Je détaille un peu la suite, donc...
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Majora's Mask (N64, 2000)
S'il y a bien un jeu qui peut prouver combien le jeu vidéo EST une question de gameplay, c'est celui-là. Tout est repris de
Ocarina of Time : mêmes éléments de décors, mêmes animations, mêmes sons, mêmes personnages (affublés de nom différents !), même interface, etc. Et pourtant on peut pas faire plus opposé.
Sans doute parce que conçu dans une urgence totale (moins d'un an), le jeu est une farandole d'idées culottées, risquées, improbables, canalisées par un système de jeu abyssal (revivre à l'infini les trois mêmes journées : impossible de résumer la galaxie d'idées de gameplay que crée ce postulat), système que le jeu exploite jusqu'à la dernière goutte. Je suis convaincu que c'est l'un des jeux qui a participé à ouvrir la période "moderne" du jeu vidéo, où l'idée de game-design n'est plus le rouage d'horlogerie discret, mais la star exhibée en évidence.
Dans le ton, dans le graphisme, c'est un peu casse-gueule à mon goût, c'est ma principale réserve. A l'équilibre (au tout-marron vont dire les détracteurs !) recherché d'
Ocarina of Time succède une variété de tons fluos kitsch, d'anachronismes, de collages absurdes, d'effets vidéos grossiers... Le jeu assume grave ce côté foire et forain, païen, sa grosse lune aux gros yeux rouges, ses morts qui dansent, ses masques qui foisonnent partout, ses corps animaux empruntés ; après tout c'est un jeu qui tourne tout entier autour d'un carnaval. Mais l'assemblage semble s'être fait dans la panique plus que dans un projet concerté, et ca s'en ressent souvent. Dans les meilleurs moments, c'est flamboyant et baroque, mais c'est aussi bien souvent complètement bordélique...
Ca empêche pas le tout d'avoir une grosse puissance mélancolique et romantique, un charisme dingue (rien que les cartons égrenant le décompte...), et un jeu qui se fait de plus en plus intense, émotionnellement, à mesure qu'il s'approche de sa fin : à mesure qu'on commence à connaître chaque habitant, à comprendre les liens complexes qui les lient tous, à comprendre l'esprit de cette communauté (la quête d'Anju et Kafeï, je vois pas comment on peut pas verser sa petite larme). Et puis c'est enfin l'une des plus belles fin que j'ai vu dans un jeu vidéo, longue, complexe, entièrement jouée (pas une grosse cinématique, quoi), de cette colline tranquille au boss psychopathe et multicolore, jusqu'à la dernière image fugace et optimiste...
Bref, le jeu est imparfait mais grandiose. Il n'a pas autant marqué pour rien...