Forum de FilmDeCulte

Quelle merveille de cinéma, quel miracle absolu de délicatesse et de simplicité. Il fait vraiment partie de ces films qui semblent fait pour moi. J'aime absolument tout dedans. Cette introduction d'une poésie macabre absolue, cette direction artistique d'un territoire du bout du monde peuplé d'hommes blancs venus salir une terre qui ne leur appartient pas. Ce sentiment d'une vie qui s'ouvre devant les opportunités possible de l'inconnu et en même temps l'absurdité de consacrer son existence entière à survivre. Chaque personnage secondaire porte en lui le récit de son parcours chaotique, de ce western antiglamourisé à l'extrême et rien que ça c'est absolument fascinant (comme la scène au début avec le mec qui débarque dans le bar avec le bébé).

Le premier plan d'époque sur cette botte trouée et sur cette main qui ramasse des champignons dans la forêt, qui replace un petit lézard allongé sur le dos, était suffisant pour m'emporter et le film ne m'a pas lâché jusqu'au bout dévoilant à la fois un récit très naturaliste avec quelque chose qui prend le risque de tomber presque dans le conventionnel sans heureusement jamais y sombrer. Mais c'est fascinant la sécheresse de son précédent film face au scénario rond très lisible de celui-ci. Pourtant, et ce qui est profondément génial, ils parlent exactement de la même chose.

Ici cette histoire d'amitié est tellement émouvante dans sa pudeur et sa simplicité. Ce qui est fascinant c'est chaque geste, chaque action, chaque moment de vie de ces personnages dont on découvre leur quotidien à la fois oisif mais détérminé par leur survie la plus stricte (avoir à manger, un toit sur la tête). Et encore une fois quelle façon de filmer un territoire (l'Oregon) comme une île perdue au bout du monde où l'arrivée d'une vache va devenir l'attraction et l'enjeu principal du film. C'est aussi là que ce cinéma est si précieux, dans cette élégie des éléments, des animaux, indifférent aux affaires des hommes. Les plus belles scènes du film sont sans doute celle où Cookie (un personnage totalement bouleversant) discute avec la vache alors qu'il la trait. Quelle douceur ici, quelle humanité, quelle envie de bonheur simple qui ne leur est pas permis.

Et tout le film est comme ça, dans un regard d'une bienveillance totale face à ce monde qui se construit en dépit du bon sens. Où des anglais répugnants viennent coloniser des territoires sur lesquelles ils n'ont rien à faire, juste pour tuer des casors pour que les parisiennes puissent avoir de beaux chapeaux pour défiler sur les Champs-Elysées. Déjà la mondialisation est là, déjà le libéralisme économique destructeur est en marche. Avec ces indiens "convertis", qui s'habillent à moitié à l'occidental et qui servent de majordomes à des anglais perdus au milieu de nulle part.

Kelly Reichardt est une des plus grandes réalisatrices américaines vivantes c'est maintenant indéniable. Qui mieux qu'elle parle de ce pays, de comment il s'est construit, de ce qu'il est fatalement devenu ? Et pour l'éternité, deux hommes restent allongés là côte à côte des rêves plein la tête d'un avenir meilleur. Chef-d’œuvre et ce sera dur de le déloger de la place de numéro 1 2021 (toujours pas de date de sortie en France d'ailleurs).

6/6

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CroqAnimement votre

Tu l'as vu où?

Téléchargé, ça fait quasiment un an qu'il est dispo.

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Han tu fais trop envie! Kelly Reichardt est une grande cinéaste. Mais ce film... je connaissais pas son existence, il est sorti en salles (aux US, car je viens de voir ta conclusion pour la France)??

Il a fait des festivals aux US en 2019 et est sorti dans trois salles en mars 2020. Depuis dispo en VOD aux US. Le film sortira en France je suppose mais j'ignore quand. J'espère pouvoir retourner le voir en salles d'ailleurs.

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CroqAnimement votre

Ah ok je vais patienter un peu... C'est vrai que ses films faut pas trop traîner ou lambiner, pour le précédent j'avais dû traverser toute l'agglo lilloise pour aller chercher la seule salle qui, pendant une semaine, l'avait diffusé.

Night moves est mon top 1 de la décennie 2010, carrément.

Plus je vois ses films, plus j'aime ses précédents. C'est une grande.

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CroqAnimement votre

Wow. C'est juste des immigrants comme il y en a eu depuis des siècles qui chassent pour la viande et la fourrure , ce que les hommes font depuis des siècles.
Le libéralisme parce que tu chasses et revends le fruit de ton travail ?

J'espère que le film en lui même est plus fin que ça parce que j'adore vraiment le cinéma de Kelly Reichardt.

Mon film préféré de l'année avec Nadia Butterfly

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Il faut bien avouer que la bande-annonce, en contradiction avec la critique d'art core, vend en tout cas une sorte d'ode au rêve américain et à l'esprit de résilience des colons, comme on dit de nos jours, ou en tout cas quelque chose de beaucoup plus nuancé, ce que confirment les avis sur imdb. Bon, c'est peut-être cette contradiction, d'ailleurs présente dans la critique d'art core, qui est intéressante.
On dirait que le film est un peu dans l'esprit du diptyque fleuve de Jan Troell avec Max von Sydow et Liv Ullmann, The Emigrants et The New Land.

Hein ? Bien sûr que le film est fin mais pourtant c'est bien ce qu'il montre à juste titre. Déjà à l'époque les fourrures récupérées dans le fin fond de ces forêts par des hommes pauvres qui vivent dans des cahutes en bois, étaient envoyés à Paris et à Londres pour que les bourgeoises puissent se pavaner selon la dernière mode du moment. C'est dit texto dans le film et bien sûr que c'est le début du capitalisme (plus que du libéralisme en fait).

Sinon le film fait étonnement penser à un autre film réalisé par une femme (et également inédit en France), l'excellent The Nightingale, une espèce de version ultra violente et sombre du même univers.

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Oui c'est à peu près totalement l'inverse. Je crois que Kelly Reichardt est suffisamment intelligente pour ne pas croire à ce "rêve américain". Elle croit aux hommes, aux éléments. D'ailleurs tous ses films ne sont que la démonstration de ça. C'est une des cinéastes actuelles avec la filmographie la plus cohérente qui soit, on a vraiment le sentiment que les films se répondent les uns les autres, c'est passionnant.

D'ailleurs j'ai oublié de le noter mais la phrase introductive du film en donne déjà la clef et elle est déjà bouleversante, c'est une citation de William Blake : "The bird a nest, the spider a web, man friendship"

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CroqAnimement votre

Damn.

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

Le capitalisme n’a pas attendu la conquête des Amériques Art Core, selon Braudel il se développe avec les banquiers génois

Evidemment mais je parle de ce territoire là, de cette Amérique là, les bases de ce qu'est l'Amérique aujourd'hui. Et c'est vraiment fait de manière brillante je trouve.

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