j'ai beaucoup d'affection pour john hugues, et sa filmographie rigolote où il s'est employé à vieillir en direct et à chroniquer, étape par étape, la vie de l'américain wasp de classe moyenne (sup quand même, faut pas charrier).
il y a donc eu la phase teen, la plus connue. puis la phase jeune adulte (
career opportunities, mr mom en trichant sur la chronologie...), les comédies sur la vie de la classe moyenne qui travaille (
planes, trains..., l'oncle buck) avant de se spécialiser dans les comédie familiales pures et dure. je ne sais pas quelle place il aurait eu dans l'industrie s'il n'avait pas pris sa retraite anticipée et s'il n'était pas mort, mais j'aurais adoré qu'il nous raconte la vieillesse, les enfants qui partent, un amour tardif comme nancy meyers, ou des comédies de vieux comme
les vieux grincheux avec dan aykroyd et steve martin.
celui-là est la transition pure entre première et deuxième période : un jeune couple formé au lycée, fou amoureux, qui se marie et découvre la vie d'adultes mariés. un petit appart, puis un joli pavillon classe moyenne en banlieue. de la passion amoureuse adolescente aux réalités du mariage. des rêves de grandeur de l'adolescence à la vie quotidienne.
c'est donc quasiment conceptuel dans sa filmo, tout en étant manifestement autobiographique : kevin bacon est coiffé comme lui avec les mêmes lunettes, et surtout il a les mêmes rêves d'écritures et, en attendant, il travaille dans une boite de publicité.
c'est le point fort du film : une chronique d'une banalité affolante, l'acceptation qu'on n'est pas un grand artiste mais quelqu'un de normal, qu'on ne va pas vivre une vie extraordinaire mais une vie normale, et que ce n'est pas si terrible - ça a son charme. il n'y a pas de péripéties incroyables, de concepts fous, de scènes fortes : il est un peu tenté par une autre fille, il y a une fête des voisins où il ne sent pas à sa place, il prend le métro bondé, ils essayent de faire un bébé, son meilleur ami de lycée passe la soirée et il ressent un décalage. le tout est écrit avec son talent habituel, l'honnêteté et la justesse, des petites blagues marrantes, la vie de l'homme moyen de l'amérique de l'époque documentée telle quelle... c'est une chronique sans éclats de la vie normale occidentale, qui raconte quelque chose de profond et universel, l'acceptation que l'on est "que" soi, et que cette vie n'est pas extraordinaire mais c'est la notre.
mais c'est aussi le point faible du film : une chronique d'une banalité affolante, où il ne se passe rien de particulier, où tout a déjà été vu 9367 fois. il était très productif et ne poussait pas forcément tout le temps son talent naturel, et certaines scènes sont quand même sous écrites : l'accouchement, par exemple, n'est absolument pas conceptualisé et ne propose rien de particulier comme angle ou quoi. de la même manière, ce n'est pas l'histoire du couple mais de l'homme qui vit dans ce couple : c'est son angle, sa sensibilité, celle de l'époque - ok, mais ça n'empêche que la fille n'est fondamentalement pas écrite, a 0 personnalité, c'est quand même gênant.
kevin bacon est plutôt beau, elizabeth mcgovern n'a tellement rien à jouer que c'est dur de se prononcer (c'était une jeune actrice un peu à la mode, nomination aux oscars pour
ragtime, quelques leads, puis après un gros trou de carrière c'est florissant pour sa soixantaine avec
downtown abbey), c'est réalisé sans aucun éclat ou talent particulier mais ça met efficacement en scène ce qui est joliment écrit, la bo est plutôt chouette des chansons connues ou oubliées des années 80.
un tout petit film des années 80, dispo sur paramount +, pour se plonger dans le travail de john, ou pour se dire qu'il y a sûrement quelque chose d'équivalent à faire pour documenter la vie d'un jeune actif totalement banal aujourd'hui en france.