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 Sujet du message: Sabrina (Billy Wilder - 1954)
MessagePosté: 31 Juil 2019, 16:03 
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Dans une fastueuse résidence de Long Island, la délicieuse fille du chauffeur, Sabrina, est amoureuse de David, le fils de famille insouciant, qui ne la remarque même pas. La jeune femme part étudier à Paris. Deux ans plus tard, elle revient, transformée, et ne tarde pas à séduire David. Mais les parents de ce dernier ne l’entendent pas de cette oreille...

Poursuite de ma rétro Wilder, et premier sentiment mitigé. Non pas que ce soit le film qui m'ait le plus déplu, mais celui que je trouve le moins "homogène". Jusque là mise en scène et scénario étaient au diapason, les films que j'ai le plus apprécié combinant le meilleur des deux. Avec Sabrina je n'aime pas la trame principale, comédie romantique conventionnelle tendance misogyne, avec une Audrey Hepburn campant un personnage faible, dans tous les sens du terme
Elle n'a quasiment aucune épaisseur, aucune aspérité (hormis un seul moment peut-être, lorsqu'elle revient de deux années en France, et où Holden se rend compte qu'elle a appelé son chien comme lui. Tentative de prise de contrôle sans suite), elle laisse vraiment l'impression d'être une poupée que l'on peut facilement se passer de main en main, tant est que l'on a suffisamment d'argent et d'attention à lui offrir - elle n'est même pas intéressée, mais ayant grandit à proximité de ses richards elle ne se projette que dans les bras de l'un d'entre eux. La bascule de Holden à Bogart est tout de même très grossière, en tout et pour tout Bogart l'accompagne un soir au théâtre et une après-midi en bateau, et là voilà prête à tirer un trait sur des années de fantasmes sur Holden et à tomber raide dingue de Bogart.

Du coup j'en voudrais presque à Wilder d'avoir mis autant d'énergie et de talent à transcender ce pitch convenu. Parce que d'une pour contrebalancer la faiblesse du triangle amoureux, il dresse un portrait croustillant des rapports de classes au travers de ses seconds rôles (le chauffeur plus conservateur que ses patrons, le patriarche de la famille Larrabee castré par sa femme et notoirement alcoolique - prétexte à l'une des scènes les plus drôles du film lorsqu'il cherche désespérément à récupérer la dernière olive dans son bocal), et d'autre part use de l'une de ses plus belles mises en scène, avec en particulier une gestion de l'espace (les scènes sur le cours de tennis couvert et dans le bureau de Bogart en particulier, non seulement ces deux espaces en tant que tel mais la manière de s'y introduire ou d'en sortir, avec des jeux de lumières sompteux) particulièrement bluffante. Et si je tape sur le personnage d'Hepburn, sa prestation (ainsi que celle de Bogart, dans un rôle à contre emploi dans il se sort miraculeusement bien) aide largement à nous faire avaler les couleuvres du scénario.

Au final un film plus que plaisant mais avec un goût d'inachevé.

4.5/6


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MessagePosté: 25 Nov 2019, 01:24 
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Je ne suis pas rentré dedans. Peut-être moins à cause de Wilder que de l'intrigue de la pièce d'origine, repiquée, avec moins de finesse et d'humour, sur l'extraordinaire Temps de l'innocence d'Edith Wharton, en formant un succédané un peu vulgaire. Je dois dire aussi que je trouve de façon générale William Holden et même Audrey Hepburn plutôt fades et que ce film, comme Lohmann le dit indirectement, fait de cette fadeur son sujet.

Ceci dit on remarque d'intéressantes obsessions, à la fois annexes et centrales, qui relient le film aux autres Wilder (le dictaphone qui caractérise le rapport de Bogart au monde exterieur, revenu de Double Indemnity - les deux scènes de gares se neutralisent et forment une sorte de miroir d'ailleurs-, l'immeuble de bureau qui annonce l'open space de the Appartement, le voyeurisme masochiste d'Hepburn, qui s'humilie pour se rendre visible qui est aussi le moteur de l'amitié entre Jean Arthur et Marlene Dietrich dans la Scandaleuse de Berlin, et le moteur d'une métamorphose contrôlée du personnage féminin - de son légitime et froid pouvoir finalement).

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Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
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MessagePosté: 25 Nov 2019, 16:36 
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Vieux-Gontrand a écrit:
le voyeurisme masochiste d'Hepburn
Qui anticipe surtout celui d'Ariane, qui pousse le bouchon du voyeurisme et du masochisme beaucoup plus loin (fille de détective privé spécialisé dans les flagrants délits d'adultère, elle a grandit au milieu de ses dossiers et a développé une attirance assez malsaine pour la gente masculine la moins vertueuse).

Vieux-Gontrand a écrit:
Ceci dit on remarque d'intéressantes obsessions, à la fois annexes et centrales, qui relient le film aux autres Wilder.
La principale c'est tout de même cette constante différence d'âge dans les relations amoureuses, qui se double parfois d'un discours politique (le ou la plus jeune étant toujours issu d'un milieu peu favorisé) : d'Uniformes et jupons courts (où Wilder n'hésite pas à traiter de pédophilie sur le ton de la comédie, totalement impensable aujourd'hui) à La Garçonnière (où il tire pour la première fois la conclusion que le combo différence d'âge/extraction social n'est pas viable à long terme), en passant par Boulevard du crépuscule (pour une fois que c'est un homme qui est jeune et fauché il faut qu'il soit manipulateur...) et donc Ariane (qui est la somme de toute ses comédies romantiques jusqu'à 1957 et ouvre la voie du désenchantement de La Garçonnière).


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MessagePosté: 25 Nov 2019, 17:17 
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Les personnages féminins de Wilder ont l'air en fait souvent particulièrement mais aussi discrètement maso (le suicide glauque de Shirley McLane, Jean Arthur qui tient à faire monter son amant chez sa rivale, à tenir la chandelle et vogue à la recherche d'on ne sait pas trop quoi en se laissant accoster par les deux GI cyclistes lubriques, Sabrina qui joue sur les deux tableaux précèdents. Standwyck dans Double Indemnity qui se débrouille pour se faire tirer dessus par un homme au départ prêt à tout pour elle n'est pas mal non plus).

Pas tout à fait d'accord sur ton interprétation de la Garçonnière (plutôt une charge contre l'aliénation bureaucratique, qui a une composante sexuelle, que contre le couple. C'est moins l'âge que le rôle employée à sauter que McLaine cesse d'interioriser qui est le ressort du film).

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MessagePosté: 25 Nov 2019, 20:26 
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Vieux-Gontrand a écrit:
Les personnages féminins de Wilder ont l'air en fait souvent particulièrement mais aussi discrètement maso (le suicide glauque de Shirley McLane, Jean Arthur qui tient à faire monter son amant chez sa rivale, à tenir la chandelle et vogue à la recherche d'on ne sait pas trop quoi en se laissant accoster par les deux GI cyclistes lubriques, Sabrina qui joue sur les deux tableaux précèdents. Standwyck dans Double Indemnity qui se débrouille pour se faire tirer dessus par un homme au départ prêt à tout pour elle n'est pas mal non plus).
Tu peux rajouter Dietrich dans Témoin à Charge.

Vieux-Gontrand a écrit:
Pas tout à fait d'accord sur ton interprétation de la Garçonnière (plutôt une charge contre l'aliénation bureaucratique, qui a une composante sexuelle, que contre le couple. C'est moins l'âge que le rôle employée à sauter que McLaine cesse d'interioriser qui est le ressort du film).
J'ai rien compris à ta dernière phrase, mais dans tous les cas je n'ai jamais dit que La Garçonnière était une charge contre quoi que ce soit, uniquement une forme d'acceptation que les rapports amoureux ne peuvent durer si le couple accuse trop de différence (d'âge et/ou de condition sociale). L’aliénation bureaucratique je ne trouve pas, Lemmon est avant tout aliéné à ses propres principes (excessive serviabilité), il obtient bien une promotion mais je doute qu'il prête son appart dans ce but, comme il le dit lui-même il l'a prêté une première fois pour rendre service, ça s'est su un 2ème lui a demandé, il s'est rapidement retrouvé embringué dans quelque chose qu'il subit avec déplaisir sans pouvoir l'arrêter.


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MessagePosté: 29 Nov 2019, 02:02 
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Il n'y a pas vraiment de rapport amoureux dans la Garçonnière, parce que Shirley McLaine et Lemmon ont exactement la même psychologie (ils sont tous deux suicidaires) et tiennent leur rôle d'employé de la même manière (ce qu'ils pensent être une prestation en dehors du travail - prêter son appartement au chef ou coucher avec lui - est encore du travail).

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MessagePosté: 29 Nov 2019, 12:07 
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En fait le personnage de Lemmon ne commence à exister piur Fran que lorsqu'elle comprend que d'un certain côté, il lui avoue qu'il est (lui aussi) déjà mort depuis l'anecdote du revolver. Cme dans Double Indemnity et Sunset Boulevard c'est un mort qui parle, et redouble la compréhension du récit temporel par celle des psychologies (qui n'ont, de son point de vue, plus aucune opacité). Il y a de cela aussi dans le rapport Bogart-Hepburn dans Sabrina (voire même l'amant nazi de la Scandaleuse de Berlin qui ne sort du film dans le film que pour mourir en face de Dietrich).

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MessagePosté: 19 Jan 2022, 11:36 
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Pareil je suis mitigé sur ce Billy Wilder qui ne m'a pas enthousiasmé comme quasiment tous les autres films de sa longue carrière.

Effectivement on y retrouve certains thèmes - l'utilisation des bureaux pour du slapstick qui va de La garçonnière à 1,2,3, des situations sociales sombres (
le film commence quand même par une tentative de suicide assez sordide dans sa forme, ce qui ferait ici de Sabrina la morte qui parle, et plus tard Fedora etc.
) traités par une comédie enlevée, etc. Quelque chose d'une mayonnaise qui ne prend pas malgré que presque tous les ingrédients habituels soient présents. Il y a des moments de comédie très réussis et des plans somptueux dans leurs enchainements, ici le court de tennis couvert étant le plus marquant en effet.

Si ses autres films ont aussi une dimension qu'ont peut rétrospectivement qualifier de patriarcale ou de masculinité toxique, ils dansent mieux sur ces questions.

Et puis pour le motif (
de la jeune domestique ici seulement en passe d'être promue au rang de maîtresse de maison
), et sur le jeu sur les conditions sociales déterminées, il y a aussi le Rebecca de Daphné du Maurier adapté par Hitchcok (1940). D'ailleurs y'a même pas un topic sur le remake par Ben Wheatley pour Netflix, ce forum est vraiment sans pitié.


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MessagePosté: 19 Jan 2022, 12:19 
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Cyniquotron a écrit:
D'ailleurs y'a même pas un topic sur le remake par Ben Wheatley pour Netflix, ce forum est vraiment sans pitié.

Parce que c'est de la merde.


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MessagePosté: 19 Jan 2022, 12:23 
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Déjà-vu a écrit:
Cyniquotron a écrit:
D'ailleurs y'a même pas un topic sur le remake par Ben Wheatley pour Netflix, ce forum est vraiment sans pitié.

Parce que c'est de la merde.

Tu n'aimes rien aujourd'hui !


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MessagePosté: 19 Jan 2022, 12:46 
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:D


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MessagePosté: 19 Jan 2022, 13:14 
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J'avais préféré celui-ci à Ariane qui m'avait pas décroché un sourire, mais ça fait trop longtemps. Pourtant, Wilder et sa misanthropie c'est plutôt ma came en général. J'avoue qu'Audrey Hepburn, ça l'est moins.

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MessagePosté: 19 Jan 2022, 13:16 
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JulienLepers a écrit:
J'avais préféré celui-ci à Ariane qui m'avait pas décroché un sourire, mais ça fait trop longtemps.

Fais gaffe, Lohmann te lit !

Citation:
J'avoue qu'Audrey Hepburn, ça l'est moins.

Fais gaffe, JE te lis !


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MessagePosté: 19 Jan 2022, 13:17 
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JulienLepers a écrit:
J'avais préféré celui-ci à Ariane qui m'avait pas décroché un sourire, mais ça fait trop longtemps. Pourtant, Wilder et sa misanthropie c'est plutôt ma came en général. J'avoue qu'Audrey Hepburn, ça l'est moins.

Les meilleurs Wilder ne sont pas du tout misanthrope. Et si tu veux te dérider, regarde Embrasse-moi, idiot !


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MessagePosté: 19 Jan 2022, 13:18 
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Déjà-vu a écrit:
JulienLepers a écrit:
J'avais préféré celui-ci à Ariane qui m'avait pas décroché un sourire, mais ça fait trop longtemps.

Fais gaffe, Lohmann te lit !

Je vous invite à jeter un œil au top Wilder, Ariane c'est le préféré de Tetsuo, de TBA, de Skip et je dois en oublier.


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