Forum de FilmDeCulte

A votre avis, Alfonso Cuaron a vu ce film ?

La prouesse technique est bien évidemment épatante, vous avez déjà tout dit. Le film est jusqu'au-boutiste en diable et tellement assumé, c'est effervescent et stimulant. Et également assez planant, notamment la première partie, plus silencieuse, qui m'a doucement bercé, hypnotisé - je me suis endormi et c'était super agréable.

Plus le film avance et plus il se fait propagandiste, jusqu'à devenir caricatural à la fin, mais ça donne quand même de beaux moments abusés. Le N&B 4/3 apporte beaucoup à cette esthétique old school très Dziga Vertov/Eisenstein. D'ailleurs Kalotozov semble citer les marches de POTEMKINE avec son grand escalier.

Mais ce qui est intéressant c'est que l'aspect propagande du film est finalement légèrement gommé par l'enthousiasme que le cinéaste met à filmer tout de la même manière. Ainsi, sa scène dans l'hôtel au début est clairement magnifiée et tu sens qu'il prend son pied à le filmer avec la même dévotion que ses révolutionnaires. C'est de la propagande, c'est clair, mais on sent néanmoins un petit diablotin sexagénaire qui s'amuse tout du long, qui en profite pour faire "son" film.

Après qu'est-ce que Rivette en a pensé ? Le film s'inscrit dans "la ligne du parti", mais comment les pisse-froids moralistes de l'époque se positionnaient par rapport à tout ces effets de manche ? Ne pétaient-ils pas des câbles à la vue de scènes style un jeune se prend une balle et Kalatozov balance sa caméra pour nous faire un plan subjectif de lui qui tombe du 4eme étage ?

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Ils ne l'ont pas vu non ? Le film n'est sorti que dans une petite poignée de pays dans les années 60, c'est surtout lors de sa re-découverte dans les années 90 qu'il a rencontré un véritable écho à l'international.

Ouais, le film n'est jamais sorti à l'Ouest.

Le coté propagande ne m'a jamais gené, parce qu'on est pas dans l'éloge du régime castriste, mais juste du coté de sa rebellion vs la dictature, or les raisons objectives de soutenir la rebellion existent toujours malgré le fiasco communiste qui a suivi, les paysans qui rejoignent la rebellion après s'être fait bombardé ça se passe toujours comme ça, le point de vue est unilatéral mais c'est pas une trahison du réel.

Argh... Je suis déçuuuu.

J'ai tellement adoré Quand passent les cigognes que j'étais prêt à me prendre la méga-claque, qui plus est grâce à la vision d'une copie restaurée en salles (l'image est magnifique d'ailleurs, une orgie visuelle). Ceci dit ces conditions idéales étaient en partie gâchées par ma fatigue (séance de 14H après une nuit incomplète, j'ai lutté toute la première heure...), et vieux de derrière qui RESPIRAIT très fort (pas de bol, le film est souvent muet).

Le côté choral, logique au regard du sujet, m'a laissé froid. Et je n'ai donc vu dans le film qu'un déluge de vitalité, certes communicatif, mais sans grande substance. Sauf à quelques moments importants, comme la mort du jeune rebelle, filmée du haut pour que les tracts qui volettent projettent leur ombre autour du cadavre...

J'ai pas grand chose à en dire en fait, et j'en suis le premier attristé.

Vu une exposition de Mohamed Bourouissa au musée d'Art Moderne de Villeneuve d'Ascq, un ancien élève du Fresnoy, dont la carrière a commencé il y a 15 ans. Elle est moins spectaculaire que l'expo principale consacrée à Anselm Kiefer, mais peut-être plus riche.
Elle comporte un film de 12 minutes, Islands.
En 2015 l'artiste s'est rendu à Cuba, et a interrogé à la fois des figurants cubains du film encore vivants, et des étudiants, plutôt des jeunes femmes, sans doute en école de cinéma. Le film commence avec une interview en espagnol de Mikhail Kalatzov, qui se plaint de la lourdeur de la production du film, du fait des intermédiaires à la fois soviétiques et cubains, sur un ton à la fois ironique et lyrique, qui d'après lui ont entravés une dimension du film qui aurait pu être plus poétique et personnelle. Les interviews sont en dessins crayonnés, dont seules les lèvres sott animées et synchronisées. Cela rappelle bizarrement le clip de Take on Me de A-Ha...

Le dispositif rend indiscernables nes transitions entre les emprunts au film et le présent des interviews. Comme dans beaucoup des autres oeuvres de l'artiste qui étaient montrées, celui qui parle est montré en même temps de ce dont il parle, ce qui correspond aussi souvent à une mise en abyme de la projection vidéo dans l'oeuvre.
Les interviews mènent à une conclusion attendue, mais énoncée avec précision. Les aînés qui ont participé au film le défendent, de façon explicite en ce qui concerne la technique, et plus implicite pour le propos politique.. Un jeune homme qui semble enseignant oppose plus franchement et de manière sincère mais doctrinale l'inventivité du cinéma soviétique au suivisme d'Hollywood.
Les jeunes femmes sont beaucoup plus réservées (mais au fond rejoignent un peu Kalatazov lui-même). Elles critiquent le schématisme de l'intrigue et des psychologies. Le film reste un regard exterieur sur Cuba, européens, qui justifie une revolution sans.l'avoir comprise. Elles énoncent bien, avec un melange de modestie politique et d'assurance morale, la dialectique par laquelle, une idéologie d'émancipation, parce qu'elle reste extérieure à son objet, devient un rejeton d'une forme de culture dominante, pas forcément malveillant mais aveugle et autoritaire.
Mais symétriquement les affects et l'achèvement des situations correspondent strictement dans leur discours à la part de la question nationale que l'image vise mais ne parvient pas à capter.
Le film de Kalatazov n'aurait pas trouver la forme esthétique qui aurait sublimé et exposé son objet politique. Inversément, l'oeuvre de Bourouissa est une critique qui retourne vers les réalités politique et sociale, mais cela fonctionne comme une consolation d'un échec esthétique et d'une attente déçue. Il seble encore post-moderne dont la mesure il entend assumer à la fois seul et pour les autres (les modernes qui n'ont mesuré leur echec que de façon partielle) cette dialectique. La lucidité politique prend une dimension à la fois privée et mémorielle, et plus collective, car elle est un sacrifice du sens au profit du contenu.

Une autre de ses oeuvres concerne Frantz Fanon, en mettant en résonnance le présent de l'hôpital de Blida où il a travaillé et le passé de celui de Saint-Alban en Lozère où il s'est formé (qui a une histoire liant psychiatrie institutionnelle, résistance au fascisme et avant-garde littéraire et artistique des années 50) de manière didactique mais dense.

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Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

Erving Goffman