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 Sujet du message: Mr Klein (Joseph Losey - 1976)
MessagePosté: 27 Sep 2021, 21:49 
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Robot in Disguise
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Mon deuxième Losey après FIGURES IN A LANDSCAPE.

Ce qui frappe c'est d'abord le visuel. Le film est superbe. Et le mariage de ce grain dark 70s avec cette reconstitution des années 40 ça marche à fond, le tout avec la déco du fameux Trauner, c'est le parfait juste milieu entre nostalgie et immédiateté.

La première heure est forte car elle fait exister la menace allemande avec absolument zéro uniformes. L'Occupation, c'est des regards en coin, c'est des flics en képi, mais jamais des mecs qui marchent au pas de l'oie. Y a une ambiance à la fois quotidienne et délétère qui apporte beaucoup au film.

Par comparaison, la deuxième partie est un plus décevante. D'une part car elle explicite l'implicite, en convoquant littéralement le Vel d'Hiv et tout le reste, d'autre part parce qu'elle patine grave. Je comprend le délire "Unknowable" du récit, à base de questionnements sans fin et sans réponse, mais au bout d'un moment je suis perdu dans tous les allers-retours de cette enquête vaine. Surtout que le film accumule à peu près cinq fins consécutives, en mode "Ah c'est toujours pas fini ?"

Mais bon, ça reste du solide.

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MessagePosté: 28 Sep 2021, 08:16 
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Je ne vois pas trop le problème de l'explicitation du Vel d'Hiv. Toute la deuxième moitié du film raconte l'enlisement d'un homme dans son obsession de se blanchir... de connaître son alter ego... ou de se suicider? Cette ambiguité suprême augmente jusqu'à cette fin incroyable (pas le souvenir de l'étirement des fins dont tu parles).

Et sinon oui tu décris bien le charme vénéneux du film, qui parle de l'Occupation en creux.


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MessagePosté: 28 Sep 2021, 11:19 
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Robot in Disguise
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SPOILERS
Baptiste a écrit:
Cette ambiguité suprême augmente jusqu'à cette fin incroyable (pas le souvenir de l'étirement des fins dont tu parles).
En effet c'est intéressant ce jetage dans la gueule du loup presque volontaire.

Par contre les fins étirées c'est genre lui qui part vers le sud / ah ben non c'est pas fini / lui dans le train avec la femme du vrai Mr Klein / ah ben non c'est pas fini / lui qui va voir le vrai Mr Klein et qui le voit se faire enlever / ah ben non c'est pas fini / lui qui se fait choper et mettre dans un bus avec un monologue d'une juive / ah ben non c'est pas fini / lui qui arrive au centre de "tri"... ah ben là c'est fini.

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MessagePosté: 28 Sep 2021, 11:35 
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Oui j'aime beaucoup le film mais un peu d'accord avec QGJ, la première partie est tellement géniale et fascinante que ça s’essouffle un peu par la suite avant cette fin magistrale et inoubliable.

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MessagePosté: 26 Jan 2022, 14:56 
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Qui-Gon Jinn a écrit:
Mon deuxième Losey après FIGURES IN A LANDSCAPE.


Bah pareil en fait.

Qui-Gon Jinn a écrit:
Ce qui frappe c'est d'abord le visuel. Le film est superbe. Et le mariage de ce grain dark 70s avec cette reconstitution des années 40 ça marche à fond, le tout avec la déco du fameux Trauner, c'est le parfait juste milieu entre nostalgie et immédiateté.


Ouais, le film est visuellement classe, avec un chatoiement de couleurs ternes (je me comprends), il y a indéniablement une ambiance créée grâce à la déco et les costumes (ce peignoir doré, ce manteau de femme avec des motifs, la robe verte de Jeanne Moreau, ce papier peint chez Klein... avec au milieu tous ces imperméables et chapeaux).

D'ailleurs j'ai tilté sur quelques "anachronismes" à ce sujet, et je trouve que ça renforce l'aspect "imtemporel" du film. Parce qu'en lisant la page wiki je découvre (j'avoue) que la rafle du Veld'hiv a eu lieu en plein été, alors qu'ici c'est durant l'hiver. De même, le Veld'hiv est improprement reconstitué semble-t-il... Je ne trouve pas que cela nuise au respect historique d'un sujet aussi sensible, mais qu'au contraire ça permet d'élargir le propos. M'enfin c'est pas l'objet principal du film.


Qui-Gon Jinn a écrit:
La première heure est forte car elle fait exister la menace allemande avec absolument zéro uniformes. L'Occupation, c'est des regards en coin, c'est des flics en képi, mais jamais des mecs qui marchent au pas de l'oie. Y a une ambiance à la fois quotidienne et délétère qui apporte beaucoup au film.


Grave. La scène de présentation de Klein est d'ailleurs exemplaire, elle nous plonge tout de suite dans l'ambiance et les paradoxes du personnage.

Qui-Gon Jinn a écrit:
Par comparaison, la deuxième partie est un plus décevante. D'une part car elle explicite l'implicite, en convoquant littéralement le Vel d'Hiv et tout le reste, d'autre part parce qu'elle patine grave. Je comprend le délire "Unknowable" du récit, à base de questionnements sans fin et sans réponse, mais au bout d'un moment je suis perdu dans tous les allers-retours de cette enquête vaine. Surtout que le film accumule à peu près cinq fins consécutives, en mode "Ah c'est toujours pas fini ?"

Mais bon, ça reste du solide.


J'avoue être un peu perdu lors de cette 2ème partie également... Enfin pas perdu, mais j'ai du mal à entrer dans l'obsession du personnage, à me noyer avec lui. Ca reste une exploration audacieuse de la culpabilité de la collaboration passive, le jusqu'auboutisme force le respect, mais je sais pas y'a un truc qui fait que je suis constamment en dehors du récit (genre la rencontre fortuite dans la train.. what? le chien qui s'accroche... hein?).
Mais l'interprétation de Delon tout en dedans porte bien le film.


Qui-Gon Jinn a écrit:
SPOILERS
Baptiste a écrit:
Cette ambiguité suprême augmente jusqu'à cette fin incroyable (pas le souvenir de l'étirement des fins dont tu parles).
En effet c'est intéressant ce jetage dans la gueule du loup presque volontaire.

Par contre les fins étirées c'est genre lui qui part vers le sud / ah ben non c'est pas fini / lui dans le train avec la femme du vrai Mr Klein / ah ben non c'est pas fini / lui qui va voir le vrai Mr Klein et qui le voit se faire enlever / ah ben non c'est pas fini / lui qui se fait choper et mettre dans un bus avec un monologue d'une juive / ah ben non c'est pas fini / lui qui arrive au centre de "tri"... ah ben là c'est fini.


Je le vois plutôt comme une fin "en escalier",
la chute jusqu'au bout du perso ("attends je reviens" avec l'air de pas y toucher, ça m'a scotché).


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MessagePosté: 26 Jan 2022, 16:14 
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Ça valait bien un "QGJ a tout dit", non ? :(

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MessagePosté: 26 Jan 2022, 16:17 
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Tu auras tout dit quand tu auras craché le morceau sur le covid !


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MessagePosté: 03 Fév 2022, 10:25 
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Revu pour la énième fois. Définitivement le meilleur film de Losey et de son producteur-acteur Delon, qui fait honneur à l’année 1976 dont Jerzy répétait à l’envi qu’elle était pour lui la meilleure année de cinéma.

A la fois abstrait (fable métaphysique sur l’identité à laquelle on pourrait associer la fameuse formule de Rimbaud « Je est un autre ») et terriblement concret (description de la persécution juive au temps de l’occupation : la première scène de l’auscultation est terrassante).

Très peu d’uniformes allemands dans le film, et uniquement en figuration, histoire de rappeler que cette chasse aux juifs était une affaire bien franco-française (français-français comme dirait Lonsdale dans le film), les persécuteurs ayant ici la même nationalité que les persécutés. Et entre les deux, des gens indifférents trop occupés sûrement par leurs soucis quotidiens (ce plan glaçant où l’on voit des passants faire leur marché, sans un regard pour le bus qui passe près d’eux et où sont entassés des gens portant l’étoile jaune, en route pour l’inconnu).

Le film est très astucieux dans sa façon de raconter la Grande histoire (la rafle du Veld'hiv) : filmer la préparation de l’opération plutôt que la rafle elle-même, c’est-à-dire à la marge plutôt que frontalement. Ça nous vaut ces scènes quasi sans paroles, qui entrecoupent le récit principal, où les policiers règlent leurs mouvements, ajustent leur timing, on se croirait presque dans un film de gangsters préparant leur cambriolage.

Dans ce personnage de Robert K au destin aussi absurde que le Joseph K du Procès, (comme dans le roman de Kafka, le récit prend des allures de cauchemar effrayant et risible à la fois), c'est un plaisir de voir s'épanouir la star Delon, son jeu mezza voce, toujours juste, force le respect.


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MessagePosté: 03 Fév 2022, 10:47 
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Super critique, tu donnes envie de le revoir!


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MessagePosté: 03 Fév 2022, 12:04 
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Merci Baptiste. Quant à moi, c’est vous tous ici qui m’avez incité à le revoir.
M’en vais aller lire maintenant mes vieux Cahiers, pour approfondir le sujet car j’ai bien conscience que c’est pas mes quelques mots qui peuvent rendre pleinement justice à un film aussi riche.


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MessagePosté: 06 Sep 2024, 08:50 
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c'était très impressionnant.

je ne savais quasiment rien du film, donc je m'attendais à un pur truc historique académique, ce qui dans l'absolu m'allait très bien.
alors j'ai été totalement cueilli par cette approche qui m'a parue très originale, cette enquête qui aboutit sur quelque chose de quasi surréaliste, avec une dimension métaphysique. le spectateur est parfois aussi perdu que le personnage, le tout sans ne jamais perdre la richesse historique du récit. c'est vraiment exceptionnellement riche et puissant.

et c'est porté par la mise en scène, exceptionnelle. comme le dit qgj, c'est déjà visuellement magnifique de bout en bout, les cadres, la photo, les couleurs... je rajoute les décors et les costumes. une splendeur de chaque instant, y a beaucoup de plans extraordinaires. mais la splendeur va au delà, il y a une puissance dans la mise en scène, une ambition qui correspond au récit. j'ai parfois pensé à kubrick, et des films français des 70s que je vois en ce moment, c'est frappant comme ça pouvait être plan plan et sans ambition ou avec cette ampleur exceptionnelle. on voit apparaitre cette lutte entre une culture telefilmesque de la mise en scène et ceux qui veulent faire du cinéma, et c'est impressionnant ici, encore plus encore une fois dans une context de film historique.

delon joue sa part pour donner au film cette ampleur. il est magnifique, (cette coupe de cheveux lui va très bien), et c'est intéressant comme il peut ne pas être terrible quand les films sont minuscules, mais il est immense quand le cadre est à sa hauteur. il est puissant, au début, à jouer sur son aura, puis bouleversant quand la chute commence, tout en gardant sa dignité. au final le personnage est peu écrit, et lui ne joue pas énormément de choses. c'est la manière dont il est qui définit le personnage, qui est extraordinaire. et puis il y a son charisme extraordinaire, enrichi par le reste du casting qui est également fabuleux (lonsdale, suzanne flon, jean bouise, moreau, tout le monde est puissant et parfait), et il y a encore une palanquée de plan splendides parce qu'il est dedans, des gros plans show-stoppers.

j'ai perçu les 'problèmes' de récit que vous pointez avec cette enquète qui finit par stagner, mais ce genre de problèmes de structure c'est ce que le cerveau oublie en premier. ce dont on se souvient c'est les émotions, et ce récit est totalement bouleversant, ce récit du calvaire des juifs, de l'injustice et de l'absurdité infinie de cette situation, cette captation de la spécificité de cette horreur faite dans un cadre légal et administratif irréprochable - le tout dans une histoire ultra specifique et vertigineuse. c'est montré avec pudeur mais frontalement, en pariant constamment sur l'intelligence du spectateur, plein de scènes sont extraordinaires, des idées de mise en scène très spécifiques et smashesques...

il y a effectivement des vrais gros problèmes de récit dans le deuxième partie mais vraiment on s'en fout, c'est un très beau et très grand film, avec cette fin totalement inoubliable.


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