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MessagePosté: 24 Mai 2020, 23:54 
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Rome, la nuit. Une femme, plutôt élégante, tire sur son amant, et fuit à pied dans le quartier de la Via Cavour. Elle se souvient. Quelques années plus tôt, Liana, obtenait un diplôme d'architecte, fière et consciente d'effectuer une démarche encore rare pour une femme à cette époque. Elle doit alors épouser son ami d'enfance, ingénieur en génie civil, un homme sans beaucoup de relief. Ses amitiés l'inclinent vers un milieu plus artistique et intellectuel. Elle y rencontre Gerrardo, un chef d'orchestre reconnu, affectant une sorte de dandysme hédoniste qui lui plait
alors que -ou parce que- c'est marqué sur sa tronche que c'est un gros fils de pute
.


Image

C'est donc le film que Luc Moullet spoile allègrement dans (l'assez anecdotique) les Sièges de l'Alcazar (quoique pas tant que cela, car la structure du film est en flashback). Alors plus important qu'Antonioni ? Je ne dirais pas (quoique c'est très proche de Femmes entre Elles, qui lui est postérieur) : c'est moins singulier,; à la fois plus bavard et moins théorique. Mais c'est vraiment pas mal (et en effet plus féministe qu'Antonioni), et a plutôt bien vieilli. C'est une sorte de mélodrame quasi-fassbinderien (disons aussi sirkien), à ceci près que la description de la lutte à mort (mais partiellement victorieuse) d'un sujet contre l'aliénation est déplacée des "marges" de la société (ou plus exactement de ce qui est un univers d'outsiders chez Fassbinder, qui a besoin de se transfigurer d'abord dans l'imaginaire pour s'opposer ensuite au monde) vers le cœur de la bourgeoisie, sur un mode réaliste et brut, ce qui est d'autant plus troublant. Le film a aussi une dose d'humour bienvenue qui réhausse l'intrigue. Celle-ci est malheureusement des plus conventionnelles, mais le portrait de femme est extrêmement fouillé, les personnages existent vraiment. Gino Cervi, le Peppone de Don Camillo, est excellent dans un rôle dramatique (qui fait pas mal penser à Desailly dans la Peau Douce). Cela fait aussi penser beaucoup (en mieux, plus direct, tout aussi spirituel mais moins cynique) à certains Chabrol des années 90 avec Huppert.
Et en effet la caméra est étonnament mobile pour l'époque (beaucoup de plans à la grue voire à la dolly, dans un univers apparemment intimiste , qui dynamisent le film a bon escient. En effet l'espèce de zoom avant/zoom arrière sur le visage de Françoise Christophe (l'aspect implusif du meurtre créant à lui seul le hors-champ) à la fin est génial.
Belle découverte.
On voit aussi sur Wikipédia que Cottafavi a tourné 4 films en 1954 ce qui explique peut-être que son nom soit à la fois connu et oublié.

Les premiers rôles, français et pas très connus (Françoise Christophe et Pierre Cressoy) sont très bons. Cottafavi retourne astucieusement la contrainte de la co-production franco-italienne en intégrant un passage très vivant à Paris (où Françoise Christophe est redoublée par une italienne qui reparle français très correctement, mais avec un accent italien...) et quelques piques bien senties sur la mode existentialiste (et son symétrique : les Hussards, incarné par le compositeur raté qui pose à l'Ubermensch suicidaire), pointant sans y toucher une belle ambiguïté : une attitude permettant intialement la liberté et un esprit politiquement critique devient une aliénation et un conformisme lorsqu'elle se veut trop exclusivement une démarche culturelle - appelant sur elle la reconnaissance plutôt que l'action, sans que le seuil ne soit facilement discernable. Il faut alors une forme de répétition où l'idéal de départ apparaît sous une forme dégradée pour rompre avec ce conformisme : dans cette prise de conscience, le tragique n'existe plus que dans le regard des autres . Regard des autres qui n'est pas celui de la caméra. Disons que le point de vue de la caméra est celui de la logique de sens, solitaire là où elle a réussi à déjouer les identités trop évidentes.. Par exemple le film montre discrètement mais finement un complexe d'Oedipe mal réglé, mais pour le coup complètement incestueux et régressif (le meurtre est alors une conséquence logique du fait qu'un premier tabou a sauté sans que personne ne le remarque vraiment, ce que l'abruti d'amant ne pouvait pas comprendre
alors que le désir des deux femmes d'échapper au père à tout prix explique aussi pourquoi la petite sœur se rue dans ses bras, mais le mec est trop omnibulé par lui-même et convaincu d'être un Don Juan magnétique et faustien pour entrevoir une seule seconde le danger qui fonce sur lui en même tmps que l'explication réelle de la situation érotique, c'est bien ficelé. Freud 1- Nietzsche 0
), allant du père en apparence sévère et rangé vers la fille, là où l'on s'attendrait à l'inverse
cela inverse tout à coup le sens du film car c'est la mère en apparence protectrice qui empêchait Liana d'être ce qu'elle voulait. Par ailleurs l'actrice qui joue la mère n'avait que 12 ans de plus que Françoise Christophe, mais ça renforce le film
).

Sinon cela risque de bugger dans la tête de Carstop s'il tombe un jour dessus : c'est très anti-bourgeois, mais pas ouvertement politique.

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Erving Goffman


Dernière édition par Vieux-Gontrand le 25 Mai 2020, 17:31, édité 4 fois.

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MessagePosté: 25 Mai 2020, 08:35 
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Je sais pas ce que tu racontes, et je m'en fous, mais Cottafavi, il a un prénom.

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MessagePosté: 25 Mai 2020, 08:38 
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Ça ne se prononce pas comme cela.

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Erving Goffman


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MessagePosté: 25 Mai 2020, 09:01 
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Sir Flashball
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Je sais toujours pas ce que tu racontes, et je m'en fous toujours, mais comme tu n'as pas édité ton titre, ça doit être une connerie.

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MessagePosté: 25 Mai 2020, 09:21 
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C'est une allusion au running-gag des Sièges de l'Alcazar (sympa mais sans plus, longs plans séquences avec beaucoup de Sabine Haudepin) de Moullet (que l'on trouve sur YT, comme le Cottafavi), où l'on voit les scènes-clés (assez attirantes, en apparence naturalistes et psychologisantes, mais avec une atmosphère à la fois aride et bizarrement onirique). Le prénom du réalisateur n'est jamais donné dans le film . Cottafavi d'ailleurs cinéaste emblématique du mouvement macmahonien, ce que l'on comprend dans le film où il y a une thématique -présente sans être centrale- un peu nietszchéenne et un discours sur le statut d'artiste comme surplomb de la politique, même si Cottafavi critique plutôt cette mythologie, mais avec une ambiguïté intéressante.
Du fait du mélange de sécheresse et d'humour, cela a beaucoup mieux vieilli que des trucs plus récents comme le Professeur de Zurlini, qui navigue dans les mêmes eaux, mais avec quelque-chose de plus kitsch et racoleur.

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