Angleterre, 1580. Un professeur de latin fauché, fait la connaissance d’Agnès, jeune femme à l’esprit libre. Fascinés l’un par l’autre, ils entament une liaison fougueuse avant de se marier et d’avoir trois enfants. Tandis que Will tente sa chance comme dramaturge à Londres, un drame se produit. Le couple, autrefois profondément uni, vacille. Mais c’est de leur épreuve commune que naîtra l’inspiration d’un chef d’œuvre universel.Le synopsis ci-dessus, repris d'Allociné, essaie inexplicablement de cacher ce qui a toujours été l'argument de vente du film, à savoir que c'est globalement
Shakespeare in Deuil.
Le couple Shakespeare a vraiment eu un fils nommé Hamnet qui est mort à l'âge de 11 ans et le roman de 2020 dont est tiré le film n'était pas le premier à émettre la théorie que la tragédie personnelle a donné naissance à la plus grande que le Barde a écrit mais on est clairement dans une
fanfiction qui s'assume comme tel.
Cela dit, même si je l'avais initialement perçu de façon aussi vulgaire, quand c'était encore un projet de Sam Mendes (qui produit, avec Spielberg), on est à des kilomètres d'un film à gros clins d’œil entendus vers le spectateur comme s'il s'agissait d'une préquelle avec plein d'
easter eggs pour les fans du dramaturge.
Hamnet est une méditation sur la mort qui revêt un aspect presque mythique, non pas par le biais de la notoriété légendaire de Shakespeare mais par le prisme de son épouse, réinterprétée ici au travers de son surnom - Agnes - et vu par les autres comme
"la fille d'une sorcière de la forêt", récitant des recettes héritées de sa mère comme des incantations, et par l'approche formelle de Zhao, filmant la nature comme une divinité, avec un vent initialement omniprésent, jusque dans le
sound design, et embrassant des choix d'illustrations iconiques (quand un bébé naît, il n'a visiblement pas de cordon ombilical). Jamais le film ne prétend à une quelconque véracité historique (y a qu'à voir son Shakespeare campé par ce dieu grec qu'est Paul Mescal).
A ce titre, l'entrée en matière du film est tout à fait envoûtante, et commence bien plus tôt que je ne le croyais, avec la rencontre de ce fils de gantier prof de latin, délibérément jamais nommé au début, et de cette fille des bois, plantant la graine de ce qui apparaît comme la finalité du récit : l'idée que cet homme ne sait communiquer avec cette femme (et avec les autres) qu'au travers d'histoires.
Cela étant dit, c'est aussi dans ce parti-pris narratif que le bât blesse à mon goût : le véritable élément déclencheur du film n'arrive qu'à mi-film, voire aux deux-tiers (comme s'il s'agissait du "All Is Lost" de fin de deuxième acte, pour reprendre des termes de scénariste). Peut-être est-ce pour cela que le synopsis se garde de nommer la tragédie en question...mais le titre du film l'a nommé et je ne crois pas que le récit sans cache, les croyances du personnage féminin inscrivant son parcours dans une certaine fatalité.
Malheureusement, une fois passé ce point, ce qui devrait constituer le cœur du film - le deuil tuant la communication au sein du couple et l'art le ressuscitant - est réduit à quelques scènes clichés où Madame engueule Monsieur parce qu'il part à Londres travailler au lieu de se recueillir dans leur maison de campagne et à une résolution quasi-immédiate, certes puissante (parce qu'essentiellement dû au texte de Shakespeare) mais un peu simple.
Au milieu, il y a bien un touchant portrait d'une relation entre jumeaux fusionnels mais
on n'est pas là pour ça et si je ne vais pas nier avoir pleuré abondamment durant les moments les plus durs, je ne trouve pas le film aussi émotionnellement dévastateur que ne le laissent entendre la majorité des critiques.