Forum de FilmDeCulte

Je te rejoins sur ce qui fait, à mon goût, le meilleur du film (et du réalisme poétique en général) : l'ambiance poisseuse, dépressive, apocalyptique, presque en décomposition... C'est très régressif (ô pauvre de nous, nous pauvres, nous serons malheureux à jamais car c'est la fatalité), mais je trouve que c'est de très loin (dans sa dimension tragique, notamment, qui donne au film un certain tranchant) l'aspect le plus séduisant et envoûtant du film.

Le reste m'avait énormément irrité, j'ai quasi tout oublié. L'amour du peuple est ici ramené au rang de gimmick, les dialogues sont inssuportables. Bref, comme tout le monde (je vais pas etre très original sur ce point), je préfère Le Jour de lève, même si le couple y est moins fort.

Non, tu me l'apprends. Je ne sais pas si le film est fasciste, mais il décourage clairement la pensée. Car dans les faits, la classe ouvrière est misérable pour des raisons précises, par "parce que c'est comme ça". Tu compares la façon de regarder les rapports de classes chez Renoir au même moment (cinéaste auquel pourtant je goûte peu), le tranchant analytique de ses films, et tu sens quand même grave en quoi Quai des brumes est problématique (quoique sa façon de fantasmer son malheur en fait aussi l'envoutement : tout le problème est là, les films les plus séduisants de l'époque en France, aux univers les plus forts et les plus marquants, sont aussi les plus cons).

Renoir était communiste et en train de tourner la Marseillaise (très bon film au demeurant), sponsorisée par le Front Populaire, et Prévert et Carné plus proches des Trotskistes.Fasciste était aussi l'accusation "classique" que les staliniens aviaient utilisés à la même époque pour liquider leur gauche pendant la guerre d'Espagne. A l'époque du Crime de Monsieur Lange on est dans une dynamique politique qui n'a pas duré: le Front Populaire récent, la guerre d'Espagne gagnable avec un front socialistes-PC-trotskiste-anars. En 1938 c'est déjà fini. Dans "le Cinéma des Français" (bon livre sur le cinéma de cette époque) Jean-Pierre Jeancolas revient sur cette évènement (et fait remarquer que Renoir a à son tour tourné peu après "la Bête Humaine" a la vision du monde beaucoup plus fataliste que la Marseillaise et comparable à la veine de Carné).