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MessagePosté: 11 Avr 2020, 16:58 
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Lieu: une piscine des années cinquante dans une ville de Sicile. Action: un match de water-polo, sport préféré du réalisateur. Temps: la durée d'un match. A partir de ces trois classiques unités, Moretti règle quelques comptes avec son pays et son époque.

Pierre angulaire du cinéma de Moretti parce qu'après Palombella Rossa il n'y aura plus de Michele Apicella, alter ego de l'acteur-réalisateur, grand enfant qui refuse de grandir et regarde hébété la société italienne évoluer dans une voie à l'opposé de ses idéaux, où vulgarité et égoïsme l'ont emporté. Jusqu'à La Messe est finie Apicella mettait tout en œuvre pour ne pas être confronté à cette réalité, il est d'ailleurs caractéristique que dans tous ses films des années 80 il y ait toujours une scène où il refuse de quitter son lit, comme un enfant qui ne veut pas aller à l'école le jour de la rentrée.

Film de la maturité parce que Palombella Rossa débute par un traumatisme, un accident de voiture qui survient alors qu'il est en train de rendre leurs grimaces à deux gamins dans la voiture qui le précède. Apicella ne voulait pas grandir, cet accident va le précipiter dans l'âge adulte (on lui découvre d'ailleurs une fille, campée par Asia Argento, 14 ans, difficilement reconnaissable) et l'obliger à faire le point sur ses engagements. A partir de là le film se fait très théorique, enchevêtrant réminiscences de son enfance et rencontres autours du bassin avec des personnages incarnant tour à tour le fascisme, le catholicisme ou la camaraderie communiste. Qui en fait tous l'emmerdent, parce que s'il est devenu un joueur de premier plan de water-polo (Moretti lui-même a joué en Serie A) c'était à l'encontre de son désir d'enfant, tout comme son engagement dans le parti communiste n'était dû qu'à la compagnie qu'il espérait y trouver. Néanmoins en sport comme en politique, peu importe les raisons qui l'ont emmené aux sommets il est temps dorénavant d'assumer son statut : tirer le penalty qui permettra a son équipe d'égaliser ou assumer devant les caméras qu'il est temps pour le PCI de se rénover pour espérer retrouver son lustre d'antan.

Même si Palombella rossa semble avant tout le constat d'une accumulation d'échecs, personnel et sociétal, il est pourtant le film de Moretti des années 80 le moins pessimiste, parce qu'il y assume pour la première fois pleinement ses échecs, comme il regrette également pour la première fois certains de ses excès passés, mais aussi parce qu'en devenant adulte il a fait le deuil de certains idéaux, qu'il est devenu plus pragmatique et moins misanthrope, plus humain. Et parce que pour rassembler toute entière la société, il reste un medium pas encore totalement dévoyé, le cinéma (idée que je trouve brillante d'avoir inséré des séquences du Docteur Jivago, pour le parallèle évident qui peut être fait entre la relation de Julie Andrews et Omar Sharif avec celle de Moretti et de l'Italie et de ses utopies, mais aussi parce que c'est la plus belle déclaration d'amour de Moretti au cinéma).

5/6

En 2007 Moretti a monté les rushs de sa dernière année de joueur de water-polo pour son équipe du SS Lazio. Certaines séquences ont été reprises telles quelles dans Palombella Rossa. C'est visible ici (et c'est plutôt sympa) : https://www.sacherfilm.eu/portfolio/lultimo-campionato-2/


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MessagePosté: 12 Avr 2020, 13:28 
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Merci pour ce texte. Je n'ose pas trop le voir en torrent (Moretti a monté sa maison de production précisément pour éviter cela ) mais ai remarqué deux autres choses intéressantes :
-superbe musique de Nicola Piovani (associé aux frères Taviani, la principale filiation artistiqu que Moretti se reconnaît -ils sont eux-aussi très liés au PCI d'ailleurs)
-Asia Argento jouerait dedans ?

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Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
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Dernière édition par Vieux-Gontrand le 12 Avr 2020, 15:12, édité 2 fois.

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MessagePosté: 12 Avr 2020, 13:30 
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Vieux-Gontrand a écrit:
Asia Argento jouerait dedans ?

Oui, je l’ai d’ailleurs mentionné dans mon texte


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MessagePosté: 12 Avr 2020, 13:31 
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Lohmann a écrit:
Vieux-Gontrand a écrit:
Asia Argento jouerait dedans ?

Oui, je l’ai d’ailleurs mentionné dans mon texte


Ah oui désolé. C'est une des gamines en auto du plan du début ?

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Dernière édition par Vieux-Gontrand le 12 Avr 2020, 13:35, édité 1 fois.

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MessagePosté: 12 Avr 2020, 13:32 
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Tiens la scène la plus forte de Ma Mère rappelle d'ailleurs le crash en voiture (qui lui-même rappelle Capricci de Carmelo Bene).

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MessagePosté: 12 Avr 2020, 13:33 
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Vieux-Gontrand a écrit:
Ose pas trop le voir en torrent

Je ne m’explique pas que ce soit la seule fiction de Moretti impossible à voir en VOD (à moins d’avoir l’idée saugrenue de le voir en VF sur MyTF1)


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MessagePosté: 12 Avr 2020, 13:34 
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Sur le site de Sacher il n'est disponible que dans le coffret de 11 DVD (où il y aura sans doute les courts-métrages du début aussi).

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MessagePosté: 12 Avr 2020, 13:36 
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Vieux-Gontrand a écrit:
Lohmann a écrit:
Vieux-Gontrand a écrit:
Asia Argento jouerait dedans ?

Oui, je l’ai d’ailleurs mentionné dans mon texte


Ah oui désolé. C'est une des gamines en auto du plan du début ?

Du tout, elle joue le rôle de sa fille


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MessagePosté: 12 Avr 2020, 13:51 
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Ha ok, j'ai vu que le début. J'ai vu qu'on le trouvait à la médiathèque de Monaco.

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MessagePosté: 12 Avr 2020, 16:10 
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Vu il y a longtemps, plus beaucoup de souvenirs à part que j'avais beaucoup aimé, que le film est très drôle et un des meilleurs Moretti de la première période.


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MessagePosté: 24 Juil 2022, 10:27 
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Sans doute le plus faible des films de Nanni Moretti, même si c'est avec lui qu'apparaissent la forme première de situations-archetypes qui vont irriguer son cinéma ultérieur et (en absorbant la comédie musicale), devenir de plus en plus lisibles et dramatiques (l'accident de voiture et le double deuil anticipé de la mère et de l'enfant -
dans le sens où ici il manque de tuer dans la scène finale, qui résonne avec celle du Fanfaron de Risi - Asia Argento avec lui
- finalement la perte de ce qui fait de nous un sujet, la mère, et de ce qui donne à la loi un objet pour nous, l'enfant - il faut la mort pour atténuer la rigueur de cette distinction).
Ici le rapport au communisme est à la source d'un humour à la Eric et Ramzy (première manière) avant la lettre: cela pourrait presque avoir du sens mais ce qui est drôle est que cela n'en a pas. Le problème du film est celui d'une opposition entre agir et croire (et où se situe alors le cinéma, annulé ?): ainsi la fable expliquée par Raoul Ruiz : seuls les spectateurs se posent la question du sens, le match ou la lutte n'ont de sens que pour eux, l'échec politique tient dans le fait que finalement le décideur ne peut y être intégré, prétend agir pour les autres plutôt que pour lui (et par là on retombe sur une forme de critique nietzchéenne a la fois du socialisme et du catholicisme, politiquement problématique) : mais paradoxalement plus l'autre est désiré et devient l'enjeu d'une cause, plus il est auto-suffisant. Il faudrait mimer la dépendance pour justifier et sauver aussi celui qui porte l'idéologie. Le film fait dans ce versant beaucoup penser à l'Incompris de Comencini: autre personnage qui se suicide car l'autre qu'il prend en charge ne le justifie pas en retour (et l'enfant qui joue Moretti jeune ressemble à l'acteur de Comencini), même structure en boucle où la menace comiquement virtualisée au début devient à la fin concrète et achève brutalement le film. Ce sont aussi deux films où le personnage central va vers le peuple qui lui offre une compréhension, un regard, mais ne met pas en œuvre pour autant une lutte contre l'aliénation : il est une refuge, temporaire. L'idée que le mort est la même pour tous ("tout le monde souffre" dans le délire final de Moretti) rend caduque celle de lutte politique. Il faudrait des fins différentes, selon les classes voir les personnes, dans le double sens du terme, pour que le sens soit sauvé. Le point le plus fort du film est de montrer la langue technocratique (cruellement incarnée par le vieux syndicaliste) non pas comme un levier de pouvoir, mais comme le véhicule d'un faux unanimisme politique, sincère mais absurde : par elle on programme le salut comme un discours. La noirceur du propos déroute. Ici la blessure (l'accident et l'amnésie) est dans la fiction et le complexe oedipien la réalité cachée ou impossible à accepter. Le classicisme des films récents de Moretti inverse d'ailleurs ce rapport d'emboîtement. Le pivot où blessure et complexe interviennent à parts égales , sont pareillement dits, est sans doute le documentaire que Moretti a consacré la même année au même sujet : la Cosa, où le diagnostic de crise politique était à la fois conscient et collectif.

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