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MessagePosté: 20 Mai 2018, 23:28 
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A Kobe, au Japon, quatre femmes partagent une amitié sans faille. Du moins le croient-elles : quand l’une d’elles disparaît du jour au lendemain, l’équilibre du groupe vacille. Chacune ouvre alors les yeux sur sa propre vie et comprend qu’il est temps d'écouter ses émotions et celles des autres…

Engouement critique mérité pour ce qui est sûrement le meilleur film que j'ai vu cette année. Il aura fallu attendre 3 ans depuis son passage au festival des 3 continents pour qu'il soit enfin distribué en France, tronçonné en 3 parties (de durée trop inégale), affublé d'un titre avant tout dicté par les impératifs de sa distribution (le tout étant chapitrés - parfois artificiellement - par les 5 sens) et qui ne permet pas de retranscrire la mélancolie que sous-tend le titre originel Happy Hours, ces heures heureuses sur lesquelles s'ouvrent le film et que ces 4 trentenaires ne reverront presque plus pendant les 5 heures à venir.

Le Japon est tout de même un drôle de pays, où la condition féminine n'est pas des plus enviable, mais qui ne cesse de produire des réalisateurs qui défendent leur cause, Hamaguchi en étant le dernier rejeton. Soit la société japonaise à évoluer depuis Ozu et Naruse (la belle-mère de Sakurako est la mémoire de cette époque, habillée de manière traditionnelle, assurant la séance de contrition à la place d'un fils trop occupé par son travail), les femmes se sont partiellement émancipées mais ne sont toujours pas l'égal des hommes. Chacune des 4 figures principales en souffrent, parfois sans le savoir, de la femme adultère qui doit se battre contre une justice archaïque pour obtenir le divorce à la femme au foyer qui est circonscrite aux tâches ménagères en passant par celle qui organise des séminaires mais dont le mari éditeur semble autrement mieux considéré. Pendant plus de 5 heures Hamaguchi va progressivement mettre à jour tous les ressorts de cette société de la vexation, au travers de longues scènes de dialogues où la parole se délie peu à peu, les blessures apparaissent, la prise de conscience survient.

5 heures de verbiage, ça aurait de quoi décourager, mais c'est là où tient le principal tour de force de Senses, c'est qu'à aucun moment le film ne souffre de longueur, les dialogues sont d'une justesse constante, jouant des codes langagiers (la langue japonaise abonde de ces formules toutes faites un peu creuse), le rythme des révélations y étant savamment distillé, la caméra regroupant/faisant s'affronter groupes et individualités avec une précision clinique. Les scènes les plus marquantes sont bien évidemment ces scènes de groupe (le debriefing après le séminaire, la lecture de la jeune auteur et la scène dans le bar qui s'ensuit) où le talent d'Hamaguchi transparaît le mieux. J'ai par ailleurs découvert après avoir vu le film que les acteurs principaux n'étaient pas professionnels, je trouve cela bluffant au regard de la difficulté à assurer sur des scènes de dialogues aussi longues.

Traiter de la condition féminine sans référent masculin serait incomplet. Et on peut dire que dans Senses ils sont gratinés. Amoureux transit n'acceptant pas qu'on lui impose un divorce, cadre dont les relations avec sa femme sont plus que parcimonieuse (et qui n'est pas loin de l'abandon de responsabilité lorsque son fils, avec lequel la communication est bien évidemment nulle, engrosse une camarade de classe), éditeur qui semble traiter les activités de son épouse avec la plus grande condescendance, ils sont tous prisonniers de le geôle qu'ils sont censés garder, incapable de perdre la face tout autant qu'ils sont incapables de rendre heureux leur moitié. Et c'est là où la mélancolie se loge en filigrane tout au long du film, ces hommes contre lesquelles elles se battent, ces femmes savent qu'elles ne peuvent s'en passer.

5/6

Pour les plus connaisseurs de cinéma japonais, est-ce que quelqu'un aurait vu d'autres œuvres d'Hamaguchi (hormis le dernier en compétition à Cannes cette année)? Je serais curieux de découvrir ce qu'il a fait avant, d'autant plus intrigué que j'ai rarement vu des films aussi mal noté sur IMDb que les siens...


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MessagePosté: 21 Mai 2018, 09:13 
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Lohmann a écrit:

Pour les plus connaisseurs de cinéma japonais, est-ce que quelqu'un aurait vu d'autres œuvres d'Hamaguchi (hormis le dernier en compétition à Cannes cette année)? Je serais curieux de découvrir ce qu'il a fait avant, d'autant plus intrigué que j'ai rarement vu des films aussi mal noté sur IMDb que les siens...


Personne en France ne le connaissait avant Locarno je crois.


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MessagePosté: 21 Mai 2018, 12:58 
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Sur les notes d'Imdb, c'est assez incompréhensible, comme si des gens qui le détestaient lui mettaient systématiquement zéro car sur le peu de notes que ses films ont, il y a une majorité de zéro ce qui est très très rare sur imdb.


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MessagePosté: 21 Mai 2018, 13:13 
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Film fleuve de 5h17 multi-récompensé dans les festivals, «Happy Hour» du réalisateur japonais Ryusuke Hamaguchi est exploité en France comme une série-cinéma, en trois épisodes et sous un autre titre - «Senses». Que le spectateur-cinéphile ne s’y trompe pas, en une ou trois parties, le film reste une authentique merveille de sensibilité et de narration, une exploration de la condition féminine japonaise dont la longueur se justifie par le soin minutieux et nuancé apporté aux portraits des quatre héroïnes – et des maris qui les accompagnent. En entretien, le cinéaste cite l'oeuvre du regretté Edward Yang comme principale influence. Si les sujets sont très différents, on retrouve l'élégance de «Yi Yi» du maître taïwanais dans «Senses», avec cette même manière de laisser le temps se dilater lors des discussions familiales pour mieux voir la surface des affects se fissurer.

Comme le dit l'un des personnages du film, ce souci des détails même les plus triviaux permet de mieux comprendre les femmes et des hommes qui tentent de résister à l’usure des sentiments et se confrontent à l’incapacité de communiquer leur propre expérience de la vie. Si la mise en scène paraît discrète de prime abord, Ryusuke Hamaguchi, qui sera en compétition à Cannes cette année avec «Asako I et II», signe des plans magnifiques – les larmes de la douce Sakurako, la rencontre de Jun avec l’homme dont elle veut divorcer, filmée comme une scène de fantômes, ou encore la longue et magnifique séquence de la lecture publique, scène-pivot du film.
5/6


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MessagePosté: 22 Mai 2018, 01:14 
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Karloff a écrit:
Sur les notes d'Imdb, c'est assez incompréhensible, comme si des gens qui le détestaient lui mettaient systématiquement zéro car sur le peu de notes que ses films ont, il y a une majorité de zéro ce qui est très très rare sur imdb.


Mais le plus surprenant (pour ne pas dire révoltant), ce sont les mots-clés associés au film sur IMBD extrêmement salaces et d'une misogynie absolue (comme si de jeunes femmes qui luttent pour leur indépendance -notamment sexuelle - devaient automatiquement être basculées dans des catégories pareilles), qui le feraient presque passer pour un vulgaire film porno :

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MessagePosté: 22 Mai 2018, 07:03 
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La seule critique sur IMDb est un modèle de subjectivité misogyne.

"The film is set in Kobe, Japan and makes all women look seamlessly bad. The director sets out to show not one woman as honourable or decent. When the four women run into other females the latter too end up accusatory, suspicious, corrupt and rotten. That over five hours was needed is in part because so much realism is portrayed and in part because the film aims to not be a mere movie, but to act like an unglamorous eye on the perfidy of the modern woman abusing her freedom with abandon. The realism is accentuated because the actresses are all from the director's acting workshops - none of them have any other acting credit to her name - which means their relative amateurism and occasional awkwardness makes their corruption come across as even more genuine. [...]
Happy Hour takes the concept to the next level. Men are not incidental. Men are victimized and suffering at the hands of not indifferent, but outright cruel and unhinged malicious female characters who not only not see it that way, they actually believe the opposite is true. Of the four females, one is married, one is divorcing, one is already divorced and the other in flux. Each is in turn abusive towards her man to the extent that in the second half of the film the viewer is treated to evidence of despicable and duplicitous deeds by women whose selfishness is projected through extraordinary demands, insults, psychological demasculinization and actions. Not only the women behave as such, but worse they imagine themselves as the victims. Ironically, they are more accommodating to men who are not physically or psychologically protective of them. One's family, vows, norms - even female friends - and propriety be damned. These women are uniformly hostile and self-absorbed jerks to such an extent that in comparison a fifth woman who characterizes her father's protectiveness towards her as a child as the work of a serial liar and a sixth woman who expresses her love and lust to a married man - right after a dinner with the said man's wife - are the more decent ones. There has been some thought given recently that in contrast to conventional wisdom Japan is a matriarchy. This is not the place for that debate, but in Happy Hour the demanding four use accusatory language to reveal surreal selfishness. It is unfathomable how they do not communicate their outlandish wants, yet demand understanding. They receive love, loyalty, patience and material goods, yet none of it helps tether them to husband or child, feeling or logic. It is a straight road to wanton matrimonial and societal hell."


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MessagePosté: 22 Mai 2018, 11:53 
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Avis qui ne manque pas d'être intéressant (je n'ai pas vu le film), dommage que vous ne le réfutiez pas. Précisons que son auteur met la note de 7/10 au film et que ses 21 critiques sur imdb sont consacrés à des films japonais.
Peut-être que cet avis jette un peu de lumière sur cette cassure qui est en train de se creuser au Japon entre hommes et femmes, sujet auquel je ne connais rien mais que semble évoquer quantité de documentaires, articles, etc.


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MessagePosté: 22 Mai 2018, 11:56 
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bmntmp a écrit:
Avis qui ne manque pas d'être intéressant (je n'ai pas vu le film), dommage que vous ne le réfutiez pas.
Sur IMDb tu veux dire?


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MessagePosté: 22 Mai 2018, 12:11 
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Oui. Est-ce que son avis est nécessairement misogyne car il critique la façon dont les femmes sont présentées dans le film ? Est-ce que, sans être d'accord avec lui, on peut comprendre son point de vue ? Et en même temps, cela ne l'a pas empêché d'apprécier le film.
Pour les mots-clés, c'est vrai que c'est choquant. Dommage qu'à cause d'eux, on ne lise que superficiellement le seul avis étayé d'un spectateur disponible sur le site. Il est d'ailleurs très rare de trouver sur imdb une critique bien écrite, intelligente, et qui ne consiste pas en un "j''ai perdu deux heures de ma vie" ou quelque chose du genre. Là c'est visiblement le cas, et j'ai commencé à lire ses autres avis avec beaucoup de curiosité.


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MessagePosté: 22 Mai 2018, 12:55 
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bmntmp a écrit:
Est-ce que son avis est nécessairement misogyne car il critique la façon dont les femmes sont présentées dans le film ? Est-ce que, sans être d'accord avec lui, on peut comprendre son point de vue ?

Il est très facile de comprendre son point de vue puisque que c'est très exactement le point de vue de certains hommes dans le film (le mari de la femme adultère en particulier), misogyne comme lui. On peut considérer qu'une femme ne doit pouvoir divorcer que si son mari lui accorde ce droit, ou qu'une femme devrait se suffire d'un mari fidèle et lui apportant le confort matériel tout en étant réduite à faire la lessive et préparer les repas, mais Hamaguchi nous montre justement l'éveil de 4 femmes qui ne s'en satisfont plus. Libre à lui de trouver que c'est une parfaite description de la perfidie de la femme à abuser de sa liberté. Plutôt que de m'insurger contre son texte, je trouve ça plutôt drôle, de voir à quel point le mâle japonais est pris à son propre piège et se débat vainement pour que le peu qui lui reste ne lui file pas totalement entre les doigts.


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MessagePosté: 22 Mai 2018, 13:25 
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Le sort des uns et des autres semblent à peu près aussi peu enviables, se dit-on à la lecture de ces avis.


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MessagePosté: 22 Mai 2018, 17:53 
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MessagePosté: 26 Mai 2018, 22:39 
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Et c'est très beau


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MessagePosté: 19 Juin 2018, 22:10 
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Je suis visiblement le seul à ne pas avoir été charmé. Perso je n'ai pas vu un film qui prend spécialement la défense des femmes ou qui chercherait à nous mettre particulièrement à leur place.

J'y'ai vu un film très noir tout simplement, dans lequel hommes et femmes se murent dans le silence et s'engouffrent tous deux dans une détresse dont ils sont tous les deux victimes. Je ne trouve pas non plus qu'on fasse l'éloge d'une parole enfin libérée:
finalement l'échappatoire - pour moi illusoire - dans lequel ces femmes vont se réfugier est tantôt la fuite, tantôt l'adultère, le divorce... A aucun moment le mur du silence n'est brisé, il n'y'a aucune libération, simplement un aveu d'échec de tous les couples que l'on nous montre sans qu'un seul instant une quelconque meilleure issue puisse être envisagée, chacun subissant cet échec amèrement.


Je dois dire que ça m'a bien embêté de regarder tous ces personnages se terrer dans la dépression et tourner le dos à tous leurs problèmes sans jamais oser les affronter réellement. Aucun ne m'est réellement sympathique hormis peut-être Jun qui est sans doute la seule à aller de l'avant et qui a essayé de prendre les choses en main bien avant les autres et qui pour le coup est victime d'un système judiciaire qui semble un peu bizarre pour nous. Pour le reste... J'avais bien souvent envie de les secouer et de leur dire de se prendre en main comme des adultes au lieu de s'échanger des banalités au court de longues scènes de dialogue dont les louanges m'apparaissent assez excessives - alors que je suis généralement fan des films "bavards" à la Rohmer. Ici elles ne m'on simplement pas dérangées, ni ne m'ont suscités plus d'intérêt que ça.

Un petit 2/6


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MessagePosté: 19 Juin 2018, 22:41 
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Beaucoup de choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord. D’une dans le contexte japonais le film fait sens, il ne faut pas s’attendre à un traitement à l'occidentale. De deux, dire que personne n’affronte ses problèmes me semble un contresens profond, il aurait nécessairement fallu que l’une essaie de sauver son couple pour te convaincre? Quant aux dialogues, je les trouvent justement forts parce qu’ils échappent à la banalité, ils sont longs parce que la parole libératrice met du temps à sortir, qu’ils débutent souvent sur des contextes généraux pour se ressserrer progressivement autour de thème extrêmement précis, moi ça fait très longtemps que je n’en avais pas vu d’aussi ciselés


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