Paris, 1793, pendant la Terreur. Le Chevalier de Maison-Rouge fomente un complot pour faire évader la reine Marie-Antoinette. Il reçoit l'aide de Dixmer, son beau-frère, maître-tanneur vu par ses concitoyens comme un ardent révolutionnaire...Contre toute attente, c'est une très bonne adresse !
De loin, Capellani me semblait tenir à une sorte d'héritier chiant du déjà très chiant "Film d'Art". Les textes que je croise sur le net insistent sur l'innovation de son œuvre, sur son côté "chaînon manquant français" entre Zecca et Griffith - notamment par ses panoramiques, ses inserts, ou le réalisme de ses tournages en extérieur. Sans remettre en cause la validité de ces visions d'historien, je reste un peu dubitatif sur l'intérêt d'aller apprécier le film sous cet angle-là, tant c'est aller y chercher à la tractopelle quelques miettes dérisoires. On a quoi, deux travellings (qui pour le coup font certes vraiment évènement), peut-être 10 inserts à tout casser ? Les passages en intérieur sont aussi (voire plus) inspirés que les extérieurs, ceux-ci étant de toute façon aussi composés et organisés que le reste... On reste dans un cinéma fondamentalement "en tableaux", quand bien même ceux-ci sont parfois articulés, et le nier en allant chercher l'identité du film ailleurs, dans un futur cinématographique dont on devinerait les quelques premières traces ça et là, me semble surtout être l'occasion de rater ce qui en fait la saveur.
Ce qui séduit ici (et ce qui fait que ça n'a jamais un aspect théâtral), c'est l'alliage du geste naturaliste et de tableaux quasi-iconiques, compositions qui en prenant forme semblent soudain symboliser ou résumer la situation, comme dans l'instantané shématique d'une fresque. Dans ce récit foncièrement anti-révolutionnaire, c'est par exemple très parlant pour la Reine, figure droite entourée de ses suivantes, qui en se figeant dans une pose ferme, à l'endroit stratégique du tableau, tient en respect le chaos des sans-culottes qui l'assaillent. Ainsi avance le récit, par l'à-coup de compositions auxquelles le réalisme (de jeu, de détail) donne corps, au point de nous les rendre invisibles : je ne sais pas si le roman est foisonnant, mais il y a là un art évident du compactage, du condensé, en situations fortes - qui font d'ailleurs que le film ne comporte absolument aucun carton de dialogue (je sais pas si c'est une mode de l'époque où juste un truc de Capellani, mais c'est en tout cas très cohérent avec la manière du film).
Je trouve ça assez irréprochable dans les deux premiers tiers, quand toute l'intrigue est épurée autour du plan d'évasion à mener à bien. La dispersion qui s'ensuit est moins bien gérée, et les deux dernières parties sont plus hésitantes : on sent qu'il aurait fallu choisir un des duos des personnages, et se focaliser prioritairement dessus pour traverser les évènements de façon plus émue (la fin, maladroite au point d'en sembler parodique, en revient aux travers du cinéma sentencieux des théâtreux).
Mais ça reste une excellente nouvelle (j'avais un peu fait le deuil du ciné français de l'époque), je vais essayer d'aller voir ses autres dans la foulée.
Concernant le DVD (Pathé) : superbe restauration et compression ok, qui merde quand même un peu dans les rouge-orangés.