Quelques lectures récentes :
Angel, d'Elizabeth Taylor
Superbe surprise que ce roman d'une auteure britannique un peu tombée dans l'oubli, avec ce portrait d'une femme profondément égoïste, en guerre avec le réel, et d'une galerie de personnages du même acabit, tous, à des degrés divers, victimes de leur manque d'empathie. C'est très caustique, Taylor ne ménageant jamais ses personnages et n'hésitant pas, avec son humour incisif, à les tourner en dérision, et finalement, la principale faiblesse de ce roman de déconstruction, de pourrissement, c'est qu'on ne sait pas trop où il veut en venir, passant d'une froideur parfois clinique à certains passages poignants (je ne révèle rien), où l'on sent poindre la compassion.
Mais c'est en tout cas une plongée parfaitement maîtrisée dans l'égoïsme et ses implications, et Taylor écrit vraiment bien, étant capable, en quelques lignes, de toucher la substantifique moelle de ses personnages et d'énoncer des vérités universelles.
Bref, j'ai adoré, et je conseille fortement.
Un petit extrait (en anglais, pardon) :
Curieux de voir ce qu'Ozon a fait du bouquin, même si son film a vraiment une sale réputation.
Flags in the Dust, de William Faulkner
C'est la version longue (jamais traduite en français, il me semble) de Sartoris, bouquin de début de carrière de Faulkner, qu'il n'a pu sortir qu'après des coupes assez drastiques de la part de son éditeur. Coupes judicieuses, d'ailleurs, puisqu'elles concernent le personnage le plus relou du roman (Horace Benbow, qui sera bien mieux employé dans un roman ultérieur, Sanctuary), queutard notoire, et sorte de machine à aphorismes et à blala métaphysique sans intérêt.
Mais autrement, malgré des envolées lyriques parfois peu à propos, une certaines obésité, et une tendance à l'autosatisfaction, ce qui est le premier roman de Faulkner dans sa veine sudiste (qui fera plus tard sa renommée) regorge de pages magnifiques, notamment sur la campagne du Mississippi et ses habitants, et réussit dans les grandes largeurs sa réflexion sur l'hérédité, la passation de la violence, et la culpabilité. Il y a vraiment de beaux personnages, et toujours ce mélange de cruauté et de tendresse si caractéristique. Même si Faulkner fera beaucoup mieux, c'est aussi probablement son roman le plus accessible, une porte d'entrée plus classique que les romans plus chaotiques et expérimentaux qui suivront.
Autrement, je continue d'avancer très lentement (et péniblement) dans
Little Women, de Louisa May Alcott, roman qui est sans doute l'incarnation la plus pure (et donc la plus horripilante) du protestantisme (Müller, c'est pour toi), avec sa galerie de personnages obsédés par The Pilgrim's Progress et donc par la vertu au quotidien, qui s'exprime autant dans le travail que dans le rapport à autrui. C'est vraiment casse-couilles tant ça déborde de bons sentiments et de préchi-précha de bénitier, mais en même temps, l'aspect documentaire du truc est indépassable, et c'est quand même moins chiant que se taper du John Bunyan. Et puis il y aussi la dimension profondément féminine du bouquin, Alcott tentant de mettre en avant des caractéristiques individuelles marquées dans un monde de domesticité teintée de religion, et à ce titre aussi, c'est fascinant. Va me falloir encore quelques mois pour aller au bout, mais...