Tout d'abord, un petit mot dédié à tous ceux qui soutenaient, contre le bon sens, et contre mes dires, à l'époque de la sortie du tout premier film, que jamais les trois acteurs principaux ne tiendraient leurs rôles jusqu'au bout.
*éclaircissement de gorge*
SUCK MY COCK, BUFFOONS
Ca c'est fait. Et ce sont ces mêmes mots que l'on pourrait employer à l'issue de la projection du huitième et dernier film adapté de la série littéraire de J.K. Rowling, une franchise cinématographique entamée il y a maintenant 10 ans. Avec un nombre de chapitres convenu d'avance et un rythme d'adaptation à la régularité bienvenue, la saga Harry Potter faisait presque partie du décor.
Plusieurs fois, je me suis surpris lors de discussions avec d'autres, au sujet des blockbusters de chaque été, à oublier de compter le Harry Potter annuel. La faute à ce systématisme mais également sans doute au niveau qualitatif de la licence qui, même pour un fan comme moi, n'a jamais tutoyé les sommets atteints par son illustre aîné, dont l'incursion sur grand écran se fit la même année, à un mois près, à savoir, Le Seigneur des Anneaux.
Qui-Gon parlait d'une franchise qui bandait mou. A posteriori, je parlerai plutôt d'une franchise qui a démarré mollement et qui a
peaked too soon, comme on dit. Avec l'arrivée d'un jeune auteur à la barre, Le Prisonnier d'Azkaban a imposé un standard que les successeurs de Cuaron ont tenté, tant bien que mal, de maintenir, tirant les leçons de cet épisode, apprenant à s'émanciper dans la transposition, au grand dam des puristes attardés, faisant fi d'éléments finalement dispensables comme le Quidditch, la Coupe des Maisons, la S.A.L.E. et autres fioritures d'un univers qui n'en restait pas moins riche.
Dès lors, chaque fois que je me faisais mes petites rétrospectives pré-découvertue du dernier épisode en date, la vision des deux Columbus se faisait parfois un peu pénible mais les suivants, malgré une évolution qualitative en dents de scie, sont loin de démériter à mes yeux.
Je me permets ce prologue récapitulatif parce qu'il va sans dire que l'appréciation de l'ultime volet des aventures du sorcier se fait forcément dans l'affect. Néanmoins, je ne parle pas uniquement de mon affect personnel (même si ce matin, dans la salle 1 de l'UGC Normandie, je me suis rappelé, non sans nostalgie, que c'est ici même que j'avais vu le premier film), mais la charge émotionnelle inévitablement contenue dans ce dernier tome. J'ai vu ces gamins grandir et cet univers grossir et tandis que la lecture, presque ennuyante, du livre n'avait pas réveillé un quelconque émoi, même devant les passages les plus tristes, je me suis surpris à avoir les larmes aux yeux à plusieurs reprises devant les mêmes séquences dans le film.
A la sortie de la première partie de ce septième opus, je déplorais la division en deux films mais en fin de compte, je ne regrette pas qu'ils aient consigné les passages les plus chiants dans un premier film afin de consacrer un film entier à tout ce qu'il y a de plus fort et de plus intéressant dans l'ouvrage original.
Il y avait sans doute moyen d'adapter le bouquin en un film massif de 3h (ou plus) mais pas sans complètement dénaturer l'oeuvre. Pour obtenir un bon rythme, il aurait fallu soit sucrer tout un tas de trucs dans la première partie, soit totalement réécrire le récit pour mieux alterner action et inaction. Il se passe RIEN dans la première partie tandis que la seconde regorge d'événements et surtout d'explications.
Il faut avouer qu'il est un peu déconcertant de voir qu'on passe 2h26 à chercher et à essayer de détruire UN Horcrux, tandis qu'ici, sans spoiler, tout va très très vite.
Certains détails peuvent sembler avoir souffert d'une légère précipitation, mais je n'ai ressenti aucune frustration similaire à celle que j'ai pu éprouver suite aux deux premiers films ou à certains aspects du sixième film.
D'autant plus qu'un peu d'accélération ne fait pas de mal.
J'ai été très agréablement surpris de voir que toutes les longues plages d'exposition étaient assez brillamment traitées par David Yates, notamment tout ce qui touche au personnage de Severus Snape, qui devient soudainement le plus tragique et le plus beau de toute la série. La scène juste avant le face-à-face Harry/Voldemort dans la forêt est également très forte.
Même le bancal chapitre "King's Cross" (pour ceux qui savent) passe, bien qu'il reste le canard boiteux à la spiritualité de pacotille de cette histoire.
Toutes ces séquences, poignantes, s'entremêlent à de vrais morceaux de bravoure dans l'action et le fantastique qui embrasse pleinement le potentiel épique de la Bataille de Hogwarts. A ce niveau, Yates aura su s'imposer comme le metteur en scène le plus à l'aise dans l'iconisation. Il n'y a qu'à voir les tableaux que sont les tout premiers plans, ou encore la puissance de la scène de la protection du château, ou certaines envolées aériennes lors de l'invasion...il n'a pas peur du grandiloquant. L'esthétique regroge de petites idées formelles osées et/ou jouissives, comme par exemple les visages déformés durant l'affront en plein transplanage. Tour à tour, Yates gère à la perfection la bonne dose de pathos et de badass, me faisant frissonner et chialer quand il fallait à chaque fois. Et même l'épilogue kitsch marche.
Il est assez difficile de juger le film seul. Après tout, il n'y a pas vraiment d'intrigue isolée cette fois-ci. Mais vis-à-vis de ce qui est entrepris, de l'ambition générale, des enjeux émotionnels, le film ne déçoit pas. Il boucle la boucle avec plein de clins d'oeil en passant (une ref à la pryomanie de Seamus par ci, un Pixie par là, un oiseau en papier...), sans jamais donner dans le fan-service. Ces comédiens britanniques connus et reconnus qui reviennent, même le temps d'un seul plan, assurant une continuité sans égal. Quand je vois que certaines franchises peinent à garder un même acteur pour seulement deux films (Rhodes dans Iron Man, Rachel dans Batman), je suis épaté par la capacité qu'a eu cette série à dénicher non seulement des interprètes parfaits pour les rôles, mais à les amener à revenir. Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de l'incroyable cohérence qui traverse cette série. La moins négligeable étant la charte graphique respectée et toutefois enrichie par chaque réalisateur qui s'est attelé à la tâche, aboutissant en une saga avec son identité, narrative et esthétique, propre.
C'est une magnifique conclusion à une saga assez unique. Sept livres, huit films, adaptés presque simultanément avec la parution du matériau de base. Quelque part, je suis à la fois content et triste que ce soit fini. Je sais pas comment ça marchera sur les gogols qui n'avaient rien compris avec leurs "euh y en marre que tout arrive au perso principal avec son nom dans le titre" ou "vas-y jamais ça sort du château", mais moi, ça va un peu me faire bizarre de plus avoir un Harry Potter de temps en temps.
5-6/6