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MessagePosté: 10 Avr 2011, 23:43 
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*Soirée Jackass-même-pas-peur : parle du film préféré des enculteurs*

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L'histoire en 12 tableaux de Nana, jeune vendeuse désargentée qui rêve de devenir actrice et en vient, peu à peu, à se prostituer.


On en avait déjà discuté dans le top : je ne suis pas spécialement fan du Godard des années 60. Du côté "hype" et poseur, hyper-référentiel et foutraque, pas toujours capable de construire un film solide derrière l'apparence charmante (qui perso m'agace plus qu'autre chose). Celui-ci, je dois reconnaître, s'en détache assez nettement pour mon plus grand plaisir : d'une structure simple et épurée en douze segments, ne croulant pas sous un trop-plein étouffant d'idées disparates (bonheur de voir Godard mener enfin dans un film de jeunesse toutes ses pistes jusqu'au bout, notamment ici tout ce qui relie au film de Dreyer), Vivre sa vie séduit avant tout par son concept, par une "idée de film" très nette et très pure.

Cette idée, sur laquelle on brode d'ailleurs explicitement à plusieurs reprises, c'est de tout centrer autour d'un visage. Dès le générique, où on nous pose l'objet sous tous ses angles pour nous faire piger d'emblée que ce sera l'apha et l'omega de tout ce qui pourra suivre : le visage d'Anna Karina en sera le phare. C'est lui qu'on fait attendre, qu'on fait désirer (de dos, dans le reflet d'un miroir), qu'on fait réagir, qu'on fait pleurer, qu'on regarde mué par le maquillage. C'est vraiment, très littéralement, un film sur un visage, un film amoureux à la fascination increvable qui en épuise jusqu'à la dernière force, au dernier angle, à la dernière miette, et qui construit l'intégralité de sa mise en scène autour du désir de le contempler.

C'est surprenant et paradoxal de marier cette peinture idéalisée à l'image de la prostitution, sujet dont sait décidément vraiment parler Godard : il excelle à en dérouler tous les fils - ce qui la relie aux rapports en société, l'essence crue des échanges humains qu'elle permet d'observer, les rencontres troublantes qu'elle donne à voir avec l'obsession très cinématographique de la fétéchisation d'une femme... Le segment central législatif, tour de force de montage tranquillement sec, est d'ailleurs le sommet du film (alors que c'est paradoxalement le seul où le visage-phare apparaît peu).

Pour le reste, Godard s'avère finalement meilleur lorsqu'il épouse la franchise du concept initial : les scènes les plus simples (l'interrogatoire, sublime, le premier client, la discussion avec le philosophe) sont de loin les plus réussies. Mais parce que le film n'est pas exempt de défauts, il se vautre aussi parfois dans les "idées de découpage" laborieuses et un peu vaines (les travellings tournants avec le photographe, le mac qui dissimule le visage de Karina...), quand il n'empire pas la situation en déroulant l'habituelle farandole de discussions vaseuses à maximes qui ne vont nulle part. Ça reste rare dans ce film, c'est en fait surtout concentré au début, et on revient d'ailleurs pointer leur futilité par la suite...

Mais cette façon de rater son entrée (hors-générique) et sa sortie (dernier segment au déroulement entravé, et surtout fin expédiée sous l'excuse de la révérence à la série B, y a vraiment pas de quoi être fier) donne malheureusement un peu l'impression de mener le film de nulle part à nulle part, pour au final le ré-enterrer dans la case confortable et morne de l'expérimentation curieuse. Je pense que ca aurait pu aller plus loin et voir plus grand, quoi : il y avait peut-être plus à faire qu'à interposer la lecture de Poe (même si la scène est très forte, cruelle et terrible) pour faire de l'ensemble le témoin d'un amour vampirique qui finira par tuer l'objet des délices. En l'état, je vais pas me plaindre : une fois passé Le mépris, c'est probablement direct mon Godard préféré de cette époque.


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MessagePosté: 11 Avr 2011, 08:19 
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Un de mes Godard préférés (dans le top 5 disons)
Je trouve le film absolument splendide et Anna Karina y est incroyablement belle.
Et puis c'est un des rares Godard qui m'émeuvent aussi tout simplement pour leurs personnages (et non juste pour la forme du film, capable de m'arracher des larmes parfois). Moins poseur que les autres, plus humain.
6/6


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MessagePosté: 06 Juin 2011, 11:35 
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Tom, il est cohérent que Godard réintroduise une série B qui expédie la fin du film: toute l'histoire de cette jeune fille qui cherche la liberté ne mène qu'à un règlement rapide et sans chichis: la femme n'est qu'un bouclier humain dont les hommes se servent sans vergogne. End of the story.

Pour ma part j'ai trouvé ça bien, très touchante Anna Karina, même si je pense que le film aurait pu être bien plus bouleversant, aller plus loin dans l'exploration des liens qui se tissent à partir de la figure centrale de la prostituée... La discussion avec le philosophe, délicieusement spontanée en même temps qu'invraisemblable, Rohmer-style, réintroduit une profondeur bienvenue.

5/6


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MessagePosté: 06 Juin 2011, 15:23 
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Inscription: 13 Mai 2010, 11:50
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Moui, je trouve quand même que ca sort un peu de nulle part (rien ne l'annonce, même la prostitution me semble être approchée au-delà d'une soumission aux hommes...). Ça m'a vraiment semblé dissocié du film.


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MessagePosté: 27 Aoû 2023, 19:19 
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Robot in Disguise
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Inscription: 13 Juil 2005, 09:00
Messages: 36762
Localisation: Paris
Tom a écrit:
Moui, je trouve quand même que ca sort un peu de nulle part (rien ne l'annonce, même la prostitution me semble être approchée au-delà d'une soumission aux hommes...). Ça m'a vraiment semblé dissocié du film.
Il y a bien ce règlement de compte plus tôt dans le film qui fait déjà office de cheveu sur la soupe mais qui interjette un peu de "genre" pour préparer le terrain (avec ce mec au visage ensanglanté qui entre dans le bar et le barman lui demande "Ça va pas ?" :lol: ). Mais ça ne suffit pas en effet pour moi à vendre cette fin abrupte et un peu contente d'elle-même.

De toute façon c'est dans ces moments-là qu'on sent le Godard formaliste qui s'amuse à jouer des codes, qu'au final la prostitution, le commentaire social, ne l'intéresse guère (malgré le chapitre législatif dont parle Tom, fort): il y a d'un côté le fait de se toucher sur Anna Karina, de la scruter de toutes part, la cherchant au cadre, la ratant parfois, la dissimulant (afféteries mais sympatoche), de l'autre la structure, le chapitrage, l'auto-référence tout ça. Le film existe dans ces deux extrêmes mais moins dans le "milieu". Même si ce n'est pas pour autant exempt d'émotion.

Bref je sais pas trop quoi en dire de plus à part que j'ai bien aimé. Difficile de passer après Tom. Tout ce que je sais c'est que Ce film > Jeanne Dielman*

*pas vu Jeanne Dielman

_________________
Liam Engle: réalisateur et scénariste
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