jiko a écrit:
Je dirai qu'il ne s'agit pas qu'un film soit moral ou pas, qu'il ait une morale ou pas, mais plutôt de la morale du regard du réal sur ses personnages ou son sujet.
Disons que Burton a un regard amoureux pour ses freaks, plutôt une belle morale.
L'affaire de morale et son travelling, c' est Rivette au départ je crois, repris par Daney et godard par la suite, et c'était assez subtil, loin des considération du genre "quelle est la morale de ce film" ou "comment ce film se positionne t-il moralement". C'est plutôt une affaire de juste distance ou d'adéquation entre la mise en scène et le sujet ou les personnages du film.
Pour ce qui est de la nouvelle vague, c'était politiquement assez flou en 59, un film politiquement engagé pour Godard avec Le petit soldat et c'est tout.
Leur première vrai action politique, c'est la manif pour Langlois et puis le festival de Cannes en 68, bien longtemps après la petite phrase sur le travelling du film Kapo.
Je pense pas que le contexte soit vraiment important pour comprendre la question de la morale et du cinéma. Après, les jugements évoluent, c'est sûr, mais "le cinema est affaire de morale", du point de vue de la mise en scène ça marche aujourd'hui aussi.
Par exemple, je dirais qu'Haneke est un cinéaste moraliste dans ses sujets et son discours, mais immoral dans sa manière d'utiliser ses personnages comme des pions au service de ce discours, de les inféoder à la demonstration de son point de vue sur un sujet.
Pareil pour Lars von Triers ou Michael Moore.
Pas pour Burton, loin de là.
Voilà, complêtement d'accord, jusque dans les exemples que tu as relevé. Je ne parle pas de "la moralité du film" dans le sens "conclusion" mais de si ce qu'il dégage est morale, ce qu'il dégage dans le rapport entre la mise en scène et le sujet.
Le travelling de
Kapo c'est fondamental comme cas, c'est essentiel même pour comprendre ce qu'est l'acte de filmer. Comment filmer la mort dans un camps de concentration ? Peut-on se permettre de l'esthétiser ? Peut-on faire ce qu'on veut avec une caméra ? Et c'est précisément ça le cinéma : s'interroger sur comment représenter quelque chose.
Et je trouve que ce débat n'a jamais été autant d'acutalité vu le nombre considérable de cinéastes immoraux aujourd'hui. Burton pour moi n'est pas le pire. L'artificialité de son cinéma limite son propos et rend ses films douteux, mais c'est loin d'être aussi manifeste et crapuleux que chez Von Trier (cinéaste que je déteste, tient, tient...).
Ensuite je veux bien qu'on ne soit pas d'accord avec Daney ou Deleuze. Mais ces mecs sont étudiés à l'université, ils sont reconnus et cités dans les milieux théoriques et philosophiques du cinéma. Ils ont une certaines légitimités. Alors on peut trés bien la leur contester, mais un minimum d'argumentation s'impose.
Pour la morale douteuse de
Big fish, je n'ai plus le film trés précisément en tête, mais je me souviens trés nettement d'une scène lamentable où le personnage de McGregor pénètre dans une tente où figurent deux soldats Vietnamiens. Dès qu'ils le voient, ils se mettent à gesticuler genre kung fu. La lumière s'éteind, on entend pif paf pouf, elle se rallume et on voit que les vietnamiens se sont fait rétamer comme des merdes. Outre l'aspet absolument pitoyable d'un tel gag (j'avais honte pour Burton quand j'ai vu ça), le fait de représenter les vietnamiens d'une manière aussi caricaturale (asiatique=kung fu) et ridicule (ils ont vraiment l'air cons) en opposition au héros qui n'en fait qu'une bouché me pose problème, surtout lorqu'il s'agit d'une guerre aussi discutable que celle-ci.
Ca a beau être un gag, ça pose quand même la question de la représentation des soldats vietnamiens au cinéma car, ces personnages étants génériques et pas des individualités, ils prennent une valeur de généralité et symbolisent le camps ennemis. Rien que pour cette scène, le film est génant.