Még kér a nép en VO.
Dans la plaine hongroise, des ouvriers agricoles, contraints à de misérables conditions de vie, se révoltent contre leurs seigneurs. L'armée hésite à tirer.Faudrait mettre des pancartes, comme sur les portes avec un chien : « attention, film communiste ».
Parce que quelle lourdeur putain… C’est mal goupillé cette affaire. D’un côté on a une approche allégorique, qui tient du conte oral, où évolue un symbolisme harmonieux. Il y aurait ainsi le peuple : paysans, doux, dansants, en symbiose avec leur terre (leur champ, la nature, leur pays), faisant front (littéralement, physiquement : en faisant mur humain) pour conserver leur liberté. Et puis, il y aurait les figures du pouvoir, politique ou religieux : les hommes aux ordres, armés, sombres et honteux, et ceux qui les dirigent, froids et distants.
On dirait une poème ou une fable, une petite chanson millénaire fataliste. Mais le propre d’une fable, c’est de conserver l’abstraction qui lui permettra de rester universelle… Or, de l’autre côté, le film disserte littéralement socialisme, droits des ouvriers et collectivisation des terres, non sans finesse d’ailleurs (certains personnages remettant la radicalité de la révolte en question). Mais là n’est pas le problème : quand on marie la précision d’une idéologie politique à une représentation de fable – quand, par exemple, les communistes sont tous habillés en blanc et les méchants capitalistes en noir –, on ne peut que devenir lourd, caricatural, et irritant. Prenons une image du film : celle des paysans qui ont enfermé le religieux dans l’église, qui y mettent le feu, et qui dansent autour du bâtiment ardent. Dans une abstraction qui imagerait symboliquement la souffrance du peuple et la violence qu’elle provoque, ce serait terrible et beau. Mais prise (et donc justifiée) entre deux fières citations chantant face caméra la gloire du socialisme, refusant par là-même tout recul au spectateur, l'image devient brutale et barbare. C'est inévitable.
Je ne comprends pas cet énorme défaut de calibrage, car le film est par ailleurs franchement talentueux. C’est tellement rare un cinéaste qui sait recréer l’alchimie des fables, leur parfum fragile, sans employer de gros sabots... Grosse puissance onirique chez Jancsó, qui s’efforce de créer une forme capable d’unifier tout les éléments en place. L’époque est ainsi indécise (malgré une date prononcée), évoquant autant la révolution française qu’un courant plus hippie, plus mai 68. La foi est volontiers floue : pas seulement religieuse, mais aussi incarnée dans une tendance pastorale et païenne, voire même dans l’idéologie politique (prières adressées au socialisme, rédemption et baptêmes des nouveaux venus). Et puis surtout : le son et les longs plans-séquences, double-travail génial parce que totalement invisible, qui fait rentrer et sortir les hommes du champ avec la facilité d’un rêve, vagabondant distraitement d'une humeur à l'autre. Qui en un travelling attendrit les soldats puis les ré-expédie à leur régiment, qui amène n'importe quand les factions dans la continuité comme de mauvais nuages de passage, qui déshabille progressivement les jeunes femmes et s’enivre du ballet de paysans... Le film entier oscille entre marche et danse (la lutte est littéralement chorégraphiée), entre parole et chant, entre réel et symbolisme, tout en conservant une admirable simplicité.
Au-delà de la douceur générale, on collectionne donc les éclats et les moments merveilleux (la résurrection du soldat, le ruisseau, le plan séquence final), à peine gênés par le kitsch new age qui menace parfois. Mais l’ensemble reste surtout contrit, gêné, par ce geste initial mal pensé qui ne parvient à articuler le fantasme pastoral et l’idéologie politique (que je veux bien croire sincère) qu’au prix d’un matraquage béat digne du catéchisme.
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