Forum de FilmDeCulte

Kamigami no Fukaki Yokubo en VO.



Les légendes de Kurage racontent qu'un frère et sa sœur se sont unis, dans les temps anciens, pour donner naissance à leur île au milieu de la mer de Chine. En arrivant sur place pour installer une raffinerie de sucre, un ingénieur de Tokyo fait la connaissance d'une famille conspuée par le village, les Futori : comme dans la légende, un frère y aime sa sœur d'un amour interdit...


Il faut faire son deuil, en lançant le film, de l'œuvre lyrique qu'appelle de lui-même le sujet, d'un cinéma du pêché au jardin originel qui, de Tabou à La ligne rouge, a souvent extrait du décor idéalisé des îles une sorte de parabole de l'Histoire du monde. Imamura reste un cinéaste des Nouvelles vagues : son film est politique, expérimentateur, concret, brut et fragmenté, déstabilisant dans la forme, limite documentaire aussi par moments. Et il est surtout bouffon : satirique et forçant le trait (jusqu'à l'extrême d'une actrice au jeu un poil irritant), se laissant volontiers aller aux saillies crues comme à l'humour potache, il coupe court à toute approche rêveuse ou émue. Et dès les premiers plans de créatures des sables, le divin y sera avant tout difforme et conceptuel...

Gros morceau de 3 heures, le film se suit presque comme un serial, laissant peu entrevoir son mouvement d'ensemble pour plutôt sauter d'un personnage à l'autre, d'une problématique à l'autre, tissant discrètement les liens faisant tenir tous ces aspects ensemble (c'est particulièrement fort en ce qui concerne la jeunesse désinvolte du village, intervenant toujours localement dans le film avec un rôle différent, un ton différent). Parti pour conter le désir de l'adolescent et de sa sœur attardée, le film se concentre soudain sur l'entrepreneur du pays dont l'arrivée bouleverse l'île, puis saute aux castes religieuse et à leurs cérémonies... Beau scénario qui tourne autour de la même famille incestueuse, qui se nourrit de tous ses aspects possibles, qui sait chaque fois utiliser celle-ci pour donner à voir les problématiques de l'île dans son entier.

Ce côté très prenant, façon saga familiale, se passe de tour de force : le film est régulier et constant, et mis à part deux gros morceaux qui calment - la possession et le climax - Imamura se préserve de coups d'éclats pour mieux construire sur la longueur, pour amener tranquillement à maturation tous les éléments que le film a tissé. Surtout, il parvient sans cesse à garder l'équilibre d'une vision des Dieux on ne peut plus ambiguë, qui ne les donne jamais tout à fait à voir comme l'arme politique cynique destinée à manipuler le sort de l'île, ni tout à fait comme une pure expression fantastique. Le long et superbe final, qui montre les hommes exécuter les ordres factices presque malgré leur volonté, comme créant la divinité par le seul fait d'exercer leur rituel, est à ce titre bien troublant : à travers les jeux de masques, le divin devient une sorte d'expression abstraite des volontés de la communauté, incarnation de ce qu'il reste de cet ordre ancien - sa justice violente, ses rapports sociaux - avant que le monde nouveau ne l'ait totalement supprimé... Sous nos yeux, le film nous donne à voir, de l'intérieur, la création des légendes.

Ce serait mentir de dire que j'y ai continuellement été sensible - l'approche très dépassionnée reste un peu loin de tout ce que je kiffe au cinéma. Mais les 3h passent à toute vitesse : c'est un vrai bon film, ambitieux et achevé.

Quel titre génial.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Un sacré morceau (haha) que ce film à l'ambition complètement folle qui mêle farce, étude sociologique et réflexion philosophique. Le film se permet de changer de narration en cours, de partir sur des intrigues annexes pour se recentrer sur le frère et la soeur. Comme le dit bien Tom, le principal "défaut" est peut-être son rythme assez particulier, on ne s'ennuie pas, mais on reste parfois un peu en dehors. La fin est très forte...

Bon, le film a ruiné ses producteurs.

4-5/6

Bah tu vois, deux ans plus tard, il ne m'en reste quasiment rien (sinon la fin assez forte). J'avais beau avoir été impressionné par l'ouvrage, quand les films ne t'émeuvent pas (c'était super sec), ça te laisse aucun souvenir. Donc peut-être pas si bon que ça, tout compte fait...

J'aime beaucoup l'utilisation de la voix-off par le barde handicapé...

Lol, je me souviens plus du tout de ça ! (le film trou noir...)

Pourtant ton texte est bien, bien mieux que l'analyse à la con présente sur le blu ray.

Ah elle m'intéresserait pour le coup. Vais essayer de la retrouver...