Vu Rêves.
Je mentirais si je disais que je ne me suis pas ennuyé (pour utiliser un euphémisme), l'éveil de le jeune fille étant plus éloigné de ma vie que les quarantenaires de Désir, avec leur rapports érotisés (peuit-être encore plus dans le travail que dans le couple) et teintés d'une ambiguïté que la bienveillance ne dissipe pas complètement.
De plus je l'ai vu dans une salle l'après-midi, avec un public assez téléramesque de dames dont la moyenne d'âge devait dépasser les 70 ans, en décalage total avec les atermoiements adolescents du personnage central, accentuant en fait l'impression de voyeurisme.
Mais j'ai apprécié la pirouette finale (et la bonne scène de psy), là aussi un peu "cynique" (terme impropre car trop massif et moralisateur) ou en tout cas ironique (
.
C'est un peu péteux et facile mais cela fait penser à une sorte de version queer du Journal d'un Séducteur de Kierkegaard (consommée, la relation amoureuse deviendrait insignifiante, la fantasmer puis la raconter en préserve la valeur et le caractère édifiant, mais pour le lecteur seul, par pour l'être aimé, l'écriture est en fait la plus proche imitation du désinteressement éthique, que la publicité trahit - la morale possède un cractère général et formel qui commence lorsqu'on comprend que le témoignage pur est impossible, intégralement restituée elle ne serait alors qu'une expérience parmi d'autres).
On trouve une proximité thématique et formelle avec Désir. Notamment avec les fondus au blanc dans l'autre film, au vert (insistance un peu lourde, elle demande de deviner sa couleur préférée, et s'habille souvent de vert) ici - couleur de la rédemption chrétienne d'ailleurs.
Le discours moral, complètement intentionnel chez les personnage, en apparence dialectique, devient l'instrument d'une mise en abyme un peu gidienne du récit dans le récit depuis un point de vue privilégié.
Tant que le questionnement moral est aussi fictif que la situation matérielle, le narrateur peut s'assumer socialement comme écrivain ou en tout cas comme artiste.
Il y a aussi, vers la fin du film, la reprise de la même chorégraphique collective, de spectacle diégétique (l'échelle de Jacob ici, le choeur dans Désir), sexualisé et marqué par une forme de solennité religieuse. La jouissance sexuelle est un enjeu collectif, mi-explicite mi intime, suscité autant que dosé. Le sexe est le fragile (car à la fois subi et postulé) inconscient dans la représentation (dans tous les sens du terme) que la communauté se fait d'elle-même, le spectacle comme l'amour sont pareillement des productions. Il permet aussi à l'idée de salut d'être l'enjeu d'une cérémonie, à la fois image et invocation, la jouissance est imitée au même titre que la passion du Christ, mais dans un cadre temporellement fixé. Elle ne débordera jamais
Le dispositif est foncièrement post-moderne ; les personnage critiquent l'objet d'une croyance passée, assument une réalité décevante, c'est même cette résignation qui est l'objet du discours commun.
Ils se résignent dans chaque film à jouir d'une relation dont ils ignorent la valeur, mais le fait que l'artiste dans la fiction (le chef chanteur dans Désir, la fille et aussi sa grand-mêre dans celui-ci) ne doute jamais de sa propre valeur tout en apparaissant, malgré cette arrogance, plus sensible et compatissant que son entourage, escamote ce qui pourait être un trop grand symbolisme : la compassion pour autrui maintient un récit naturaliste, factuel et descriptif, dans une forme esthétique sceptique et quand-même assez maniérée.
Finalement, on ignore ce que les personnages ont découvert et compris : est-ce l'hypocrisie ou la mauvaise foi de leur entourage, ou bien le caractère irréel et spéculatif du sentiment amoureux, malgré la sincérité de l'engagement ?
C'est cette indécision qui permet au histoires de se succéder, à un autre de commencer là où le personnage principal est conscient de sa fatigue et de son désir d'arrêter.
Dans cette indécision, l'égalité sociale, l'objet d'une forme de partage démocratique se confond avec le même ontologique, ou plus modestement une forme de ressemblance (les personnages ne revendiquent rien, ils sont déjà acceptés*, il y a dans ce film-ci une ébauche de différent politique et de séparation quand la mère et la grand-mère s'embrouillent sur Flashdance, où la grand mère se comporte comme une caricature d'intellectuelle adornienne incapable de critiquer la culture populaire sans lui prêter un caractère contagieux menant au mépris de son public, mais c'est la fiction de la fiction, un rituel privé un peu marginal et ironique.
* C'est moins vrai dans les deux films pour ce qui se passe à l'école, montrée dans les deux films comme un univers pesant, faisant du souci pour l'égalité entre élèves et le bien-être de chacun des normes et finalement des jugements. Mais paradoxalement cela rend la différence sociale ou sexuelle tangible
).