1974-1975, juste avant le début de la guerre civile libanaise.
Entre les destructions au Sud-Liban et les camps de réfugiés de Beyrouth, après un résumé historique sur l'antisémitisme européen, la déclaration Balfour et la guerre de 1948, la lutte palestinienne filmées d'un point de vue soutenant l'OLP.
En 45 minutes on suit principalement des funérailles après un bombardement israélien au Sud Liban, l'entraînement militaire de recrues, et l'organisation scolaire et médicale du camp, qui met en avant des jeunes femmes qui ont aussi un discours sur les freins culturels et familiaux qu'elles affrontent.
Par ailleurs les Palestiniens se trouvent pris entre deux (voire trois) feux, menacés côtés iséraéliens, mais aussi par les "landlords" libanais, qui tiennent à la fois les banques (à cette époque le Liban est une interface financière entre l'ouest et le moyen-orient comme Dubai, Abu Dabi ou Doha aujourd'hui) la propriété foncière (l'arrivée des réfugiés palestineins est présentée comme s'inscrivant ou favorisant une stratégie spéculative pour tirer la valeur des terres à la hausse), et le régime jordanien qui les a réprimé durement après Septembre Noir. Le film interroge notamment (désynchrnoisant le son et l'image) des déserteurs de l'armée jordanienne qui ont rejoint l'OLP avec leur équipement, en rupture avec les actes qu'on leur demandait de poser.

Difficile de parler de ce documentaire déjà ancien (50 ans) actuellement. Trois choses :
- Israël n'est pas montré, ou incarné il est vrai que le film se concentre sur la situation libanaise. C'est à la fois une causalité historiques massive et négative, une promesse recuellant la culpabilité européenne, une intention et une absence, en somme une "entité".
Paradoxalement il est nommé plus franchement par les Palestiniens eux-mêmes que par le commentaire, d'ailleurs de manière plus factuelle et sobre de la part des combattants de l'OLP que des victimes civiles.
- l'islamisation de la lutte palestinienne semble e une conséquence des guerres civiles libaniases et de l'occupation du Sud-Liban par Israël. A cette époque on sent chez les Palestiniens la tension entre une communauté conservatrice, mais qui met plus en avant la terre et son passé paysan que religieux (un instituteur, lors d'un cours à des écolier qui présente par ailleurs une dimension d'endoctrinement "la Palestine produit des citrons, des oranges, aujourd'hui ce sont les Israéliens qui les exportent plutot que nous" - l'exil se double d'une confiscation de la "plus-value" économique franchement et sobrement énoncée - mais impossible de ne pas faire le rapport avec le fait que ce sont des Kibboutz plutôt que des colonies religieuses qui ont été attaquées le 7 octobre).
Assez poignant par ailleurs de voir de vieux réfugiés ou combattants qui fument, à la fois amer et digne. Des gestes d'hommes silencieux, usés mais libres.
-le film se place dans un référentiel marxiste plaqué de l'extérieur. La guerre israelo palestinienne tout comme la guerre civile libanaise et les tensions meutrières entre Palestiniens et certaines factions libanaises sont vus comme les avatars d'une lutte globale entre le capital et les déshérités (et paradoxalement entre les ex-paysans palestiniens rattachés par leur exil au prolétariat et féodalités foncières et rentières au Liban).
Les combattants de l'OLP sont vus comme un substitut du prolétariat international en lutte. Il ya aussi l'idée que les prolétaires israéliens sera mécaniquement solidaire d'eux, et favoriseraient leur retour, qui sera une double révolution sociale à la fois juive et musulmane.
Le populisme raciste qui travaille les frustrations sociales et les jalousies par la base n'apparait pas du tout à l'image,
C'est assez étonnant car par exemple Elise ou la vraie vie de Claire Etcherelli, sur la guerre d'Algérie, voit quelques année avant bien combien les communistes sont mal équipés face à cela.
Il n'est icu pas anticipé . Il faudrait que les Israéliens se sentent moralement aussi dépossédés que les Palestiniens le sont territorialement pour qu'il y ait un après-conflit. Mais la coexistence vise alors à produire elle-même une hypothétique révolution, elle est une médiation de plus, à la fois hypothétique et temporaire, plutôt qu'une fin valant pour elle-même.
Cette illusion (ou pour être plus juste cette représentation) est aussi renforcée par l'insistance sur les jeunes femmes palestinienne, qui revendiquent à la fois la lutte palestineienne, une conscience sociale reconnue et profesionnalisée, par des rôles de soignant ou de medécins, et une critique féministe de leur propre société (ce sont les seule sà s'exprimer en anglais).
Cependant le fait que ces femmes soient en rupture (que l'on sent implicite et difficile) avec le conservatisme voire le risque islamiste dans leur société ne les transforme pas automatiquement en prolétaire (au contraire, leur psychologie tend alors plutôt à les rattacher à la classe moyenne).
Il y a déjà un piège qui leur est involontairement tendu par l'opinion qui les soutient ici : par sa difficulté-même, le combat des Palestiniens s'intégrerait dans une représentation internationaliste des luttes marxistes, qui étaient elles-mêmes en crise à l'époque. Ils seraient à la fois sacrifiés militairement à l'échelon régional, et régénérateur, mais sur un plan plus sociologique, au plan de la gauche internationale.
Néanmoins ce biais est aussi un volontarisme moral sincère, qui envisage un après-conflit, ne fut-ce que comme idée et limite historique, à la fois laïque et messianique . La paix est aussi infigurable que l'ennemi, mais c'est depuis celle-ci que le film adopte son point de vue . Le point de vue "marxisant", intégralement moral, de van der Keuken est paradoxalement très conscient que la paix politique demandait alors déjà le même type de foi et d'acceptation de l'inconnu, d'engagement, qu'une religion.