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MessagePosté: 28 Nov 2021, 16:20 
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Dans un immeuble cossu de Rome, quatre familles sont confrontées à trois crises, dont les effets au long des années vont entraîner de grands changements pour elles.
Le grand fils d'un couple de juge, ostracisé par le père, a un accident de voiture nocturne au cours duquel, en état d'ivresse, il tue une passante et démolit la façade des voisins du dessous.
Ceux-ci confient leur petite fille, Francesca, à leurs vieux voisins de palier. Un malentendu, et sans doute pas mal de refoulement, vont amener le père à accuser le vieil homme malade de pédophilie, avant d'être pris à son propre jeu et de se mettre dans une situation où l'accusation lui est retournée, par vengeance.
Au troisième étage, une jeune femme délaissée par son mari plus âgé, souvent en mission, doit accoucher seule et est angoissée par la conjonction du stress de la maternité avec une prédisposition familiale à la schizophrénie


J'ouvre donc le topic. Le film n'est pas déshonorant et même riche mais pâtit à mon sens d'un trop grand respect des conventions du mélodrame. Les personnages, tous signifiants socialement, sont quand-même particulièrement schématiques et unidimensionnels. On est dans un territoire bien balisé, qui évoque aussi bien Farhadi (ses pièges psychologiques et le jugement des personnages qui devient un facteur de distanciation à la Brecht, donné dès le debut) voire les films choraux de Bacri-Jaoui. Sirk est aussi présent, dans l'histoire de rejet filial où il se met en scène, où la blessure du père devient le rejet aveugle du fils, et une la cause d'une inadaptation produite de celui-ci.

La morale du film est assez forte : une société ne peut exister sans un minimum de confiance voire d'abandon envers l'autre, qui est un risque. Moretti observe aussi, à mon sens avec pertinence, une evolution sociale où la judiciarisation croissantes des rapports sociaux va de pair avec une forme de repli sur soi voire de racisme. On rejette bien-sûr ce par quoi l'autre nous ressemble, mais cette ressemblances déniée est de moins en moins pensée en terme d'identité et de plus en plus en terme de déterminisme social (je pense à la scène de l'attaque des réfugiés par un groupe fasciste, tristement proche des plans chorégraphiques de foules en lutte des précédents Moretti mais surtout
au fait que Lucio est indifférent au fait que Charlotte est complètement manipulée par sa famille, avec lui, dans l'histoire de l'appel
.
On remarque aussi que pour Moretti l'autre par excellence est le fils (mais pas la fille bizarrement) plus encore que l'étranger.

Le film est thématiquement intéressant lorsqu'il est rapporté au reste de l'œuvre de Moretti, qu'il prolonge mais sur un mode pessimiste. La foule de la Casa Pound qui attaque le centre social des réfugiés est tristement équivalente aux plans chorégraphiques de foule qui sont souvent l'enjeu des films dans le films de ses précédents, mais politiquement inversés. La dynamique de l'accident de voiture du début est la même que celle du débit de Palombello Rossa (et de l'accident volontaire et protecteur de Mia Madre) mais le fils s'est substitué au père. Le glissement se prolonge : l'accident ne produit pas l'amnésie mais la mort d'une innocente et une lente prise de conscience (sans reconnaissance, c'est tout l'enjeu du film) du fils.

De la même façon, je pense qu'il y a une relation très forte entre la manière dont Moretti met en scène sa propre mort par l'ellipse et la syncope de Margareta Buy lors de la scène de l'attaque fasciste, qui est comme un message testamentaire adressé au spectateur. D'une part tous les enjeux sociaux et idéologiques sont introjectés et metaphorisés par les personnage (voire l'immeuble) sauf la seule question des réfugiés qui reste illustrée directement (et assumées par des gens extérieurs à l'immeuble, qui ont une histoire qu'ils cherchent à raconter, mais est recouverte par l'écheveau familial qu'ils essaient en plus de compenser, la justice est entièrement bénévole). De plus, dans cette scène, les fascistes sont dans le dos de la mère, tous deux face au spectateur. L'évanouissement nous dit peut-être que ni Moretti ni la fiction ne peuvent plus s'interposer entre eux et nous.

Il y a cependant un aspect du film qui m'a semblé pas très aimable, c'est qu'il piège tous ses personnages. Tous sont conscients d'une prédisposition personnelle à fauter ou à fléchir, que le scénario va accuser de manière très mécanique. Ils se prennent une leçon, légitimement. Mais elle est si appuyée et mécanique que ce qui concerne l'acceptation de soi finit par entrer en concurrence avec le pardon de l'autre. Le "à chacun ses raisons" renoirien devient une équivalence morale entre faute et impuissance (même au plan sexuel) qui encadre de l'extérieur tout l'espace visible du film et semble le reliquat du pli politiquement plus combatif des films passés.

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MessagePosté: 28 Nov 2021, 19:40 
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Vieux-Gontrand a écrit:
J'ouvre donc le topic. Le film n'est pas déshonorant et même riche mais pâtit à mon sens d'un trop grand respect des conventions du mélodrame.

Pas déshonorant mais il faut s'accrocher, entre ce que tu décris, l'esthétique d'un épisode d'une série France TV et des acteurs globalement très limités (hormis Moretti et Bui forcément), le film rame beaucoup pendant plus d'une heure. Heureusement que la dernière demie-heure est très belle.


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MessagePosté: 28 Nov 2021, 19:58 
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Ha, j'ai remarqué que dans les Cahiers Moretti ralait sur les acteurs italiens, mais cela me semble injuste, je les trouvé plutôt bons, les cinq jeunes filles assurent en particulier, à moins qu'il n"y ait un soucis au niveau de leur diction qu'on perçoit si on parle italien ?

Au passage beaucoup d'âneries écrites sur et autour du film dans la revue, entre le concept de "film juif" (i.e la romancière adaptée est israélienne), et symétriquement l'idée que le cinéma italien est incapable de représenter la loi (merci pour Francesco Rosi, Lattuada, le César des Taviani, Bellochio et Moretti qui a lui-même fait un film de procès sur Berlusconi. Cela revient à dire que le probleme de la mafia en Italie est liée à un manque d'esprit civique commun à tous les citoyens, ce qui est mensonger en plus d'être dangereusement réducteur, pour ne relever que de cet aspect de l'article), la critique qui invente une partie hitchcockienne au film en racontant que la femme tuée viebt de l' immeuble en face (alors que le veuf utilise une petite Citroën C1), c'est un vrai festival.

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Dernière édition par Vieux-Gontrand le 28 Nov 2021, 20:22, édité 2 fois.

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MessagePosté: 28 Nov 2021, 20:01 
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Vieux-Gontrand a écrit:
Ha, j'ai remarqué que dans les Cahiers Moretti ralait sur les acteurs italiens, mais cela me semble injuste, je les trouvé plutôt bons, les cinq jeunes filles assurent en particulier, à moins qu'il y ait un soucis au niveau de leur diction qu'on perçoit si on parle italien ?

Non les jeunes filles ça va (j'ai oublié de citer Alba Rohrwacher dans les évidences), c'est plutôt les mecs qui m'ont fait tiquer. Je trouve l'acteur qui joue le fils de Moretti pas très bon, et le père de la petite fille (Riccardo Scamarcio) très très mauvais.


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MessagePosté: 28 Nov 2021, 20:05 
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Oui un peu mais leur deux personnages sont aussi particulièrement chargés par le scénario du film, et pas faciles à défendre (alors que les acteurs ne doivent justement faire que les défendre en permanence)

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Dernière édition par Vieux-Gontrand le 28 Nov 2021, 20:19, édité 2 fois.

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MessagePosté: 28 Nov 2021, 20:06 
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Vieux-Gontrand a écrit:
Oui un peu mais leur deux personnages sont aussi particulièrement chargés par le scénario du film, et pas facile à défendre (alors que les acteurs ne doivent justement faire que les défendre)

Oui, ils ont deux rôles particulièrement ingrats et pas très bien écrits


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MessagePosté: 28 Nov 2021, 20:39 
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Antichrist
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ce fut ma plus grosse déception de cette année, le premier Nanni Moretti que je n'aime vraiment pas. J'aime pas les films choraux, je trouve l'arc sur Alba Rohrwacher particulièrement hors sujet et j'ai un souci disons moral avec l'histoire du quadra qui se tape l'ado.


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MessagePosté: 28 Nov 2021, 20:57 
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Sur la schizophrénie j'ai trouvé le film beaucoup plus juste, même avec le coup du courbeau, que les Intranquilles. Cette partie n'est pas non plus rapportée, son mari a la même psychologie que Moretti, mais assume un peu mieux la frustration. D'un certain coté, même malade, elle se montre plus forte que le personnage de Marghareta Buy, car elle parvient à influencer son mari et à mentionner franchement les problèmes de son couple.
Quant à l'autre scène, il ne se la "tape" pas vraiment (il va clairement vers elle pour atteindre les grands-parents,c'est un autre problème. Il l'instrumentalise mais il ne la domine pas, et s'expose à un jeu de séduction en retour) et il n'y a pas de banalisation. Le personnage de Charlotte s'explique et mûrit aussi. Le personnage de Lucio a certes un sacré point aveugle
on peut penser qu'il projette et cherche tout à la fois à canaliser un désir incestueux envers sa propre fille en attaquant et persécutant le vieillard, et que c'est là son vrai problème
mais le cinéma peut représenter cela.

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Dernière édition par Vieux-Gontrand le 29 Nov 2021, 07:23, édité 4 fois.

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MessagePosté: 28 Nov 2021, 21:05 
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Karloff a écrit:
ce fut ma plus grosse déception de cette année, le premier Nanni Moretti que je n'aime vraiment pas. J'aime pas les films choraux, je trouve l'arc sur Alba Rohrwacher particulièrement hors sujet et j'ai un souci disons moral avec l'histoire du quadra qui se tape l'ado.

Tu aurais du mal à revoir Noce blanche.


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MessagePosté: 29 Nov 2021, 07:40 
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Le film n'est pas si vain que cela s'il arrive à décrire une société où il faut mieux étrangler son voisin malade sur son lit d'hôpital que de se taper une fille de 17 ans.

Quelque-part cela signifie aussi que la réaction morale est beaucoup moins faible envers ce qui est faut au grand jour et qu'il est plus facile de l'oublier.

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MessagePosté: 30 Nov 2021, 23:05 
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Globalement j'ai trouvé ça pas mal, même si assez inégal. Il y a quelques défauts gênants comme certains personnages un peu trop chargés (Lucio), toute l'histoire du fils qui est faible mais le film a aussi ses qualités. Il y a ici et là de très belles scènes à picorer, dont la scène d'ouverture que j'ai beaucoup aimé, et la sensibilité de Moretti dans sa mise en scène élégante, même si classique, qui fonctionne. C'est clairement un Moretti mineur, la comparaison avec La chambre du fils ou Mia Madre fait mal, mais je mentirais si je disais que j'ai passé un mauvais moment.

3-4/6


Dernière édition par Abyssin le 30 Nov 2021, 23:08, édité 1 fois.

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MessagePosté: 30 Nov 2021, 23:06 
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Vieux-Gontrand a écrit:
Le film n'est pas si vain que cela s'il arrive à décrire une société où il faut mieux étrangler son voisin malade sur son lit d'hôpital que de se taper une fille de 17 ans.

Quelque-part cela signifie aussi que la réaction morale est beaucoup moins faible envers ce qui est faut au grand jour et qu'il est plus facile de l'oublier.
Ta blague à part, j'ai beaucoup de mal à voir ce que Moretti veut faire passer avec ce film. Un peu vain aussi pour moi.

Lohmann a écrit:
Heureusement que la dernière demie-heure est très belle.
Vite fait alors.


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MessagePosté: 30 Nov 2021, 23:39 
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Avec le recul, j'ai tendance à le réévaluer. Le personnage de Lucio est schématique, mais c'est aussi celui auquel le regard du spectateur est le plus identifié. Il s'invente deux scènes traumatiques (dans le parc et à l'école), avec une caméra subjective étonnante, qui fait penser à Borzage. Il y a aussi l'idée que tous les personnages en déplacement le font avec l'idée de réparer quelque-chose (Lucio et la mère). Chez le premier ce souhait vire au délire viriliste, et ce qui donne du sens à la démarche similaire de la mère est uniquement le fait qu'elle est devancée partout où elle passe, par son fils, et qu'elle imite en croyant réparer. C'est assez beau.
Il n'y a que chez la mère schizophrène que les déplacements n'ont pas d'alibi moral, elle ne triche pas : elle a déjà compris l'autre avant de devenir folle, dès lors son errance est sa propre fin.

Le scènes avec Lucio font penser à Caché d'Hanecke, mais le regard de la vidéo qui veut rappeler le refoulé historique devient ici celui d'un puritanisme sexuel détraqué.
parce que quand-même ce que Lucio voit est exactement le contraire de ce qu'il insinue : une fellation. D'où aussi peut-être le départ de sa fille 10 ans plus tard, qui se décide à partir après qu'il lui après qu'il revienne sur l'incident, se trahissant vis-à-vis d'elle


Le film est aussi significatif par le fait que la scène des Sans-Papiers est peu commentée (alors même que l'on entend souvent que le passage avec la mère schizophrène fait pièce rapportée)

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MessagePosté: 01 Déc 2021, 00:03 
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Vieux-Gontrand a écrit:
Avec le recul, j'ai tendance à le réévaluer. Le personnage de Lucio est schématique, mais c'est aussi celui auquel le regard du spectateur est le plus identifié.
Tout n'est pas à jeter dans le personnage de Lucio, il est juste un peu trop chargé. Scamarcio a du courage d'avoir accepté ce rôle ingrat.

Vieux-Gontrand a écrit:
Le film est aussi significatif par le fait que la scène des Sans-Papiers est peu commentée
Oui, cette scène est pas mal.


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