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MessagePosté: 12 Mai 2016, 23:54 
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Le dernier gros Cronenberg qu'il me restait à voir puisqu'il n'a jamais été édité en France.
C'est clairement pas majeur dans sa filmographie et on a du mal à situer cette parenthèse assez classique entre les deux monstres expérimentaux que son Le Festin Nu et Crash.
Et pourtant j'ai trouvé ça passionnant, notamment parce que ça déplace ses obsessions de mutation et de contamination vers le politique et le culturel, considérant l'impérialisme et le communisme comme des virus ou des corps étrangers au sein des cultures des différents pays (le film se passe en Chine à l'époque du Viet Nam puis en France en 68). Tout ça pour finalement réussir à réintégrer ce déplacement thématique vers le corps, mais un corps construit par le fantasme et non plus par la chair, comme il le deviendra dans la suite de sa filmographie (la mutation s'opérant vraiment à partir de Faux-Semblants je dirai).
Et c'est une très belle histoire d'amour par la même occasion.

5/6

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VADE RETRO - Une histoire du cinéma d'horreur


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MessagePosté: 30 Mai 2022, 12:20 
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Deux ans après mon dernier Cronenberg, paye ta rétro disjointe...

Pas convaincu par ce film dont je peine à saisir le positionnement.
Cronenberg adopte le point de vue de Gallimart qui tombe amoureux de Mme Song mais ne cherche vraisemblablement pas à cacher au spectateur que la chanteuse d'opéra est en réalité un homme. Par conséquent, je reste pour ma part plutôt en dehors, je n'y crois pas mais ce n'est pas tant parce que je sais que Song est une homme et plutôt parce que je trouve la romance assez mal écrite.

En fait, je trouve que le film devient plus intéressant dès lors que l'on apprend que la véritable mascarade de Song est qu'iel est un.e espion.ne. Mais là aussi, je trouve étrange que cette révélation se fasse au bout d'une heure et pour le spectateur, alors que le protagoniste n'en sait encore rien. Et malheureusement, le film se précipite alors vers sa conclusion.

D'ailleurs, avant même d'apprendre qu'il s'agissait de faits réels, je me disais qu'il aurait mieux fallu se placer exclusivement du point de vue de Song, du début à la fin. Ce qui l'a amené au travestissement, cette transformation au service de la nation, le trouble de l'amour soudain réel et du double mensonge.

Ici, on est constamment en avance sur ce pauvre Gallimard. Alors ok ce n'est pas un "FiLm De ScEnArIo" mais le souci, c'est aussi que le film ne dégage jamais le trouble nécessaire à cette histoire, quel que soit la focalisation choisie.
Et c'est dommage, parce que le potentiel présenté par le récit dans l'angle différent qu'il offrait aux explorations des obsessions chères à l'auteur, sur le rapport au corps et à la métamorphose, est là mais laissé en friche, en surface.

Narrativement, l'inversion des rôles vis-à-vis de l'opéra de Puccini est forte (épilogue final inutile qui l'explicite d'ailleurs) mais l'ensemble reste mal avisé.

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MessagePosté: 30 Mai 2022, 12:39 
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Film Freak a écrit:
D'ailleurs, avant même d'apprendre qu'il s'agissait de faits réels, je me disais qu'il aurait mieux fallu se placer exclusivement du point de vue de Song, du début à la fin. Ce qui l'a amené au travestissement, cette transformation au service de la nation, le trouble de l'amour soudain réel et du double mensonge.

Chez Cronenberg c'est inenvisageable, il ne correspond pas du tout à l'archétype du héros cronenbergien, alors que Gallimard si. Coïncidence j'ai aussi revu le film la semaine dernière (comme d'autres des années 90s dont j'avais plus ou moins de souvenir, et putain j'avais oublié à quel point eXistenZ c'est bien !), j'ai presque été surpris d'apprécier autant. Je ne sais pas si l'épilogue est inutile, mais je l'ai néanmoins trouvé très fort.


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MessagePosté: 30 Mai 2022, 16:36 
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Il faudrait que je le revoie, j'en garde un souvenir plutôt mitigé.

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MessagePosté: 30 Mai 2022, 21:14 
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Citation:
Deux ans après mon dernier Cronenberg, paye ta rétro disjointe...


C'est surtout qu'on a du mal à comprendre pourquoi tu t'infliges ça tant tu n'as pas l'air de tellement adhérer au cinéaste.


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MessagePosté: 30 Mai 2022, 22:37 
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J'adhère pas à ses mauvais films.

Y a deux films que j'adore, deux films que je trouve très bons et au moins 5 films que je trouve bons. Faut être un vendu qui met 5/6 à ses courts étudiants, ses bisseries et Maps to the Stars pour considérer qu'on adhère ?

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MessagePosté: 31 Mai 2022, 08:07 
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Maps to the stars, personne n’adhère il me semble.

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MessagePosté: 31 Mai 2022, 08:17 
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Si moi j'aime bien. Et mon frère me disait justement ce weekend qu'il adorait le film :o


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MessagePosté: 31 Mai 2022, 08:26 
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Billy Budd a écrit:
Maps to the stars, personne n’adhère il me semble.

Au contraire, les avis positifs sont même largement majoritaires http://tops.plan-sequence.com/filmdetai ... lmid=20574

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MessagePosté: 31 Mai 2022, 09:01 
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J'avais beaucoup aimé, à Cannes, pas revu depuis et peu de souvenirs.... 5/6 ça me parait excessif alors.


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MessagePosté: 31 Mai 2022, 10:25 
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Film Freak a écrit:
Billy Budd a écrit:
Maps to the stars, personne n’adhère il me semble.

Au contraire, les avis positifs sont même largement majoritaires http://tops.plan-sequence.com/filmdetai ... lmid=20574


Moi qui pensais être un vendu.

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MessagePosté: 31 Mai 2022, 10:26 
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Tu mets 4/6 à Cosmopolis donc oui.

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MessagePosté: 31 Mai 2022, 10:33 
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Film Freak a écrit:
Tu mets 4/6 à Cosmopolis donc oui.


C’est un de mes livres préférés.

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MessagePosté: 22 Oct 2024, 12:54 
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Film Freak a écrit:
Pour le coup, j'ai un peu la même impression que sur M. Butterfly : j'aurais trouvé plus efficace un récit qui se concentre sur le trouble identitaire de l'agent double et ne joue par sur une révélation (ici très) tardive.
Ton texte sur "Eastern promises" m'a donné envie de revoir celui-ci.
Film Freak a écrit:
D'ailleurs, avant même d'apprendre qu'il s'agissait de faits réels, je me disais qu'il aurait mieux fallu se placer exclusivement du point de vue de Song, du début à la fin. Ce qui l'a amené au travestissement, cette transformation au service de la nation, le trouble de l'amour soudain réel et du double mensonge.
Ca n’aurait pas été assez cronenbergien je pense. Song Liling devient espionne parce qu’elle est y est forcée, pour sauver sa peau. Cronenberg s’intéresse surtout aux personnages qui deviennent espions à leur insu, qui ne savent même pas qu’ils sont des agents. Son sujet le plus général, c’est celui de l’homme manipulé par des visions, à la fois personnelles et politiques, au sens où elles relèvent de complexes privés, intimes, tout en étant instrumentalisées par des agences gouvernementales, au sein de vastes complots politico-scientifiques. Son personnage-type, c’est le gars quelconque travaillé par son Œdipe/Roi, les deux à la fois.

Gallimard, c’est vraiment son profil-type : un simple expert-comptable, compétent jusqu’à l’ennui. Hyper pointilleux dans son domaine – il débusque la moindre malversation dans les registres de comptes – mais sur lui-même, radicalement aveugle. Ce ne serait pas le premier, depuis Œdipe, à être à la fois le plus intelligent quand il s’agit de résoudre des énigmes, et totalement nul quand il faut voir clair en soi-même.

Et qui est-il, ce brave Gallimard ? Un peu comme Max Renn qui croyait que ses snuff movies venaient de Malaisie, Gallimard fantasme l’Asie comme un lieu de tortures délicieuses. C’est pas pour rien un fonctionnaire d’ambassade de la France des années 60, dont il est dit, dans le dialogue, qu’elle fera tout pour maintenir son empire après avoir perdu l’Indochine. Son imaginaire fantasmatique est celui d’un colon à la tête farcie de clichés sexistes et racistes sur les Asiatiques qui admirent la force et aiment se sacrifier par amour pour le bel Occidental venu les conquérir. Ce qui est le plus intime (son imaginaire érotique) est aussi ce qui est le plus convenu, le plus travaillé par des stéréotypes politiques.

Le film baigne tout entier dans cet imaginaire exotique sur l’Extrême Orient qui travaille l’inconscient de Gallimard. Il faut bien dire que le film produit alors un certain malaise parce qu’il joue simultanément sur le spectacle et la critique du spectacle. Le film a toutes les apparences d’une production de prestige, celles d’une passion romantique insérée dans une grande fresque historique, tout en étant une critique de l’imaginaire exotique que véhicule ce type de films. On se retrouve donc avec des scènes d’amour hyper étranges, où le film semble jouer sans ironie les violons de la grande passion, avec tout le chic de décors, de costumes et de musique d’une production internationale, tout en étant une déconstruction de ces clichés. Je pense à des scènes comme celle où Song Liling séduit Gallimard avec le cérémonial du thé. Y a tout : le jeu de séduction romantique, le luxe des décors, des costumes, de la lumière, les violons d’Howard Shore qui nous feraient croire qu’on est dans la grande scène d’amour du dernier film à Oscars – et tout ça, en même temps, est vu 1) comme une comédie au n-ième degré (puisque Gallimard aime une femme fictive, jouée par une actrice, jouée par un homme) 2) comme une manipulation pour tromper Gallimard 2) comme un épouvantable cliché sur l’Orient. C’est un film brechtien en fait, si on veut bien prendre le mot dans son sens le plus courant : une distance introduite au sein du spectacle pour montrer comment le spectacle lui-même est fabriqué.

Comment expliquer que Gallimard se laisse tromper par ces clichés, alors que dès sa première rencontre avec Song Liling, celle-ci les déconstruit comme tels, en lui signalant que sa fascination pour Mme Butterfly repose sur des clichés racistes ? Ce n’est pas là-dessus qu’il faudrait lui ouvrir les yeux mais plutôt sur ce que cet imaginaire exotique lui sert à dissimuler : son angoisse devant le corps nu, non fantasmé. C’est du body horror au sens où c’est le corps nu, sans images et sans clichés, qui suscite ici un sentiment d’horreur. Tout le film le suggère évidemment, à travers cette passion pour une femme qui n’existe pas, qui n’a pas de corps sous ses vêtements. Mais trois scènes l’expriment frontalement : l’avant-dernière dans la voiture-cellule, vraiment très belle, quand Song se déshabille devant lui (quand il dit : "Je suis un homme qui a aimé une femme créée par un homme", on éprouve la même émotion tragique de la perte que quand Brundlefly disait qu’il n’est plus qu’un insecte qui rêve qu’il a été un homme). Celle avec Frau Baden, la femme rencontrée à l’ambassade, qui se met toute nue sans préambule, sans qu’il ait eu le temps de la rêver, et à qui il dit: "You look exactly as I imagined you would under your clothes" (difficile d’imaginer réplique plus ambiguë). Et puis la toute première au lit, avec sa femme, totalement désérotisée avec son gros rhume et son nez qui coule, et qui ne commence à éveiller son désir que lorsqu’elle se met à mimer de manière grotesque une chanteuse d’opéra chinois.

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Superbe mise en scène à ce moment-là, en 3 plans, avec le regard-caméra, le magazine féminin utilisé comme éventail, le miroir. Le dernier plan est une parfaite condensation du film : le corps doit se dissimuler derrière des clichés de magazine pour devenir un objet de désir ; pris dans le jeu de miroirs de ces images, le personnage est à la fois spectateur et acteur, lui-même et un autre, Gallimard et Mme Butterfly.

Film Freak a écrit:
En fait, je trouve que le film devient plus intéressant dès lors que l'on apprend que la véritable mascarade de Song est qu'iel est un.e espion.ne. Mais là aussi, je trouve étrange que cette révélation se fasse au bout d'une heure et pour le spectateur, alors que le protagoniste n'en sait encore rien. Et malheureusement, le film se précipite alors vers sa conclusion
Comme dans "Vertigo" en fait, avec lequel le film a plus d’un rapport. Même l'épilogue, tragique et grotesque, peut se voir comme une variation sur le dénouement du "Locataire", autre film du Vertigo-verse, pour reprendre l'expression de Déjà-Vu.

Film Freak a écrit:
Deux ans après mon dernier Cronenberg, paye ta rétro disjointe...
Une rétrospective étalée sur plus de 4 ans est-elle encore une rétrospective? Je demande l'avis d'un expert.


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MessagePosté: 22 Oct 2024, 13:00 
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latique a écrit:
Film Freak a écrit:
Deux ans après mon dernier Cronenberg, paye ta rétro disjointe...
Une rétrospective étalée sur plus de 4 ans est-elle encore une rétrospective? Je demande l'avis d'un expert.

Oui.

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