
j’avais plusieurs motivations pour le voir.
1/ yves boisset, reposez en paix.
sans surprise (1977) c’est totalement dégueulasse visuellement. couleurs horribles, pellicule moche, mode générale laide, et vraiment mal filmé on dirait un téléfilm (de 77 hein). affreux. il y a néanmoins un beau dynamisme, des scènes courtes, vives, une volonté de passer d’un truc à un autre avec un léger ralentissement pendant les scènes (chiantes et basiques) de vie perso.
2/ patrick deweare. impressionnant quand même. je ne suis pas un immense fan du tout mais tellement fort et naturel et vif et intense.
3/ l’aspect judiciaire-sociétal.
ouais, bif bof, vite fait, c'est à la marge.
y a quand même des trucs intéressants :
- on parle de lui comme le juge « gauchiste », « rouge », isolé dans le palais. pas sûr qu’il se sente si isolé aujourd’hui. les critiques de l’époque étaient du coup marrantes, avec l’humanité enthousiaste et le figaro qui disait que ça glorifiait une figure du juge tête brûlée et redresseurs des torts de la société alors qu’un juge doit appliquer la loi, point.
- le film montre un moment où l’indépendance de la justice était pour le moins flottante - ce sont les procureurs nommés par le ministre qui nomment à leur tour le juge d’instruction et le convoquent tous les 4 matins pour lui dire ce que pense le ministre de la procédure en cours. avec les événements récents ça prend une dimension particulière - on comprend effectivement le processus pour couper un à un tous les fils et comment on est passés d’une domination du politique sur le judiciaire à la domination du judiciaire sur le politique. et c’est à la fois vieux et pas vieux - 77 c’est pas une autre galaxie mais le générique de début c’est une ballade dans un cimetière. et le film est du coup intéressant, puisqu’il était fait pour dénoncer ces liens malsains et glorifier les juges forts et ainsi contribuer au climat culturel général - 1,8m d'entrées - qui se transforme ensuite en victoire electorale, qui provoque ensuite tous les changements législatifs. c’est intéressant.
- le dialogue avec le procès goldman était aussi intéressant. j’avais été frappé par le bordel complet dans la salle d’audience, les réactions du public, le prévenu qui s’emporte et y a vraiment que quand il pète les plombs qu’il se fait sortir, le juge qui se fait prendre à partie, etc. et là c’est pareil, les auditions sont rugueuses, le juge se fait mal parler par tout le monde en gros, ce n’est absolument pas une figure d’autorité incontestée et incontestable qui exige une déférence de chaque instant de chaque interlocuteur. quand il se fait explicitement menacer et intimider tout le monde s’en fout. et je me suis formulé l’hypothèse que c’était comme dans les sociétés les moins violentes ou inégalitaires que l’on supporte le moins la violence ou les inégalités : la justice se plaint d’être actuellement contestée mais c’est parce que en vérité elle ne l’est quasiment plus dont chaque mot prononcé lui semble insupportable.
sinon, c’est en fait principalement un film policier des années 70 avec des braquages, des indics, un petit complot dont on ne comprend pas tout et dont on se fout un peu. le fait qu’il soit juge en vrai ne sert pas à grand chose - ça pourrait être n’importe quel flic solitaire machin qui mène l’enquête, et le fait que ce soit le juge d’instruction fait surtout pilote de série télé avec une profession alternative à l’honneur. sans brio formel - c’est le moins que l’on puisse dire-, un peu long (1h50 pour savoir si le gros bandit local va braquer son fourgon, bon…), avec des poncifs chiants (le héros sans peur et sans reproche qui va parfois un peu trop loin mais c’est pour la bonne cause et qui sacrifie sa vie privée…) :
tout ça fut décevant.