Sur l’île rocheuse de Jeju, un jeune acteur réalise un film. Alors que l’inspiration lui manque, il aperçoit une silhouette au pied d’une falaise. Grâce à cette rencontre et à une chanson d’amour écrite des années plus tôt, il a enfin une histoire à raconter.Joie des sorties non chronologiques parce que si je n'avais pas déjà vu
De nos jours l'an dernier, celui-ci aurait été le parfait candidat pour clore une cinématographie. Le précédent (
Walk-up) n'était pas particulièrement guilleret, mais tout de même moins foncièrement pessimiste que celui-ci, où Hong Sang-soo questionne une nouvelle fois le rapport entre réalité et fiction, et dans le droit fil de ses précédents films tend toujours plus vers une prépondérance de la vie réelle sur celle fictionnelle. Exemplairement ici le nouvel alter-ego du cinéaste ambitionne de tourner un court métrage (à ses frais) purement fictionnel (il est en train de boucler l'écriture de son scénario avant de se lancer dans le tournage), mais va brusquement tourner casaque et s'inspirer (en fait totalement rejouer) une rencontre qu'il va faire avec une habitante de Jeju qui, chaque semaine, vient recueillir sur la plage les déchets. L'ensemble transpire une humilité absolue, celle de Hong face à la réalité, avec laquelle la fiction ne saurait rivaliser, celle de cette femme qui répète qu'elle ne vient pas ramasser les détritus pour qu'on la remercie mais uniquement parce qu'elle en a le temps et qu'elle estime nécessaire de le faire. Aucun doute que c'est surtout l'humilité de cette femme qui l'aura marqué et qu'il veut saluer, chemin qu'il souhaite lui-même emprunter jusqu'à se fondre totalement dans son environnement et y disparaître (ce que le plan final vient définitivement sceller).
Ce qui fait par contre la particularité d'
In Water c'est son parti pris esthétique unique, puisque le film est effectivement largement (mais non entièrement) défocalisé. Cela donne étonnement lieu à de très beaux flous, mais loin de n'être qu'un artifice c'est la manière qu'à choisi Hong d'opposer visuellement réalité et fiction. La réalité c'est le flou, la fiction la netteté, et au début du film, lorsqu'il s'imagine encore faire un film purement fictionnel, les scènes d'intérieur sont les seules où le point est fait. Survient sa rencontre avec la nettoyeuse de plage, et après un petit somme notre jeune réalisateur se réveille et apparaît pour la première fois, dans une scène d'intérieur, flou. La bascule est actée, le CM ne sera plus une pure fiction mais une reconstitution d'une scène réelle. Et le point ne sera plus jamais fait dans le film. Hong scelle ainsi la prééminence de la réalité, ce qui semble tout de même profondément l'attrister (parce qu'au-delà de 2/3 saillies comiques, comme les courses beaucoup trop fournies que l'on va faire avec la CB du réalisateur, l'ambiance est tout de même profondément morose), heureusement on a déjà vu le film suivant (pareillement épuré), où le réalisateur semble plus rasséréné (et prêt à se relancer dans le bain de la réalisation). Hâte de voir son dernier.