Ma chambre froidejusqu'au 27 Mars aux ateliers Berthier
Curieuse carrière que celle de Joël Pommerat qui alterne entre adaptations d'illustres contes pour enfants (le petit chaperon rouge, Pinocchio) et des pièces de création toujours très noires marquées par un visage souvent désemparé sur la société, interpelant souvent par des cas de conscience, des dilemmes.
Ceux qui suivent sa carrière ne seront pas surpris de la disposition circulaire de la salle, la même que celle du théâtre des Bouffes du nord où il officiait avant que Peter Brook ne cède la salle, rappelant les jeux du cirque dans une arène éclairée par un lampion blafard. La principale différence est que jusque-là Pommerat racontait de multiples histoires fragmentées, par bribes et qu'ici il n'en raconte qu'une: Un patron de supermarché se sachant condamné décide de léguer la propriété de ses quatre entreprises au personnel de la supérette, dont notamment Estelle, une femme de ménage un peu trop gentille qui sert de souffre-douleur à ses collègues particulièrement mesquins. On pense en effet à une héroïne à la Lars Von Trier.
Ce qui sauve la pièce de la misanthropie et d'une vision du lien social totalement détruit par la violence physique et morale, ce sont les scènes de rêve d'Estelle complètement ubuesques, auxquelles le public se raccroche comme à une bouée de secours par le rire heureux de s'échapper après tant d'horreurs et d'atrocités. C'est vraiment une forme de théâtre très propre à Pommerat, le seul qui le réussit vraiment à ma connaissance, qui travaille le malaise sans jamais s'apitoyer sur des personnages presque plus terribles les uns que les autres.
Ca fait deux ou trois chroniques que je beugle ici que Pommerat est un des rares qui comptent dans la scène française et je me réjouis d'avance que grâce aux deux lignes expéditives de Jack Griffin, certains se sortent enfin les doigts du cul pour y aller et se prendre une claque.
5/6