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MessagePosté: 06 Oct 2010, 09:20 
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Hé ben putain, le film qui revient de loin… Téléchargé il y a 7 ans ! Sur le coup, après l’expérience très moyenne d’un Lancelot du lac bien mou, j’avais l’impression nette que le Bresson tardif en couleurs ça serait pas ma came. Vision repoussée, du coup, à chaque fois la flemme, d’année en année, jusqu’à hier soir.

Image

Pour rembourser un camarade, un lycéen utilise un faux billet. Celui-ci, circulant de main en main, de quiproquos en manipulations, va petit à petit provoquer le chaos.


Comme No Country for Old Men (dans un style on ne peut plus opposé, cependant), voici donc un film qui décrit la tranquille contamination du mal.

La couleur (+ le son beaucoup moins épuré) font comme prévu tomber une barrière qui posait jusqu’ici clairement les anciens films à distance de tout réalisme, parant le jeu très atonal des comédiens d’une abstraction évidente et charismatique. Ce n’est plus le cas ici… Quand, en ouverture, un lycéen tout ce qu’il y a de plus naturel, dans un décor tout ce qu’il y a de plus naturel, aux couleurs fades tout ce qu’il y a de plus naturelles, se met à haranguer son père avec la motivation d’une boîte vocale, il y a comme un bug…

Il faut donc du temps, même avec l’habitude de ce cinéma, pour rentrer dans le film, car pendant un moment ca ressemble surtout à du petit Bresson illustré, avec sa batterie de plans de mains et autres portes réduits à un automatisme éteint. Que ce soit voulu ou non par lui, la filmographie a ici atteint un stade d’assèchement terminal, au-delà duquel ce cinéma ne pourrait plus tenir. L’image ne joue même plus sur la classe de l’épure, plus rien n’y est directement séduisant : tout est posé à plat.


Le film n’a aucune prétention morale, ni "message" : le billet qui transite, et bientôt derrière lui toutes sortes de biens, n’est qu’un fil rouge permettant de nous faire visiter la perfection calme de la toile d’araignée de cause et d’effets, système sur lequel aucun protagoniste n’a de pouvoir, même lorsqu’ils le croient (cf le pseudo robin des bois). Les personnages n’existent plus, et la grâce façon lumière chrétienne qui inondait jusqu’alors sa filmo a disparu... Chez Bresson, j’ai toujours eu l’impression d’un lyrisme fort, contenu, qui se retient, prêt à exploser à tout moment, le dépouillement semblant alors résister à une pression qu’on te laisse imaginer émouvante et prometteuse. Ici, cette force intérieure est morte (plus de musique du tout, d’ailleurs), délaissant les individus à l’état de pantins, ce dont certains (la vieille, le héros) finissent d’ailleurs visiblement par avoir parfaitement conscience.

Et de cette rigueur implacable au travail, qui ne se permet plus aucun écart, finissent naturellement par émerger des vagues de beauté glacée, états de grâce en creux qui s’incarnent dans les sursauts d’horreur discrète : le casse de la banque, la torgnole qui fait doucement secouer le contenu d’un bol, et puis surtout ce final tétanisant, fulgurant, total. Une scène parfaite, de violence et d’ellipses… Direct, sans hésiter une seconde, la plus belle scène de toute sa carrière. Je suis d’ailleurs pas loin de penser que tout le cinéma d’Haneke a été conditionné par cette séquence là…


Je continue à préférer l’idéalisme et l’élégance du cœur de sa filmographie, d’ailleurs ici passée en revue (la cellule du Condamné, le métro et le parloir de Pickpocket, le tribunal de Jeanne d’arc, la chambre nue et la lampe tempête du Journal, et même un coin de campagne...) pour être redigérée jusqu’à ce que plus rien n’y subsiste d’espoir. Ce cinéma-là, sur sa fin, ne croit manifestement plus en rien, mais ce n’est ni moraliste, ni en colère, juste le constat d’une mutation achevée de la société, dont on nous invite à contempler la perfection des rouages et cliquetis au tic-tac si bien agencé. Bresson savait-il que ce serait son œuvre finale ? Les derniers films de cinéastes ont toujours un aspect testamentaire, apaisés ou mélancoliques, bénédictions offertes aux futures générations. Bresson, lui, lègue une grande horloge. On fait certes moins opaque, mais ca reste foutrement beau.


5/6


Dernière édition par Tom le 10 Mar 2014, 09:46, édité 1 fois.

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MessagePosté: 06 Oct 2010, 11:10 
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C'est peut-être le film le plus noir que j'ai vu. Pas mon Bresson préféré (comme toi, je préfère ceux où l'espoir subsiste, où Dieu existe d'une certaine façon - je pense à "Au hasard Balthazar" ou "Mouchette", noir mais sauvé par le plan final), mais sûrement celui qui me remue le plus. La fin est absolument traumatisante, et, chose curieuse (ou pas), a provoqué chez moi la même émotion incontrôlable que la fin de "Massacre à la tronçonneuse". Impossible d'ouvrir la bouche ou de me lever de mon siège après quelques minutes aussi violentes et aussi désespérées.
Contrairement à ce qu'on dit parfois, je n'ai pas l'impression que Bresson se caricature ici : ce film n'est que le prolongement logique de son travail, un aboutissement de ses recherches cinématographiques qui n'est rien rien vain ou poseur, et qui sert ici magistralement le propos.
Chef d'oeuvre.
6/6


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MessagePosté: 06 Oct 2010, 11:13 
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Et dire que je t'appréciais, Cosmo.


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MessagePosté: 06 Oct 2010, 11:18 
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C'est la première fois qu'un juif n'aime pas L'argent.

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MessagePosté: 06 Oct 2010, 11:19 
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Marlo a écrit:
Et dire que je t'appréciais, Cosmo.


Lol
Si ça peut te rassurer (un peu), j'adore les autres Bresson que j'ai vus (et je précise que je les avais vus avant celui-ci).

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MessagePosté: 06 Oct 2010, 11:19 
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Film Freak a écrit:
C'est la première fois qu'un juif n'aime pas L'argent.


Ce qui confirme bien que je ne suis pas juif !

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MessagePosté: 06 Oct 2010, 18:42 
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Marlo a écrit:
Contrairement à ce qu'on dit parfois, je n'ai pas l'impression que Bresson se caricature ici : ce film n'est que le prolongement logique de son travail, un aboutissement de ses recherches cinématographiques

C'est surtout qu'on pourrait croire, a priori, que son cinéma allait finir sur un style complètement abstrait, purement formel, alors que là, à première vue (c'est qu'une première impression), ca paraît d'abord très naturaliste et morne. Après, de ce que j'en ai vu, c'est un revirement qui démarre déjà après Jeanne d'Arc...

Cosmo a écrit:
0/6

Rhoooo, même pas un petit point pour le final ?


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MessagePosté: 06 Oct 2010, 18:57 
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Rafraîchis moi la mémoire Tom, c'est quoi déjà le final, j'arrive pas à m'en souvenir même si je sais que ça m'avait tétanisé.

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MessagePosté: 06 Oct 2010, 21:46 
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La fin :

C'est donc une fois que le prisonnier a commis un premier meurtre, et qu'il est recueilli chez la vieille femme, avec qui il vit un temps. Puis un soir il traverse la maison en massacrant tout le monde : c'est la scène dont on parlait plus haut, un truc où on voit que les avants et après les coups de hache, les futures victimes qui attendent dans leur lit, les corps laissés dans l'escalier... c'est très violent.


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MessagePosté: 06 Oct 2010, 21:52 
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Ah oui merci ça me revient, quelque chose de très systématique et de très froid. J'avais adoré le film pour son côté totalement théorique mais qui, comme toujours chez Bresson, ne se sépare jamais d'une poésie incroyable. Et puis les couleurs de ce film m'avaient paru incroyables aussi, exubérantes parfois, comme si elles déjouaient le verrouillage total de la mise en scène.

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MessagePosté: 06 Oct 2010, 23:25 
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Marlo a écrit:
je préfère ceux où l'espoir subsiste, où Dieu existe d'une certaine façon - je pense à "Au hasard Balthazar" ou "Mouchette", noir mais sauvé par le plan final


Heu... t'es bien sûr de te souvenir des plans finaux de ces deux films ? Y'a quand même plus d'espoir dans Pickpocket et Un condamné à mort.

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N'écoutez pas Film Freak


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MessagePosté: 06 Oct 2010, 23:26 
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Schtroumpf sodomite
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Film Freak a écrit:
C'est la première fois qu'un juif n'aime pas L'argent.


Giga LOL

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MessagePosté: 07 Oct 2010, 08:24 
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Tetsuo a écrit:
Marlo a écrit:
je préfère ceux où l'espoir subsiste, où Dieu existe d'une certaine façon - je pense à "Au hasard Balthazar" ou "Mouchette", noir mais sauvé par le plan final


Heu... t'es bien sûr de te souvenir des plans finaux de ces deux films ? Y'a quand même plus d'espoir dans Pickpocket et Un condamné à mort.


Je parlais simplement de "Mouchette".

Et le dernier plan de Mouchette montre des remous, un courant qui s'inverse, dans la rivière où elle se suicide, non ? Une présence divine en gros, comme si Bresson voulait dire que Mouchette était entre de bonnes mains maintenant, et que les épreuves endurées et son chemin de croix n'avaient pas été faits pour rien. Je me trompe peut-être mais c'est toujours ce que j'en ai pensé.


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MessagePosté: 07 Oct 2010, 08:52 
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Tom a écrit:
Rhoooo, même pas un petit point pour le final ?


A vrai dire, je ne suis même pas sûr d'avoir tenu jusque là. Je me souviens juste avoir été affligé par tant de laideur et de vide.

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