De
Man of Steel et
BvS, je retiens Zod et Batman dont les rages respectives d’écorchés vifs se répondaient par échos d’un film à l’autre — Zod rendu ivre de colère et de douleur de n’avoir pu sauver son monde, tyran trahi et déraciné revanchard, utilisant in fine l’humanité acquise de Superman pour un
suicide by cop — Wayne, déjà radicalisé puis défié par la destruction suivant l’affrontement entre deux monstres volants en miroir l’un de l’autre, finalement frappé de plein fouet par cette même humanité révélée in extremis dans la défaite de son adversaire. Bons souvenirs dans des films inégaux.
Là, tout ce que je trouvais à me dire c'était "pire film de James Gunn" — pas dramatique non plus comme réflexion. La barre n’est pas non plus au plus haut. Gunn n’est ni plus ni moins qu’une des quelques v.2 de Joss Whedon à traîner aux abords de son créneau « c’est l’histoire d’une équipe » laissé vacant par sa placardisation amplement méritée (Whedon est littéralement le ur-féministe donneur de leçons qui s’avérait surtout être un opportuniste avec des casseroles à cacher, le mètre-étalon de ce genre de ce profil si spécifique qui se voit comme le nez au milieu de la figure
(j’attends les bails sur Pedro Pascal)). Très bons souvenirs de
Slither et son riff post-Troma, les
GoTG sont sympas (surtout le 3),
Suicide Squad marrant et inventif par moments, pas vu
Super qui ne m’attire pas, vu quelques extraits amusants de la série sur Peacemaker…
En parallèle, ça fait un moment que Batman a droit à ses
hot takes déconstructionnistes façon « Bruce Wayne est un milliardaire qui se déguise le soir pour aller tabasser des pauvres plutôt que de mettre à contribution sa fortune démesurée pour rendre la société meilleure. » Comprendre : se la faire saisir au nom du peuple par des
kommissars spécialement sélectionnés dans les mêmes milieux criminels qui se faisaient tabasser la nuit, façon potes d’Alex devenus flics dans
Orange Mécanique (spoilers : le trou de la sécu ne sera pas comblé par ces milliards confisqués qui financeront agitprop, goulags, répressions et famines dans les campagnes). Superman est moins ciblé par ça, mais on voit de temps en temps passer un truc style « il traverse le ciel à pleine vitesse mais ne s’arrête jamais pour nourrir les Africains ou mettre fin aux guerres injustes qui rythment l’actualité. » Un des points d’honneur de
Superman semble être de répondre à ça. Bon.
Presque tout ce qui essaye d’être sérieux dans le film est donc à cette image, d’une immaturité proprement stupéfiante : Superman lui-même et son rapport à la guerre qui se résume à brailler « des gens allaient mourir » ; Lois la trentenaire carriériste qui gère la moindre conversation tendue par du tournage de dos et le fameux « je t’avais prévenu que j’étais nulle en relations » (sans déconner !) comme toute bonne cintrée toxique ; Luthor le rageux à la rancœur aussi emphatique que désincarnée ; la cousine alcoolique et mal élevée en mode
insta bitch qui donne mal au crâne en un coup de vent ; le kamoulox géopolitique tiersmondiste avec son combo ersatz de Palestine (Superman n’est plus une figure christique mais Allah auquel les petits enfants opprimés prient, le Hamas va adorer) + ersatz de Russie + annexion + collusion avec le milliardaire (chauve, pas blond) dans sa tour qui ouvre une faille dimensionnelle qui « divise » (vous l’avez ?) Metropolis ; la presse en mode contre-pouvoir hautement moral qui fait triompher la vérité jusqu’à unir les différents camps idéologiques (mdrrrrrr) ; Green Lantern qui dézingue les chars de l’envahisseur avec des doigts d’honneur géants…
Pas mal en revanche que ce soit l’assimilation la plus totale de l’
alien Kent qui œuvre (comme il se doit) en tant qu’antidote naturel ET à la propagande de Luthor ET au déterminisme du héros Superman (acquis vs. inné via Ma & Pa Kent et leurs valeurs vs. les parents biologiques et leur apologie d’outre-tombe de la conquête et de la fécondation de masse au nom de la supériorité raciale). C’est la seule idée que je sauve, c’est aussi la plus élémentaire et impardonnable à rater.
Surtout vu le contexte actuel.Sinon c’est le cas d’école de la différence entre ce qui est simple et enfantin, ce qui est très bien, pas du tout une antithèse de « sérieux », et l’immaturité quasi-totale sous couvert de bienveillance éclairée mais factice. Sorte de pari cynique porté sans prise de risque sur le plus bas dénominateur commun de l’actualité (d’où le côté compilation, ou plutôt foutoir de thématiques supposément brûlantes traitées comme allant de soi, autrement dit par-dessus la jambe). Pas grand-chose n’y sonne authentique. Encore moins ça (non mais pitié) :
Qui-Gon Jinn a écrit:
Notamment tout le discours sur le fait qu'être punk aujourd'hui c'est peut-être simplement être premier degré et positif.
Après il y a peut-être aussi le contexte d’une sorte de réponse à
The Boys qui semble se vautrer dans l’excès inverse (jamais regardé) ?
Enfin bref, le plus réussi à mes yeux c’est tout ce qui relève du registre que Gunn maîtrise encore le mieux, à savoir les personnages secondaires cools et drôles aux personnalités marquées : le trio de justiciers, Jimmy Olsen la crevette qui subit son statut de
pussy magnet inexplicable, le collègue reporter arrogant (j’ai ri à son chouinage assis par terre dans le vaisseau)... Registre terni par d’autres personnages moroses (Metamorpho) voire carrément nuls (les deux
sidekicks de Luthor) et l’absence de gradation ou même tout simplement de variation dans les obstacles auxquels Superman fait face. D’où un ennui certain face à une action largement dépourvue d’enjeux (moins quand d’autres se battent) : abus systématique du in extremis, c’est d’une putain de lourdeur presque désagréable physiquement passé un certain stade.
Les éléments les plus vaguement sympas et marrants se trouvent presque tous au-delà de la première heure. La bouillie numérique est accablante. Équivalent visuel d’un voisin de bus en surpoids à l’heure de pointe qui s’est bombardé d’Eros de Versace plutôt que de se laver les plis. Pas déçu car mes attentes étaient neutres, juste désagréablement surpris. Mais encore une fois la barre n’était pas très haute. Immenses carences en matière de réécriture et de concentration. Nathan Fillion ok, toujours impeccable dans ce registre-là, vivement Michael Rooker et Gregg Henry.