Avec, entre autres, la trilogie Quatermass et Night of the Demon, un autre monument de la tweed horror dont les caractéristiques sont déjà dessinées ci-dessus. Belles baraques à moulures et cheminées, vestes rembourrées et gilets d’intérieur, indignation guindée et haute expertise… le contexte idéal et la catégorie socio-professionnelle tout indiquée pour accueillir une catastrophe hors du commun.
Catastrophe dont les images sont en effet particulièrement ancrées dans la culture populaire, dont finalement le remake par Carpenter (encore jamais vu, je suis curieux) en est l’expression la plus anecdotique.
Mais alors, métaphore presciente sur les grossesses non-désirées, qui plus est suite à des rapports (ou, dans ce contexte précis, des inséminations) non-consentis ?
Pour qu’une métaphore fonctionne intellectuellement, au-delà donc de l’aspect esthétique, il faut qu’elle soit cohérente jusqu’au bout. Et en l’occurrence, les enfants du film ne sont humains que d’apparence, ce sont en réalité des parasites. Pour rappel, et c’est là la véritable métaphore de cette histoire, le titre original du roman de John Wyndham est The Midwich Cuckoos. Certains coucous sont connus pour pondre leurs œufs dans le nid d’autres espèces, leur poussin programmé (c’est-à-dire qu’il n’a pas appris par l’exemple à faire cela) pour éjecter du nid les œufs non-éclos voire les poussins originaux dans le but de s’accaparer l’instinct maternel de la mère dépossédée.
Et si les mères dans le film sont elles aussi dépossédées de toute agence, jusqu’à même de l’expérience unique de la normalité naturelle de la grossesse (les embryons ont une croissance accélérée), ce qui contribue indéniablement au malaise de la première partie, c’est également le cas des pères et par extension de l’ensemble de la communauté. C’est donc le monde entier qui souffre du même sort, une impuissance totale au sens propre comme figuré puisque la conception s’est faite en dehors des canaux habituels. Les enfants sont, quant à eux, caractérisés par l’exact opposé : ils sont dans le contrôle total, dans la supériorité, la tromperie, la longueur d'avance, la survie à tout prix. Complètement hermétiques à toute espèce d’affection. Des parasites inhumains, d’une autre espèce.
Le véritable propos, ou enjeu, ou conflit, esquissé dès la moitié du film, et qui découle naturellement de la métaphore du coucou et son parasitisme préprogrammé, c’est la question de l’inné et de l’acquis — question partagée entre le scientifique vieillissant fasciné par les performances intellectuelles inouïes des enfants et son beau-frère militaire estomaqué par leur absence de bonté. Les enfants, lui rétorque le scientifique, ne naissent pas avec une moralité innée, il faut la leur apprendre et compte tenu de leur intelligence supérieure, ça ne devrait pas être difficile. Il voit dans leur intellect impressionnant un raccourci vers la moralité. La moralité est un frein, lui répond son beau-frère, et rien ne permet de supposer que ces enfants ont la moindre capacité, malgré leur haute intelligence, à en apprendre l’usage (ou pire encore, mais ce n’est que sous-entendu, la volonté). Leur intelligence supérieure, pour lui, est signe qu'ils risquent de ne pas vouloir s'en embarasser.
Maintenant comme noté par Tom, le film est singulièrement froid la plupart du temps, placide dans son déroulé de l’angoisse. Si cela contribue à son charme et son impact, je reste plus réceptif à l’énergie pulp du duo Val Guest/Nigel Kneale et à la noirceur cossue de Jacques Tourneur.
_________________ Looks like meat's back on the menu, boys!
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