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MessagePosté: 21 Sep 2014, 18:38 
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Dominique Auphal, diplomate, est mis sous surveillance par les services secrets, qui désirent trouver une faille dans sa vie apparemment irréprochable, afin de le faire chanter. Sa vie privée est espionnée, analysée, commentée. (allociné)

Voilà sans doute l'un des touts meilleurs film d'espionnage français. Pour adapter un ouvrage de Gilles Perrault que son auteur considérait au départ comme inadaptable (une suite de rapports d'espions divers pour faire avancer l'intrigue), Michel Deville finit par s'arrêter sur une forme "toute en caméra subjective" qui pourrait vite tourner au casse-gueule et au gadget, mais se révèle d'une logique et d'une cohérence assez implacable pour rendre compte de ce travail de fourmis et de ce maillage d'anonymes. Même si in fine, il n'y a qu'une seule personne derrière cette mosaïque, c'est le metteur en scène qui accumule patiemment les pièces de sa chorale et fait montre tout de même de pas mal de détours légèrement au-delà de son concept, où l'on finit par douter de la narration, de la possibilité même de tel ou tel regard : seul le réalisme du cinéma peut clairement rendre possible tel ou tel plan, donner une logique à tel ou tel raccord... La succession de points de vue/photos/ images super 8 se succèdent aussi avec cette idée que tout doit être sans accrocs, on ne s'arrête pas pour que le spectateur puisse disséquer "l'origine" de tel ou tel élément, c'est une grosse machine pseudo rationalisante qui se monte et qui n'a pas lieu d'être autre chose...

On pourrait reprocher à Deville un certain manque d'empathie pour le personnage principal "violé" ainsi à l'écran (ou pour les diverses personnes manipulées), et de la franche émotion ne passe vraiment un peu que lors de la longue scène d'"interrogatoire" de sa mère. Mais le film reste fidèle à ce travail d'enquête en surface, non dénué pourtant 'amples e conflits internes, jusqu'à cette organisation d' un vaste "pari" psychologique en désespoir de cause pour emprisonner la proie une fois découverte la faille. Ici le cinéma devient total, la fin est inconnue (même si elle nous apparaitra évidente, là on devient spectateur de l'absurdité des scénaristes...).

Le nœud psychologique pourra apparaître d'une logique un peu schématique (le coup du tableau surréaliste...), mais selon Perrault toute cette histoire est absolument véridique... Surtout nous sommes dans une position facile : celle de spectateur d'une telle machine "impersonnelle", découvrant ce qu'un homme ne reconnait pas consciemment de lui-même dans son plus intime, sans avoir une seule fois droit à sa perspective, que cela soit ou non de la psycho du dimanche... et c'est quelque chose qui est effectivement passionnant au niveau cinématographique.

Limite ça fait un peu office d'essai pas complètement satisfaisant : le film est souvent parasité par des éléments comme le jeu assez guindé aujourd'hui de l'intégralité du casting (marqué sans doute par l'origine littéraire du film aussi). Peut-être la légère frustration vient aussi du fait que Deville se tient un peu à distance, il le reconnait lui-même en interview sur le DVD : il veut rester dans une certaine perspective divertissante (légèrement dandy parfois), garder un peu de légèreté triviale. Il ne prend pas sa forme totalement au sérieux, ou reste assez humble aussi avec l'idée de son dispositif : il préfère provoquer un sourire en passant que de parachever une thèse ou un exercice magistral. Mais au vu de la nature de son sujet, c'est un "problème" qui sied finalement assez bien à ce Dossier 51 : le "regard" paranoïaque d'un cinéaste ne se juxtapose pas en prime à la paranoïa et au voyeurisme, qui se déploient sans "donner l'impression d'y toucher"


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MessagePosté: 23 Sep 2014, 22:49 
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Excellent film je trouve.
Je l'ai vu deux fois à des années d'intervalle, et les deux fois la construction savante de la traque à travers des documents, la dissection clinique de la vie d'un homme, la manipulation cynique de son entourage et de lui-même, m'ont fasciné et glacé à la fois.
Surtout, la réduction d'un homme à un objectif, une mission, un ensemble de notes et de discussions sur lui, presque jamais avec lui, le déshumanise complètement, et c'est bien là le métier des services secrets.
Tu m'apprends qu'il s'agit d'une adaptation, le bouquin me tente!

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MessagePosté: 02 Sep 2021, 09:09 
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Découvert hier soir et pas loin du chef-d’œuvre pour moi. Incroyable comment ce film est en avance sur son temps et totalement actuel dans ce dévoilement progressif de l'intimité d'un homme. Au-delà même du dispositif absolument génial, comme un étalage littéral du thriller paranoïaque où le personnage principal n'est plus qu'un objet dénué de toute humanité, j'ai adoré comme peu à peu, au fil des révélations sur le personnage on rentre dans quelque chose de profondément tragique et même romantique. Jusqu'à une fin qui m'a cueillie et que j'ai trouvé absolument parfaite dans ses deux branches.
D'un côté le suicide terrible du personnage principal, mis à jour et détruit. Et de l'autre, l'indifférence de l'agence qui passe tout de suite à autre chose.

Grand film, vraiment à redécouvrir, je ne comprends pas qu'il soit aussi peu connu (il avait pourtant gagné deux César, meilleur scénar et meilleur montage).

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MessagePosté: 02 Sep 2021, 09:24 
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Oui je l'ai vu il y a plus de quinze ans mais j'en garde un super souvenir, j'avais trouvé ça franchement génial. Rares sont les films qui savent concilier audace conceptuelle, profonde originalité et puissance dramatique. Je le reverrai avec plaisir.

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MessagePosté: 02 Sep 2021, 09:27 
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Citation:
Grand film, vraiment à redécouvrir, je ne comprends pas qu'il soit aussi peu connu (il avait pourtant gagné deux César, meilleur scénar et meilleur montage).


La première demi-heure est assez exigeante pour le spectateur, qui doit non seulement encaisser les infos rapides de tout film à scénario, mais en plus les replacer dans le dispositif formel audacieux. J'avais adoré au final, mais on peut être largué je pense.


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MessagePosté: 24 Nov 2021, 15:31 
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Le film est dispo en ce moment sur arte et je ne saurais que trop le conseiller aux amateurs de films d'espionnage car le point de vue adopté me semble assez original, et résolument moderne.

Vous avez tout dit plus haut de ce qui fait les qualités du film, notamment la mise en scène effrénée qui ne laisse jamais le spectateur se reposer dans la traque des failles d'un diplomate objet des convoitises des services de renseignements pour être recruté. Toute la construction en creux du personnage, sa dépossession de lui-même par autrui, et la galerie de personnages rencontrés qui dresse aussi un portrait de la société, j'ai trouvé tout cela admirable et prenant de bout en bout, malgré un début assez rêche et quelques révélations convenues.

Vraiment du bon boulot, ça ressemble presque à un OVNI pour un film français de 1978, de la part d'un cinéaste que je ne connais finalement pas.


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MessagePosté: 09 Déc 2021, 17:22 
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Revu sur Arte.

Film effectivement assez passionnant dont la construction m’a un peu rappelé celle de Citizen Kane. La vie d’un homme racontée d’abord en très condensé (la présentation de 51 par l’équipe de Mars avec films et photos, l’équivalent des « News on the march » de CK) puis l’enquête menée ici par les espions (comme les journalistes dans le film de Welles) à la recherche de la faille, du secret de 51 : son « rosebud ».

Dommage que la révélation soit ce qu’elle est :
Le coup de l’homosexuel refoulé, c’est quand même bien vieillot
et ça nous vaut une scène très longue où Planchon et Mesguich en tête, nous expliquent comme à des élèves, règle en main et diapos à l’appui, avec une certaine emphase théatrale, l’évidence de la chose.

La caméra subjective, c’est osé. Je me suis demandé pourquoi Deville la réservait seulement à certains espions. Pour Deville interviewé dans Positif, Planchon « Esculape » et son équipe n’y ont pas droit parce ce sont des collaborateurs extérieurs à l’organisation qui ne fait qu’utiliser leurs services. Sauf que ça ne saute pas vraiment aux yeux ni aux oreilles dans le film. De plus, ils collaborent quand même bien tous au même objectif : trouver le moyen de manipuler 51.

Je reconnais en revanche que cette technique est très payante parfois en terme d’émotion : le long plan-séquence qui recueille le témoignage de la mère en regard-caméra, c’est vraiment beau.

Autre qualité pour moi du film : malgré un sujet pas très léger, le film n’oublie jamais d’être drôle. Dans les dialogues par exemple (cf. les vacheries que se balancent les services à propos de leurs échecs respectifs). Je pense également à ces scènes où un espion un peu obsédé reluque les filles (ce qui nous vaut en caméra subjective de furtifs panoramiques du plus comique effet) ou encore ces plans où la recherche de Sarah X se traduit à l’écran par l’apparition de x sous toutes les formes (déco de charcuterie, panneau routier, …jusqu’à l’apparition en arrière-plan d’un élève de polytechnique !).


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MessagePosté: 09 Déc 2021, 17:36 
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elmergantry a écrit:

Dommage que la révélation soit ce qu’elle est :
Le coup de l’homosexuel refoulé, c’est quand même bien vieillot
.


Ouais c'est vieillot et en même temps
la société qui pousse à refouler son identité, avec comme conclusion le suicide (même si à cause d'une manipulation des services secrets) c'est finalement assez moderne


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MessagePosté: 09 Déc 2021, 17:39 
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En 78, je suis pas sûr que ce soit si vieillot.

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MessagePosté: 09 Déc 2021, 17:41 
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Art Core a écrit:
En 78, je suis pas sûr que ce soit si vieillot.


Ca fait un peu vieillot aujourd'hui.


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MessagePosté: 09 Déc 2021, 17:49 
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Oui mais à l'époque ça ne l'était pas vraiment.

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MessagePosté: 09 Déc 2021, 18:20 
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Art Core a écrit:
Oui mais à l'époque ça ne l'était pas vraiment.


Tu ne peux pas quand même pas t’empêcher de regarder le film avec des yeux d’aujourd’hui.

Dans notre société occidentale actuelle, que des gens puissent continuer, malgré la libération des mœurs, de cacher leur homosexualité pour un tas de raisons (familiales, sociétales…), je l’admets bien volontiers, étant gay moi-même je sais bien ce que c’est. En revanche, la figure de l’homo qui se cache à lui-même sa sexualité (l’homosexuel refoulé), là ça me paraît plus rare (même si je ne nie pas que ça puisse exister), ça me semble moins réel, plus relever de la fiction. C’est peut-être ça qui me fait dire que c’est daté. De même que tout ce jargon psychanalytique utilisée dans la scène de l’explication (« le plaisir sans la faute »).


Pour ce qui est du suicide évoquée par Jeronimo, il me semble que les révélations sur son père jouent autant que celles sur sa personnalité, le film ne tranche pas en tout cas.


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MessagePosté: 09 Déc 2021, 18:35 
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Bon cela dit il me semble que l'éducation assez religieuse du protagoniste (internat chez les Jésuites) joue un rôle dans le refoulement... Ayant eu dans mon entourage un homo refoulé issu d'une famille catholique pratiquante, qui s'est affirmé vers 40 ans après mariage et enfant, ça ne m'a pas plus choqué que ça (c'était au début des années 2000), mais oui on sent que le sujet est abordé avec des yeux des années 70 et que nos yeux de 2021 doivent s'habituer un peu (je sais pas comment le dire, si ce n'est qu'un film d'aujourd'hui, même s'il était sensé se dérouler dans les 70's, ne prendrait pas la même approche -et en ça le film est justement intéressant, instructif de son époque).


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MessagePosté: 11 Jan 2022, 22:42 
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Robot in Disguise
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Le film m'a fait penser à un cousin de I... COMME ICARE, autre OVNI français paranoïaque et en avance sur son temps de la même époque. Mais là où le Verneuil était ouvert (vers le cinéma américain, vers le vaste complot, vers le spectacle), le Deville est replié sur lui-même, labyrinthique, déjà desplechinesque quelque part, en tout cas tourné vers des dispositifs modernes à l'époque et très post-Nouvelle Vague: ces images fixes à la Marker, ces voix-off, ces regards caméra.

Film hypnotisant, passionnant, glaçant (mais drôle aussi !). En tout cas d'une immense richesse. La diversité des idées de mise en scène, leur juxtaposition permanente, contraste avec le secret qui règne malgré tout autour de 51, personnage central et pourtant à peine distinguable à l'image. Le paradoxe précieux du film c'est qu'on a beau en apprendre des tonnes sur lui, il reste à distance, comme une sorte de cypher... Et finalement on peut d'autant plus se projeter en lui, comme si le film nous radiographiait nous-mêmes. Je sais pas si c'est très clair ce que je dis...

Après, le décorticage des secrets intimes du mec est un peu ringard, et cette longue scène d'explication bien linéaire jure un peu avec l'aspect patchwork du reste - et le jeu d'acteur globalement est quand même bien daté - mais ça reste un film fascinant, une excellente découverte.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste
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