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MessagePosté: 05 Mai 2023, 22:35 
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Une femme disparaît. Deux hommes partent à sa recherche aux alentours de la ville de Trenque Lauquen. Ils l’aiment tous les deux et chacun a ses propres soupçons quant aux raisons de cette disparition. Les circonstances vont cependant se révéler plus étranges que prévues.

En deux parties et douze chapitres, « Trenque Lauquen » croise les récits de ses différents personnages et cartographie une ville. De la découverte d’une ancienne correspondance amoureuse dans une bibliothèque à de mystérieuses apparitions près d’un lac, la pampa n’a pas encore révélé tous ses secrets…


Très échaudé par mon expérience La Flor, et quoi que les retours de la presse soit une nouvelle fois extatique pour ce nouveau film estampillé El Pampero, j'y allais avec une appréhension certaine. Et si le film met un petit peu de temps à se mettre en place (d'un autre côté il a le temps pour lui avec une durée excédant les 4 heures), je me suis rapidement pris au jeu et je n'ai pas eu le sentiment de rejet quasi physique que j'avais eu avec le Llinas. De ce dernier j'en garde le souvenir (pour ce que j'ai vu donc) d'une série Z ultra cheap suivi d'un mélo télénovelesque lourdingue, j'en avais conclu (peut-être à tort) que le but était uniquement de transcender les formes les moins nobles de la culture populaire (et de transcendance je n'avais rien vu).

Chez Citarella l'entreprise m'a semblé tout autre, à savoir rattacher son film à tout un pan de la littérature sud-américaine, faite de spectres, de légendes et autres fabulations. On pense à Bolaño, Rulfo ou bien évidemment Borges (pas étonnant que l'Hacienda soit nommé Martin Fierro). Et loin d'être écrasé par ces lourdes références, Trenque Lauquen s'inscrit parfaitement dans leur lignée, dans un film d'une puissance fictionnelle peu commune. Tout le film est ainsi construit pour et autour de la fiction, de sa création à sa transmission. Le film commence donc un peu mollement, avec deux hommes dont on ne sait ni ce qu'ils font là, ni qui ils sont, perdu au milieu de la pampa, à la recherche semble-t-il d'une femme qui aurait disparu. De ce point de départ, Citarella va dérouler un savant enchâssement d'histoires, de retours en arrière et autres chassés croisés, jusqu'à ce que l'on perde parfois un peu pied et que l'on ne sache plus tout à fait qu'elle histoire on est en train de nous conter (ce qui est surtout le cas dans sa 2ème partie). Des échanges épistolaires entre une institutrice et son amant italien, soigneusement dissimulés dans les livres de la bibliothèques (on revit alors des plaisirs enfantins de découvertes de trésors cachés), des studios radios où l'on retrace la légende de Lady Godiva ou laisse un message testamentaire, qu'il s'agisse encore de l'improbable histoire d'un enfant-alligator échoué dans le lac, on est submergé pendant 4 heures de cette matière fictionnelle imposante et intarissable, jusqu'à vouloir se laisser emporter totalement et disparaître dedans.


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MessagePosté: 26 Mai 2023, 21:20 
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Inscription: 20 Fév 2008, 19:19
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J'ai du mal à comprendre pourquoi Le Monde, Critikat et même Lohmann parlent de puissance fictionnelle: de fiction il n'y a ici que des histoires relativement plates et molles. Certes, le collectif argentin se met dans les pas de Twin Peaks pour épaissir la sauce d'un mystère, mais celui-ci est en réalité peu excitant.

L'intrigue à tiroirs réserve quelques beautés, notamment quand il décrit la topographie de la ville et ses alentours. Il y a indéniablement de la fraîcheur et du talent qui transparaissent à l'écran (et dans les enceintes, bonne BO). Mais à la fin des 4H30 (!!!), je n'ai pu réprimer un bon gros "tout ça pour ça?". Il n'y a rien de spécialement original dans l'enchâssement des récits, mais surtout individuellement aucun d'entre eux n'est d'un grand intérêt. Pire, certains sont juste grotesques à vouloir user d'un réalisme magique frelaté, absurde.

Et puis je dois aussi avouer que j'ai tout simplement eu beaucoup de mal avec les acteurs et leurs personnages: du Lionel Messi enrobé et apathique à l'héroïne censée être attirante par son côté fofolle éprise d'aventure, en passant par la lesbienne sévère et tyrannique, tous me paraissent à des degrés différents antipathiques. Mais le film nous les vend comme fantaisistes, drôles, intrigants!

Bref, je peux comprendre qu'on trouve ça bien, mais que les deux titres de presse susmentionnés crient au chef d'oeuvre incontestable m'hallucine: c'est un film qui ne peut que diviser, et j'imagine le nombre de déçus, comme moi, qu'ils auront faits.


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MessagePosté: 26 Mai 2023, 22:16 
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Baptiste a écrit:
J'ai du mal à comprendre pourquoi Le Monde, Critikat et même Lohmann parlent de puissance fictionnelle: de fiction il n'y a ici que des histoires relativement plates et molles.

La puissance fictionnelle, ça n'a pas à voir avec le contenu de l'histoire racontée qui serait particulièrement singulière, retorse ou d'une quelconque complexité, mais uniquement avec le processus même de raconter des histoires, de se laisser transporter par elle, quand bien même elles peuvent sembler grotesque ou plate. Encore faut-il s'être laissé emporté par le mouvement, et à la lecture de ton avis les 4h30 ont du te paraître bien longue. J'ai eu la même mésaventure avec La Flore (pour ce que j'en ai vu, 3 heures tout de même). Et sinon oui je confirme que c'est un film que j'ai trouvé très particulier et pour cela précieux, je n'en vois pas beaucoup d'équivalent... d'une certaine manière Les Mystères de Lisbonne serait probablement ce qui s'en rapproche le plus (ainsi que d'autres œuvres moins connu de Ruiz comme La Recta Provincia). D'un autre réalisateur sud américain évidemment.


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MessagePosté: 27 Mai 2023, 10:18 
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Oui mais pour le coup Les Mystères de Lisbonne j'ai adoré. Bon déjà parce que la mise en scène me semble bien plus passionnante. Mais aussi parce que les mystères en question me semblent plus féconds... Là, je trouve que la finalité se résume un peu trop à explorer la seule psychologie de Laura (et d'amener
à son errance finale, d'ailleurs le plan final il me semble l'avoir vu ailleurs, mais impossible de me rappeler où: cette disparition le temps que la caméra panote d'un côté puis de l'autre).


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MessagePosté: 04 Nov 2024, 10:14 
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Enfin commencé hier soir (il est sur Mubi) et vu une heure avant de m'endormir... Exactement le même sentiment qu'avec La Flor, formellement sans intérêt et récit mollasson pour l'instant très peu emballant. Beaucoup de mal avec le personnage masculin espèce de Droopy apathique. Pas sûr d'aller au bout.

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MessagePosté: 04 Nov 2024, 11:43 
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Merci de confirmer mon intuition, je ne m’inflige plus ces films encensés mais formellement ineptes, sauf Pacifiction bien sûr.


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MessagePosté: 04 Nov 2024, 13:09 
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Art Core a écrit:
Enfin commencé hier soir (il est sur Mubi) et vu une heure avant de m'endormir... Exactement le même sentiment qu'avec La Flor, formellement sans intérêt et récit mollasson pour l'instant très peu emballant. Beaucoup de mal avec le personnage masculin espèce de Droopy apathique. Pas sûr d'aller au bout.


Oui le perso masculin est horripilant. Et j'ai pas vu grand chose de notable sur la forme non plus... Avec le recul je me demande pourquoi je me suis infligé la deuxième partie. Le dernier quart d'heure de la première partie sans doute, il m'avait plu, quand on se décentre enfin de l'héroïne et son Droopy et qu'on se balade dans la ville...


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MessagePosté: 04 Nov 2024, 13:16 
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Les 4h20 du film avaient été une véritable épreuve mais je suis content de l'avoir vu et je donne entièrement raison à Lohmann:
Lohmann a écrit:
Tout le film est ainsi construit pour et autour de la fiction... Citarella va dérouler un savant enchâssement d'histoires, de retours en arrière et autres chassés croisés... La puissance fictionnelle, ça n'a pas à voir avec le contenu de l'histoire racontée qui serait particulièrement singulière, retorse ou d'une quelconque complexité, mais uniquement avec le processus même de raconter des histoires, de se laisser transporter par elle, quand bien même elles peuvent sembler grotesque ou plate

Art Core - Déjà-vu - Baptiste a écrit:
...formellement sans intérêt et récit mollasson pour l'instant très peu emballant
...je ne m’inflige plus ces films encensés mais formellement ineptes
...Et j'ai pas vu grand chose de notable sur la forme non plus...
Vous ne considérez pas le montage du récit comme une qualité formelle?


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MessagePosté: 08 Nov 2024, 10:32 
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Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Je l'ai terminé hier soir et je suis mitigé. J'ai pris du plaisir à le voir comme une bonne série (et je l'ai un peu regardé comme ça d'ailleurs par tranche de 1h) mais j'ai un peu du mal à comprendre l'enthousiasme général. Si en effet ce film sur "les pouvoirs de la fiction" (comme le dit chaque critique ou presque) nous emporte dans un tourbillon narratif plutôt ludique et souvent surprenant, je ne trouve pas que le film parvienne totalement à rester envoûtant pendant 4h30. D'une part parce que le rythme est quand même exagérément lent, beaucoup de plans interminables, de scènes incompréhensiblement rallongées, il me semble que le propos du film et son aspect poupées russes (ou plutôt récits en quinconces) aurait sans doute mieux fonctionner (pour moi en tout cas) si le film avait été plus rythmé. D'autre part parce que j'ai été assez déçu de l'écriture finalement, je m'attendais à ce que les récits soient plus entremêlés et plus liés les uns aux autres. Là ils se succèdent un peu mollement, surtout les deux principaux (les lettres et ensuite l'enfant alligator).
Ceci étant dit, je suis vraiment content de l'avoir vu, je suis admiratif de ce nouveau cinéma argentin totalement libre et qui puise dans la fiction la sève pour parler des hommes et du monde. Je n'ai vu qu'1h30 de la La Flor donc je ne suis pas pertinent pour en parler mais je retrouve ça dans Los Delicuentes. L'envie de se raconter des histoires pour mieux appréhender le réel. Et ce dans une forme humble et toujours animé par l'excitation du récit, de ses courbures et de ses surprises. J'aime beaucoup ici l'errance finale de Laura (même si là encore j'ai trouvé ça très lent), comme deconnectée, épuisée, vidée par la fin de la fiction, rendue à l'impossibilité d'exister sans elle alors que paradoxalement le film change alors de format et passe au Cinémascope. Une idée un peu théorique mais très forte qui mène à ce dernier plan très beau. C'est aussi un film sur un territoire avec quelque chose de presque topographique dans sa construction. Je connais mal la littérature sud américaine mais en effet comment ne pas penser à Borgès ? Mais là encore sans aucune prétention avec un côté doux et généreux.

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