L'ascension du célèbre chanteur/compositeur britannique Robbie Williams. En 2025, et depuis que le monde est monde, on est encore là à débattre de ce qui est requis dans le choix d'un acteur pour interpréter une personnalité ayant réellement existé - la ressemblance physique, le mimétisme, une aura, une énergie, une facette - et c'est, contre toute attente, le réalisateur de
The Greatest Showman, qui vient tout envoyer péter avec un parti-pris que même Todd Haynes n'aurait pas osé : Robbie Williams sera joué par un singe.
Dès l'origine du projet, cette simple idée amène instantanément un relief méta à toute l'entreprise et une parfaite illustration de la meilleure réponse au débat susmentionné : ce qu'on cherche, c'est une représentation, pas la réalité. Alors pourquoi ne pas embrasser ce concept à 4600%, qui plus est avec insolence parfaitement appropriée à la personnalité de l'artiste irrévérencieux. Après tout, il faut bien dynamiter un peu l'un des genres les plus balisés qui soient.
Cela étant dit, contrairement à ce que j'ai pu voir évoquer dans certains avis, je ne trouve pas que
Better Man satirise le biopic musical. Certes il est conscient des codes, pour ne pas dire des clichés de plus en plus lassant qui ont pu plombier bien des exemples, mais il ne s'en joue pas vraiment. Au contraire, j'ai plutôt l'impression qu'il les revendique. Parce que sur le papier, tous les tropes sont là : l'enfance humble, la famille désargentée, la relation père/fils lacunaire, la chance/destinée improbable, le succès à plusieurs mais commercial, la solitude, l'addiction, les embrouilles avec les proches... Le cahier des charges est respecté comme Billy Budd respecte la langue française. A la
fucking lettre. On devrait se faire chier.
Et pourtant...ça marche?
Mais ce n'est pas grâce au singe même si, dans un premier temps, sa simple présence, forcément incongrue, apporte une dérision inhérente, mais le risque et la réussite du film, c'est qu'on l'oublie très vite. Il devient simplement un protagoniste comme un autre et l'on accepte cette réalité. Alors quoi? Qu'est-ce qui fait que ça marche? Qu'est-ce qui fait qu'on est même
ému?
C'est que le singe n'est que la partie immergée de l'iceberg, le symbole d'une expérience subjective qui infuse tout le reste du film, tant dans l'écriture, osant les séquences les plus chargées en pathos (genre le numéro sur
"Feel"), que dans la mise en scène, emphatique à souhait (les séquences hallucinées, où le chanteur est en proie à ses fans ou à ses démons, tiennent carrément du cinéma d'horreur ou d'action).
Je n'aurais pas cru mais être allé chercher le réalisateur d'un biopic révisionniste hagiographique était la meilleure idée possible parce qu'il garde toutes les qualités de son précédent (c'est un excellent
musical traversé d'une énergie qui donne envie de taper du pied, le plan-séquence
"Rock DJ" - la meilleure chanson de George Michael qui n'est pas de George Michael - tourne déjà sur Twitter mais c'est pas le seul
set-piece kiffant) sans répéter les erreurs (Williams passe quand même régulièrement pour un gros connard) ou bien en assumant les facilités dans le parcours (l'acte de contrition est torché en un montage parce qu'on sait très bien qu'il sera pardonné).
Mais ce n'est jamais torché, ce n'est jamais du foutage de gueule. Il n'y a rien de neuf dans la formule - on reprend les tubes de l'artiste pour les réorchestrer et recontextualiser afin de leur donner un sens collant aux événements de la vie de l'artiste - mais même si l'on dépouillait le film des apparats que j'ai cité, ça reste bien exécuté (et si Williams n'a jamais été un grand chanteur-compositeur et n'a pas 36 chansons mémorables, ce
greatest hits est redoutablement efficace).
Et c'est pourquoi j'ai carrément fini en larmes.