pour quasiment aucun résultat.

J'ai quand même super peur d'aborder la frange "policier" du ciné de Melville : j'ai peur qu'il s'y cache un petit côté parigot-populo qui me hérisse, alors que si j'adore justement les films vus jusqu'ici c''est qu'ils ont complètement réussi à éviter ça.


Dernière édition par Tom le 16 Mai 2011, 01:41, édité 1 fois.

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MessagePosté: 16 Mai 2011, 01:41 
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Tom a écrit:
Il est bien le texte : il y a un truc, effectivement, qui fait beaucoup dans l'étrangeté du film, c'est l'impression que la guerre ne finira jamais. Que le monde restera comme ça pour toujours... ca participe à ce petit côté très légèrement fantastique (film de vampires, en gros), ce côté dépressif qui déploie tout pour quasiment aucun résultat.


J'y retourne souvent, ça fait 4-5 fois que je vois, et à chaque fois c'est la plongée dans une sorte de Paris d'épouvante, de monde parallèle désagréable, un cauchemar poisseux qui me tord les boyaux. Et puis pour moi, c'était la vraie découverte de Ventura. Je l'appréciais déjà, mais de loin. Quand on pense au fait qu'ils pouvaient pas se voir Melville et lui, qu'ils s’adressaient la parole via un intermédiaire, même face à face ("Demandez à Mr Ventura s'il peut poser son chapeau sur le cintre en entrant dans la pièce" - le mec demande à Ventura à deux mètres, et Ventura de répondre "Très bien mais demandez à Mr Melville s'il souhaite que je le pose sur la branche du haut, ou sur celle du bas"). Mais bon, ils se respectaient malgré tout, et avaient artistiquement besoin l'un de l'autre. C'est complètement fou.

Citation:
J'ai quand même super peur d'aborder la frange "policier" du ciné de Melville : j'ai peur qu'il s'y cache un petit côté parigot-populo qui me hérisse, alors que si j'adore justement les films vus jusqu'ici c''est qu'ils ont complètement réussi à éviter ça.


Faut pas, j'étais comme toi, encore plus réticent même. Mais finalement, Melville a tellement un univers à part, que son cinéma vieillit très peu. Il regrettait d'ailleurs d'avoir tourné autant de gros plans sur des objets comme les téléphones, parce qu'au final, c'est ce qui vieillit le plus les films, étant donné que la technologie ne cesse de progresser. C'était bien vu.

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MessagePosté: 16 Mai 2011, 01:44 
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Z a écrit:
Quand on pense au fait qu'ils pouvaient pas se voir Melville et lui, qu'ils s’adressaient la parole via un intermédiaire, même face à face ("Demandez à Mr Ventura s'il peut poser son chapeau sur le cintre en entrant dans la pièce" - le mec demande à Ventura à deux mètres, et Ventura de répondre "Très bien mais demandez à Mr Melville s'il souhaite que je le pose sur la branche du haut, ou sur celle du bas"). Mais bon, ils se respectaient malgré tout, et avaient artistiquement besoin l'un de l'autre. C'est complètement fou.

Je trouve ça dingue cette ambiance de plateau exécrable qui est décrite sur les Melville, ou même le fauché-aventureux du Silence de la mer, ou encore la personnalité de Melville (le fantasme américain, kéké qui fantasme sur les bagnoles et les lunettes noires) : je ressens tellement pas ça une seule seconde dans les films, pas une mini-miette, c'est un décalage total que je trouve spectaculaire.

Citation:
Faut pas, j'étais comme toi, encore plus réticent même. Mais finalement, Melville a tellement un univers à part, que son cinéma vieillit très peu. Il regrettait d'ailleurs d'avoir tourné autant de gros plans sur des objets comme les téléphones, parce qu'au final, c'est ce qui vieillit le plus les films, étant donné que la technologie ne cesse de progresser. C'était bien vu.

Héhé, pas con... Après s'il filme ça bien, y a pas de souci. Les années 40 de ce film font absolument pas vieillottes, on pourrait croire que ça se passe dans la campagne d'aujourd'hui à peu de choses près.


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MessagePosté: 16 Mai 2011, 01:55 
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Et sinon marrant de voir la réaction dithyrambique des critiques américains, qui apparemment n'ont pu découvrir ce film qu'avec un énoooorme retard, en 2006 :

http://www.rottentomatoes.com/m/army-of-shadows-1969/


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MessagePosté: 16 Mai 2011, 08:15 
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Je suis archi fan.

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MessagePosté: 16 Mai 2011, 09:06 
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Idem, c'est immense comme truc. Et pour les policiers de Melville, à part Un Flic qui n'est pas terrible (vieilli, Melville commence à faire de son style un gimmick, une espèce de poursuite en train en maquette surréaliste) mais qui contient de très belles choses le reste c'est que du bonheur.

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MessagePosté: 12 Mai 2015, 23:36 
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Film qui m'a complètement laissé sur le bas côté, me tenant à distance, capable uniquement d'admirer la démarche du film aussi froidement que Melville aborde son sujet.

Déjà, j'ai passé près d'une heure à me demander quand ça commencerait, face à ce récit qui change de point de vue comme ça, sans prévenir, avant de saisir qu'il s'agirait davantage d'une chronique, dénuée d'intrigue à proprement parler et autant je trouve remarquable le temps que le récit prend pour montrer l'insoutenable
(la première exécution, l'attente du parachutage, la mission de sauvetage ratée de Félix, la cruelle course-évasion du peloton)
, autant je ne peux m'empêcher de trouver le temps long entre chacun de ces gros morceaux, surtout dans l'impossibilité de me raccrocher à un fil rouge.

Je trouve ça régulièrement beau, dans l'atmosphère fantômatique pluvieuse ou nocturne générale, comme dans certains détails
(Cassel qui s'auto-dénonce, la voix-off de Gerbier qui contemple sa mort, le meurtre de Mathilde)
mais je trouve ça trop clinique et lent pour que ça m'emporte.

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MessagePosté: 13 Mai 2015, 07:19 
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Ouhlaaaa, attention au spoil ! (me suis permis de mettre les balises au cas où quelqu'un lirait ton message avant que tu reviennes...)


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MessagePosté: 13 Mai 2015, 10:54 
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J'ai hésité puis je me suis dit 1969.

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MessagePosté: 13 Mai 2015, 17:41 
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Film Freak a écrit:
J'ai hésité puis je me suis dit 1969.


Aue certains peuvent découvrir de nos jours.

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