Forum de FilmDeCulte

Dans la Hongrie de 1919, l’affrontement féroce des brigades chrétiennes et des révolutionnaires issus du prolétariat. Un prêtre exalté dresse une partie de la paysannerie contre les « Rouges ». Les massacres prennent un tour rituel…


De l’auteur de Psaume rouge. J’aime bien Miklos Jancso, il est très loin de faire partie de mes cinéastes favoris mais il a une approche précieuse : un style poétique avec de longs plans séquences qui fascinent par leur virtuosité. Il a des partis pris esthétiques très forts qui le rendent assez unique. Un cinéaste formaliste au sens propre du terme. Dans les films que j’ai pu voir de lui, la narration est au second plan, il faut se laisser emporter par le flot d’images de toute beauté et c’est d’ailleurs pas plus mal de se renseigner sur le contexte historique propre au film pour encore mieux apprécier.

On ne va pas dire que c’est un cinéaste d’un autre temps mais presque. Difficile de voir un équivalent à Jancso dans le paysage cinématographique actuel, un cinéaste qui se repose autant sur la forme et une poésie qui tire vers l’abstraction, perso je n’en vois pas. Hongrois, Jancso était un peu qualifié comme le cinéaste des révoltes hongroises et cet Agnus dei le confirme. Ce que j’aime beaucoup chez Jancso, c’est que malgré le sujet qui peut paraitre pas jojo sur le papier, il a une certaine douceur dans son style qui donne à l’écran une étrange sensation de flottement. On se laisse vraiment porter par le flot poétique de l’ensemble.

Donc j’aime bien mais ce n’est pas forcément un cinéaste que je recommanderais à tous, tellement il est à part et je comprends tout à fait qu’on accroche pas. Je comprends les réserves de certains, un peu déconcertés par ce mélange entre histoire/politique de son pays qui passe finalement au second plan et la poésie assez atypique de l’auteur. Mais par contre, niveau mise en scène c’est un régal de chaque minute. Alors oui ces mouvements de caméra sont chiadés à l’extrême mais ce n’est pas de la virtuosité à vide. Cette virtuosité formaliste s’inscrit complètement dans le projet poétique du cinéaste et je suis admiratif de ce que Jancso arrive à réaliser. Ici comme dans ses autres films.

Là, on ne va pas se le cacher, c’est inférieur à Psaume rouge mais ça augure son futur chef d’oeuvre. On est vraiment dans la continuité que ce soit dans le style, l’unité de lieu (un champ dans la campagne) et les thématiques. Bref bon petit moment de cinéma de 90 minutes. Je ne serais jamais un membre du fanclub de Jancso mais sa patte si singulière me rend chaque vision d’un de ses films très agréable.

4/6

J'ai vu un de ses premiers films, Mon Chemin, proche de l'Enfance d'Ivan, intéressant. Mais ses trucs chorégraphiques sont quand même lourdingues et parasités par des questions d'orthodoxie idéologique (la troupe de danse étant à la fois la masse et une avant garde politique, justifiant le parti et justifiée par elle, de façon souvent contradictoire et maladroite).

J'ai vu récemment Qh ça ira, un psychodrame dans une sorte de terminale ou de Deug, et le cadre scolaire servait à la fois à érotiser la situation et à rendre le sous-texte idéologique complètement niais et édifiant, au point de virer au spectacle folklorique, et ça m'a sorti du film, surtout que ça bouge tout le temps. Quand on voit ce truc on comprend pourquoi Jires brocarde la malléabilité et le zèle politiques des danseurs folkloriques dans son adaptation de la Plaisanterie.

Oui c’est très particulier Jancso. Un de temps en temps c’est agréable mais ça peut vite lasser à cause de ce que tu soulignes. Le geste cinématographique entre poésie chorégraphiée et histoire/politique qui est fragile et pas tout le temps réussi. Psaume rouge a la réputation d’être son meilleur. Je l’ai vu il y a plusieurs mois. Je ne pourrais te dire quelle était l’histoire mais j’avais été hypnotisé par le ton poétique et le spectacle "formel " qui se déroulait à l’écran. C’est pas un cinéma froid, c’est très chaleureux et fait avec les tripes. Psaume rouge est un superbe spectacle sensoriel malgré ses défauts. Cet Agnus Dei est un peu le film avant. On y sent déjà tout ce qu’on retrouve dans Psaume rouge mais en un peu moins abouti.