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MessagePosté: 29 Mai 2017, 15:04 
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Un chat sous le bras, des portes closes, rien dans les poches, voici Paula, de retour à Paris après une longue absence. Au fil des rencontres, la jeune femme est bien décidée à prendre un nouveau départ. Avec panache.

Je n'ai pas trop marché dans ce premier film attachant mais quand même blindé de défauts ou plutôt d'un gros défaut qui l'handicape pas mal, le scénario. La première scène du film est assez impressionnante et nous introduit in media res ce personnage de Paula, grosse boule d'energie, de douleurs, de colère et d'amour à donner qui flirte allégrement avec la folie et la violence. Tout celà tient vraiment sur le jeu tout en puissance de Laetitia Dosch qui sonne plus vrai que nature. Cependant ce qui s'apparentait à une chronique de la galère en mode naturaliste se retrouve rapidement rattrapé par une construction scénaristique d'une étonnante artificialité.

En effet très rapidement, Paula fait des rencontres improbables et trouve des gens qui l'aident. Très facilement Paula échappe à la clochardisation et se retrouve lancée dans un récit de transition somme toute d'une grande banalité. Et très vite je ne crois absolument plus à cette trajectoire qui n'est pas réelle. A cette femme qui n'existe pas, dont je ne crois absolument pas à l'histoire (j'ai cru longtemps que son histoire avec le photographe au Mexique était un mytho d'ailleurs tellement ce n'est pas crédible) et dont le parcours pavé de rencontres bien trop opportunes me rappelle le pire d'un certain cinéma indé US. Pire que ça je trouve que le personnage n'est pas tenu. C'est à dire que ce qu'il semble être lors de cette première scène séminale se perd totalement dans un personnage qui ne parvient pas à être totalement "un". Qui dans une scène est à moitié psychotique et dans la suivante une vendeuse bien sage de magasin de vêtements. Et en réalité cela rejoint ce que je dis plus haut sur un film qui n'est tout simplement jamais crédible. Comment imaginer qu'en France, à fortiori à Paris, dans un contexte économique qui est le nôtre aujourd'hui, une fille pas franchement propre sur elle, qui donne à tout hasard un CV froissé à une vendeuse dans un magasin soit rappelée et, pire, engagée ? Pour qui nous prend-on ? Comment peut-on à ce point vouloir être dans une certaine réalité et en même temps mentir comme ça ? C'est exactement pareil pour ce travail de nounou avec la caricature de la bourgeoise qui s'en fout de son gosse. Qui peut bien y croire ?

De même cette fin à chier où on te montre un personnage qui a passé une étape, qui a reconstruit un peu sa vie et qui quitte sa chambre de bonne. Mais rien dans le film nous dit qu'elle a trouvé une meilleure situation. Tout est purement théorique, presque symbolique. Il faut que ce soit organiquement présent dans le scénario pour que j'y sois sensible. Tu peux pas juste me balancer que ça y est elle va aller mieux, elle a grandi sans me le montrer concrètement. Cette image du "nouveau départ" n'a pas vraiment de sens si elle n'est pas soutenu par des choses derrière, dans ce personnage finalement assez transparent. Et une fois de plus le rapport à ce photographe grand bourgeois
avec le petit twist des films sur des femmes qui savent plus quoi raconter, une petite grossesse pour emballer tout ça
qui peut bien y croire ?

Bref je trouve pas que ce soit très bon finalement. Laetitia Dosch est excellente oui mais son personnage n'étant pas suffisamment tenu, suffisamment construit, je me souviendrai surtout d'elle pour une poignée de scènes uniquement, les scènes de performance (la première, l'entretien d'embauche...). Mais pour le reste j'ai pas spécialement eu l'impression d'assister à l'éclosion d'un talent particulier ou d'un regard quelconque. Parce qu'au final ce que je retiens derrière l'ambition de cette chronique faussement naturaliste c'est son côté profondément conventionnel.

2/6

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Dernière édition par Art Core le 30 Mai 2017, 09:04, édité 2 fois.

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MessagePosté: 29 Mai 2017, 19:27 
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Belle affiche.

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MessagePosté: 29 Mai 2017, 21:12 
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Antichrist
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La Caméra d'or c'est peut-être un peu beaucoup pour ce film qui a le défaut de beaucoup de premier film : de n'être dans le fond qu'un moyen métrage étiré.

Après on observe réellement la naissance d'une grande actrice en devenir qui propulse le film d'anecdotique à "remarquable". Il y a des scènes que j'adore dans le film - toutes les scènes avec le gardien, surtout la première, les scènes avec Yuki et aussi quand elle est dans la chambre de bonne.

Après le film a effectivement des défauts, on ne sait pas très bien ce que cela veut raconter autour de cet improbable photographe.

4/6


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MessagePosté: 30 Mai 2017, 08:30 
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tape dans ses mains sur La Compagnie créole
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Très beau portrait d’une femme « borderline », toujours sur le fil, c’est assez captivant de voir comment une personne « normale » peut donner soudainement l’impression de pouvoir basculer d’un moment à l’autre dans la folie, d’un jour à l’autre dans la rue, d’une seconde à l’autre dans une émotion totalement différente… C’est un personnage de cinéma puissant, remarquablement incarné par Laetitia Dosch (OK, sa carrière va exploser) franchement incroyable. La mise en scène naturaliste, qui colle au corps, est en adéquation avec l’actrice, avec le sujet. Chapeau à la réal, aussi pour tous les seconds rôles, parfaits.
Sur l’intrigue on peut regretter l’absence de vraie trajectoire, la tension du film est à trouver dans les scènes elles-mêmes, pas dans le parcours du personnage. Et il manque une vraie fin – ça s’arrête un peu sans raison, mais c’est peut-être juste mon ressenti. Le film paraît donc un peu plus long qu’il ne l’est, et j’avoue qu’il m’a plus convaincu que ému. Mais ça reste fort grâce à son personnage, grâce à son actrice.

4/6

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MessagePosté: 01 Nov 2017, 19:50 
Bizarrement le film ne sort en Belgique que maintenant. Je l'ai vu à la suite d'Un Beau Soleil Intérieur et de l'Avenir, desquels il est à la fois fort proche (portrait de femme, ancrage parisien, orientation féministe reliée à une forme de deuil et de nostalagie déçue avec la mythologie du cinéma : Kiarostami chez Mia Hansen Love, Sirk chez Séraille. Comme pour dire "mes personnages sont mineurs, et entièrement déterminés par leur milieu, mais le mélodrame de Sirk ou la profondeur psychologique de Kiarostami sont, tout comptes faits, grandioses et mensongères, commes des religions laïques, et mortes, ma modestie est une forme d'honnêteté, elle est le réel qui s'impose, quand eux étaient le cinéma, qui demandait encore de la foi") et dont il diffère (Paula est d'un environnement social plus indécis, plus riche moralement aussi, que la bourgeoisie parisienne, elles est hors-classe, le conflit avec son ex-compagnon prof de fac est tout autant social qu'amoureux).

C'est à la fois le moins original des trois et le meilleur. Honnêtement cela m'a fait bien plutôt penser à Klapisch (Chacun cherche son chat, en mieux), Lucas Belvaux, ou Zonka (et Claire Denis période j'ai pas Sommeil ou Noémie Lovsky ) ou Trier (Victoria) voire Corsini (Leatitia Dosch ressemble beaucoup à Karin Viard dans la gestuelle et la voix) ou encore à la Salamandre de Tanner (même rapport au travail dans les gestes et les mots, mais axiologiquement inversé : ce que Tanner montrait comme une aliénation est devenu un fantasme du fait de la crise) qu'aux Américains Amos Kolek et Cassavetes cités par Hello Kitty à propos du film (par ailleurs je me retrouve dans son point de vue). A la rigueur s'il fallait trouver à tout prix une inspiration américaine je dirais Hal Harley période Adrienne Shelly - on y reviendra. Mais on sent une petite ouverture excédant ces références intéressante : la nostalgie de ce que fut le cinéma. Séraille a conscience qu'une même scène peut être traitée aussi bien sur un ton de mélodrame social "mécaniste" à la Dardenne ou à la Loach, de la fable comique amère et consensuelle à la Bacri-Jaoui ou Jeunet (beaucoup pensé à Amélie Poulain, mais Amélie Poulain filmé par Mike Leigh, ou alors si vous préférer : à Naked filmé par Jeunet, au choix) ou Klapisch, ou encore en film de rupture et d'affects à la Cassavetes, et finalement en screwball des années 30, et esquisse un pas dans ces quatre directions à la fois.

Paradoxalement, cette tension et cet éclatement, ainsi que l'énergie rêche de Paula, toujours borderline, finissent par produire du neutre. Mais ce neutre est le passage du drame individuel vers un niveau sociologique qui le réintègre en principe d'équilibre. Le personnage de Dosch qui est intimement perdue, est est au point de vue social, un facteur rationnel qui lisse les oppositions et les explique : elle permet à la petite fille qu'elle baby-site de prendre conscience de l'aspect étoufffant, et conformiste de sa mère, et d'affirmer un moi critique. Elle choisit le mélange de rigueur et d'ouverture morales de musulman d'Afrique de l'ouest d'Ousmane, le vigile, contre l'intellectualisme petit-bourgeois et le machisme frustré de son ex, mais défie en même temps les deux référentiels moraux
en avortant
(situation qui m'a plutôt rappelé les premiers Hal Harltey que Kolek, à vrai dire tant mieux, car Sue était vraiment misérabiliste et sadique et tombait dans le baroque expresionniste et parodique post-pabstien en condamnant son personnage). C'est à la fois une limite comme l'a dit Art Core : ce neutre est posé par des coups de force scénaristiques, des artifices qui rythment le récit, mais ne sont pas moralement tranchés et délaissés avec les personnages qui les ont incarnés dès qu'ils ont fait leur effet
ainsi, il eût été intéressant -mais je parle pour moi- de savoir si l'amie lesbienne qu'elle a bernée va rejeter Paula ou non, justement pour faire exister ce personnage de l'autre femme, par ailleurs intéressant (même si on sent qu'elles vont sans doute garder le lien). De même la discussion avec la médecin gynécologue qui sermonne Paula avant de désarmer brusquement, d'inverser volontairement le sens de la tension, est un peu fausse, et rend ce personnage inexistant. En fait dans le système du film, la figure de l'autre femme est toujours refoulée et vaincue par la séduction de Paula, l'autre est toujours masculin, cela se retrouve même dans le rapport à la mère, qui semble une rivale amoureuse
. Mais c'est aussi un atout : le film parvient parfois à le transformer en comique paradoxal. Il y a quand-meme des choses qui fonctionnent bien, surtout quand le film glisse dans l'humour vache comme dans l'interview à une radio pata-France Inter du compagnon en mode baroudeur compatissant, qui devient un discours moralement gluant lorsqu'on connaît l'arrière-plan personnel de la situation, ou la mère (le film n'est pas tendre avec les mères, c'est d'ailleurs aussi le cas de l'Avenir et, de manière plus sourde, du dernier Denis où la fille est hors-champ et entrave la vie amoureuse de Binoche- c'est peut-être la limite du féminisme de ces films) de la petite fille, de plus en plus abjecte lorsqu'elle essaye de copiner avec une femme visiblement en galère
(clé du film : l'enfant dont Paula a la garde, c'est elle-même il y a 20 ans, et cette femme est sa vraie mère, avec sa psychologie d'alors : les deux maris se sont barrés ou sont morts, et il n'y a dans les deux cas ni frère ni soeur)
, ou sur un autre versant le rapport aux espaces intérieurs et extérieurs de la ville.
Le film est aussi réaliste en montrant une trentenaire paumée, dans une situation où il y a 20 ans encore on aurait montré une femme en début de vingtaine, ou bien des tensions sexuelles du type #balancetonporc qui sont peut-être en train de prendre une place occupée jusqu'ici par les tensions communautaires, du fait de l'enracinement de la précarité économique (les emplois stables sont tenus non seulement par des blancs, mais les femmes de la classe moyenne en sont exclues) :( .


Par contre le chat comme métaphore freudienne porte-poisse de la femme qui n'arrive pas à se trouver (dont il est à la fois le sexe et le "phallus symbolique" : comme dans l'Avenir on corrige tout le temps le sexe du chat), après Klapisch et Mia Hansen-Love (et même Verhoeven dans Elle), et qui occupe 20 minutes du récit, c'est devenu en effet un poncif avec lequel il faudrait tout doucement arrêter.


Dernière édition par Gontrand le 02 Nov 2017, 12:19, édité 30 fois.

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MessagePosté: 01 Nov 2017, 19:58 
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Gontrand a écrit:
Bizarrement le film ne sort en Belgique que maintenant.


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MessagePosté: 02 Nov 2017, 14:12 
Avec le recul, ce qu'il y a de plus gênant (mais d'un autre côté cette ambiguïté est intéressante) dans le film, réside dans la contradiction entre une mise en scène nerveuse (mais à plusieurs régimes, scène montées sèchement et ellipses alternent avec des numéros d'acteurs, en monologues, d'ailleurs assez bons, mais, qui se rattachent au cinéma des années 90) et une surécriture (des situations) qui maximalise de manière scolaire les effets et les enjeux émotionnels.
Ainsi l'amie lesbienne est vraiment la représentante du spectateur dans la fiction, et n'a pas d'autre raison d'être (c'est d'ailleurs derrière l'écran d'une fenêtre et à distance que Paula lui montre ses seins, "projetant furtivement sa propre image" ). La manière dont elle découvre le vrai prénom de Paula est caricaturale, une lettre qui traîne négligemment sur le lit où elle essaye justement de l'embarquer en vain (pompée sur un Largo Winch). C'est vraiment le spectateur, bienveillant et déçu, qui aime Paula, paye pour la voir, met une perruque pour s'abstraire de son propre corps, mais lui reproche contradictoirement autant son instabilité que d'être un personnage de fiction. C'est cela qui est ambigu et un peu déplaisant : Paula est valorisée de l'extérieur du film du point de vue sociologique, comme femme en crise qui va sortir de la précarité en devenant adulte, capable de désamorcer le machisme et les chantages affectifs de sa mère par le retrait (elle ne vainc pas l'alinéation, mais n'en a simplement plus besoin, belle idée, en tout cas pas fausse ), mais en même temps elle est jugée sévèrement au point de vue romanesque à l'intérieur du film, tous les autres personnages ne faisant que lui dire :"tu n'es qu'une fiction ! Tu m'as menti ! ". Et pour cela tes ruses n'ont aucune portée sociale ("Tu ne les auras jamais dans ta poche"- le vigile pourrait ajouter : car tu n'existes pas, contrairement à moi). Lorsque Paula semble critiquer le peintre qui a fait des œuvres avec du sang de seropositif, il lui répond sans colère "je ne me souviens pas de toi", interrompant la scène (qui a surtout pour but de souligner la décadence de l'ex, qui fréquentait ces fêtes et ces gens, comme pour se cacher) . Paula ne comprend pas encore que l'enjeu est ailleurs. Elle doit affirmer soit son existence, soit sa subjectivité, comme si les deux démarches étaient opposées.

Dans le même registre, le psychiatre du début révèle le twist du film, comme s'il écrivait l'histoire de sa patiente (Harold Searles dirait que c'est une très mauvaise idée, cela revient à apprendre à l'autre à cacher sa psychose).
D'ailleurs l'ambiguïté patient/client qu'il relève correspond complètement à la scission personnage/spectateur (il n'est pas indifférent que Paula retrouve sa mère à une séance de blockbuster l'après-midi, et comprenne à cela que celle-ci ment sur son travail, et est plus folle que sa fille. C'est d'ailleurs la principale ellipse du film, et la mieux cachée, car cela suppose que Paula suive sa mère depuis longtemps, alors qu'elle rentre tout juste du Mexique ).


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MessagePosté: 15 Nov 2017, 08:53 
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Robot in Disguise
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Inscription: 13 Juil 2005, 09:00
Messages: 36708
Localisation: Paris
Un cas d'école du premier film français d'auteur: de la spontanéité à gogo, une actrice habitée et en roue libre, mais toujours ces satanés problème de scénarios qui fait qu'au bout d'1h10, ça commence à tourner à vide et qu'on s'ennuie. Sur le coup j'ai assez apprécié grâce à la vivacité de l'ensemble, mais je garde un souvenir tiède du film... Paradoxal pour quelque chose d'aussi fiévreux.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste
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