romain a écrit:
Waouh tu fais rêver ! Racontes nous pour les Cocteau Twins
On est donc en septembre 1990, Cocteau Twins sort leur nouvel album, Heaven or Las Vegas.
A l'époque, le groupe signé sur 4AD est représenté en France par Labels, une émanation de Virgin créée par Gérard Beullac qui distribue en France la crème des labels indépendants. Il nous contacte pour nous proposer une interview avec le groupe, comme de coutume lors des habituelles tournées promos. Rendez-vous est pris dans l'hôtel où les groupes du label descendent à Paris par commodité, à deux pas de la Place des Vosges où se trouvent les locaux de Virgin France.
Quelques jours avant l'interview, Beullac nous rappelle pour nous annoncer qu'il y a un problème, le groupe n'accepte pas d'enregistreurs audio. Une première. Habitués aux interviews au long cours il va falloir cette fois se résoudre à prendre des notes comme des fous. On ne sera pas trop de deux. Le jour dit, à quelques heures du rendez-vous, nouvel appel du boss de Labels : finalement, le groupe accepte que l'on enregistre l'interview. Soulagement ! On ne saura jamais si le groupe a subitement changé d'avis ou s'il a cédé sous l'insistance du label qui devait déjà flairer l'embrouille.
Arrivés sur place, on découvre que la rencontre n'aura pas lieu comme souvent dans la suite du groupe ou dans un salon un peu intime de l'hôtel mais simplement installés dans les fauteuils disposés dans le hall d'entrée. Pas la meilleure configuration pour créer une ambiance propice à la confession. Le groupe descend de sa chambre, enfin Liz et Robin puisque Simone Raymonde n'a pas fait le déplacement.
Après les présentations d'usage, on s'installe, allumons le magnéto, dégainons la première question et là le cauchemar commence. Liz Fraser, voix pourtant adorée, est totalement éteinte, comme absente, et Robin Guthrie semble prendre un malin plaisir à marmonner dans sa barbe. On aura beau tout essayer, les questions subiront toutes le même sort, des réponses quasi inaudibles et débitées sans la moindre étincelle de passion. On doit vraiment tendre l'oreille pour distinguer des bribes de phrases. Assez ironique d'ailleurs quand l'on sait que Cocteau Twins était célèbre à l'époque pour ses paroles écrites dans une sorte de volapük quasi incompréhensible.
Est-ce que le groupe aura voulu se venger du fait qu'on leur impose un enregistreur qu'ils ne voulaient pas ? Ou bien étaient-ils coutumiers du fait auprès des journalistes, tels un Lou Reed ou un Mark E. Smith qui ont toujours pris le plus grand soin d'afficher leur mépris vis-à-vis de leurs intervieweurs ? Toujours est-il que nous sommes sortis passablement frustrés et énervés de cette grosse heure passée en leur présence, tout du moins physique.
Je n'ai plus trop le souvenir 25 ans plus tard de ce que l'on a pu retranscrire de bandes quasi inaudibles et je n'ai pas relu l'interview depuis l'époque, mais cela devait être d'un intérêt extrêmement limité.
Bien évidemment, le groupe avait également refusé toute séance photo et nous avions dû nous contenter des photos promo passe-partout fournies par le label pour illustrer leurs propos.
Triste venant d'un groupe pourtant chéri et pour lequel nous avions comme souvent passé du temps à préparer la rencontre.
Heureusement, ce type d'expérience est resté assez unique et la plupart des rencontres m'ont permis de découvrir des personnalités passionnantes et souvent autrement généreuses de leur personne. Certains même avec lesquels nous avons pu tisser des liens sur la durée. Ah, les fameuses lettres de Stephen Pastel accompagnées des collages et dessins de sa copine Aggi !
PS : Pour l'anecdote, le pote journaliste qui m'accompagnait pour l'interview avait apporté quelques vinyles du groupe à dédicacer... qu'il a finalement bien pris soin de laisser au fond de son sac