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L'histoire, sur près de trente ans, d'un architecte juif né en Hongrie, László Toth. Revenu d'un camp de concentration, il émigre avec sa femme, Erzsébet, après la fin de la Seconde Guerre mondiale aux Etats-Unis pour connaître son " rêve américain ".

Après sa métaphore de l'émergence du fascisme à l'aune de la Grande Guerre et son "portrait du XXIe siècle" par le biais du parcours d'une pop star, Brady Corbet s'attaque enfin à la période située entre les deux, que d'aucuns argueraient être la plus formative de notre monde actuel, avec un film-fleuve de 3h35 (entracte de 15 minutes inclus), à la fois son plus accessible, du moins son plus lisible, mais aussi son plus dense, thématiquement écrasant, sur la façon dont l'Amérique s'est bâtie sur le dos des immigrés, le présent sur les horreurs du passé et l'art sur le trauma.

En prenant comme protagoniste un architecte, l'auteur choisit un domaine au croisement de l'art, de la technologie et du business - comme le cinéma, évidemment, et la trajectoire du personnage, intransigeant quant à son œuvre, se lit inévitablement comme un parallèle de celle du cinéaste - propice à échafauder sa parabole sur la construction de l'Amérique au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. On pense beaucoup au Coppola du Parrain II et de Tucker à la fois pour les thèmes abordés que la grandiloquence assumée. Comme les précédents Corbet, le film se découpe en 3-4 chapitres mais cette fois, il y a carrément une Ouverture et un Entracte et c'est tourné en VistaVision. La mise en scène, toujours traversé d'une intensité sourde comme la douleur à l'âme qui hante le protagoniste, ose les symboles les plus ostentatoires, comme cette Statue de la Liberté filmée à l'envers qui donne le ton dès les premières minutes. En fait, c'est un peu Megalopolis en réussi.

Toutefois, le récit, s'il garde une nature allégorique, se fait moins théorique et moins démonstratif que ses précédents tout en demeurant éminemment politique. S'inspirant en partie de La Source vive d'Ayn Rand, Corbet subvertit toutefois le matériau en faisant de son héros un immigré et, pour la première fois dans sa filmographie, quelqu'un qui n'est pas exclusivement antipathique, ce qui n'y est sans doute pas pour rien dans la plus grande ouverture du film.

László Tóth (Adrien Brody en mode The Pianist bis) est un personnage entier, imparfait, humain. Et son mécène, Harrison Lee Van Buren, campé par Guy Pearce, l'est finalement tout autant, malgré les aspects les plus caricaturaux de son écriture. Les rapports qui régissent ces personnages s'avèrent à la fois plus complexes que dans les précédents Corbet et néanmoins on ne peut plus clairs in fine dans ce qu'ils disent du traitement tant des artistes que des étrangers, et surtout quand il ne s'agit que d'une seule et même personne, par les puissants, et comment ils sont amenés à choisir entre assimilation (cf. le cousin) et exploitation.
La scène de viol est sans équivoque dans sa métaphore quoi.
Mais l'histoire de László n'est pas simplement celle de l'individualisme de l'artiste autiste qui pète sa crise quand on lui rabote les tours de son bâtiment de quelques mètres (et ce même détail n'est pas simplement une manifestation du complexe d'un homme rendu impuissant par l'Holocauste auquel il a échappé), ce n'est pas une bête défense de l'intégrité et auto-célébration de l'artiste maudit, c'est la croisade d'un homme qui n'essaie pas tant d'échapper à son passé (parce qu'il ne le pourra jamais) que de le transformer via son art en un témoignage impossible à ignorer. Le courant architectural élu par Corbet n'est pas innocent. Chez Rand, c'est le modernisme qui n'est pas accepté par les conformistes de l'époque mais si le brutalisme descend du modernisme, c'est évidemment pour marquer une filiation avec les camps. On lui demande un centre culturel et le mec bâtit un mausolée.

Ce n'est qu'en laissant infuser son trauma dans son art que László peut garder son identité, conserver l'imagerie du passé dans le présent,
et s'affranchir du capitalisme. C'est là le cœur du récit de Corbet sur l'immigration. Et c'est fort.

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MessagePosté: 20 Déc 2024, 13:22 
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L'histoire, sur près de trente ans, d'un architecte juif né en Hongrie, László Toth. Revenu d'un camp de concentration, il émigre avec sa femme, Erzsébet, après la fin de la Seconde Guerre mondiale aux Etats-Unis pour connaître son " rêve américain ".

Après sa métaphore de l'émergence du fascisme à l'aune de la Grande Guerre et son "portrait du XXIe siècle" par le biais du parcours d'une pop star, Brady Corbet s'attaque enfin à la période située entre les deux, que d'aucuns argueraient être la plus formative de notre monde actuel, avec un film-fleuve de 3h35 (entracte de 15 minutes inclus), à la fois son plus accessible, du moins son plus lisible, mais aussi son plus dense, thématiquement écrasant, sur la façon dont l'Amérique s'est bâtie sur le dos des immigrés, le présent sur les horreurs du passé et l'art sur le trauma.

En prenant comme protagoniste un architecte, l'auteur choisit un domaine au croisement de l'art, de la technologie et du business - comme le cinéma, évidemment, et la trajectoire du personnage, intransigeant quant à son œuvre, se lit inévitablement comme un parallèle de celle du cinéaste - propice à échafauder sa parabole sur la construction de l'Amérique au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. On pense beaucoup au Coppola du Parrain II et de Tucker à la fois pour les thèmes abordés que la grandiloquence assumée. Comme les précédents Corbet, le film se découpe en 3-4 chapitres mais cette fois, il y a carrément une Ouverture et un Entracte et c'est tourné en VistaVision. La mise en scène, toujours traversé d'une intensité sourde comme la douleur à l'âme qui hante le protagoniste, ose les symboles les plus ostentatoires, comme cette Statue de la Liberté filmée à l'envers qui donne le ton dès les premières minutes. En fait, c'est un peu Megalopolis en réussi.

Toutefois, le récit, s'il garde une nature allégorique, se fait moins théorique et moins démonstratif que ses précédents tout en demeurant éminemment politique. S'inspirant en partie de La Source vive d'Ayn Rand, Corbet subvertit toutefois le matériau en faisant de son héros un immigré et, pour la première fois dans sa filmographie, quelqu'un qui n'est pas exclusivement antipathique, ce qui n'y est sans doute pas pour rien dans la plus grande ouverture du film.

László Tóth (Adrien Brody en mode The Pianist bis) est un personnage entier, imparfait, humain. Et son mécène, Harrison Lee Van Buren, campé par Guy Pearce, l'est finalement tout autant, malgré les aspects les plus caricaturaux de son écriture. Les rapports qui régissent ces personnages s'avèrent à la fois plus complexes que dans les précédents Corbet et néanmoins on ne peut plus clairs in fine dans ce qu'ils disent du traitement tant des artistes que des étrangers, et surtout quand il ne s'agit que d'une seule et même personne, par les puissants, et comment ils sont amenés à choisir entre assimilation (cf. le cousin) et exploitation.
La scène de viol est sans équivoque dans sa métaphore quoi.
Mais l'histoire de László n'est pas simplement celle de l'individualisme de l'artiste autiste qui pète sa crise quand on lui rabote les tours de son bâtiment de quelques mètres (et ce même détail n'est pas simplement une manifestation du complexe d'un homme rendu impuissant par l'Holocauste auquel il a échappé), ce n'est pas une bête défense de l'intégrité et auto-célébration de l'artiste maudit, c'est la croisade d'un homme qui n'essaie pas tant d'échapper à son passé (parce qu'il ne le pourra jamais) que de le transformer via son art en un témoignage impossible à ignorer. Le courant architectural élu par Corbet n'est pas innocent. Chez Rand, c'est le modernisme qui n'est pas accepté par les conformistes de l'époque mais si le brutalisme descend du modernisme, c'est évidemment pour marquer une filiation avec les camps. On lui demande un centre culturel et le mec bâtit un mausolée.

Ce n'est qu'en laissant infuser son trauma dans son art que László peut garder son identité, conserver l'imagerie du passé dans le présent,
et s'affranchir du capitalisme. C'est là le cœur du récit de Corbet sur l'immigration. Et c'est fort.

100% d'accord. grosse claque ! a voir en salles absolument.


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MessagePosté: 14 Fév 2025, 19:53 
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Le marketing et les échos de presse ces derniers mois m'avaient rendu méfiant voire sceptique sur ce "chef d'oeuvre" "monumental", des termes encore brandis récemment en France par Télérama qui "n'avait pas vu ça depuis There Will Be Blood".

Devant la première partie du film, voulant laisser sa chance au film car conscient du biais snob que toute cette attente pouvait induire, je n'ai quand même pas pu m'empêcher de me dire "mouais, confirmation que c'est un peu de l'épate". Cette BO aux trompettes un peu trop grandiloquentes, cette manière de vouloir faire de la forme avec le plus anodin des moments, ce canevas scénaristique qui tient de la matrice du récit américain, cette "perf d'acteur" filmée parfois en gros plan d'Adrian Brody... Le tout pas si maîtrisé que cela dans l'écriture, la cohérence de l'esthétique, etc - totalement compréhensible pour un 3e film, mais du coup, bon nombre de critiques ont fumé la moquette sur la "maîtrise" de Corbet.

Néanmoins il serait aussi injuste de dénier à cette première partie toutes les petites choses intéressantes qu'elle sème: la relation mi-amicale mi-toxique avec le cousin, la laborieuse construction du mécénat...

Pour moi cependant, le film est surtout intéressant dans sa deuxième partie, où Corbet travaille au corps le pourrissement de sa situation, de son Amérique qui n'offre comme asile aux anciens déportés que le capitalisme et sa légitimation des dominations sociales et ethniques, son écrasement des corps. Théoriquement je trouve plutôt contestable
qu'il soit allé jusqu'à figurer cette exploitation par un viol en horrible et due forme, mais la séquence est indéniablement surprenante et marquante, dans une région sublime de Carrare où la roche se mue en cave aux horreurs.


Comme Critikat me l'a fait réaliser, le film n'est pas au final une fresque composée de grandes séquences édificatrices, mais un drame intimiste qui court sur plusieurs années et plusieurs lieux. Ce côté hybride est une force. Malheureusement
le film aurait dû s'arrêter sur la séquence de la recherche de Van Buren dans le labyrinthe du monument, mais Corbet voulait visiblement sa caution documentaire avec cette recréation d'un présent à Venise... Curieux enchaînement avec ce montage musical à base d'électro et de sites vénitiens avant la solennité du discours de la nièce... tout ça pour expliciter pas mal de choses que le spectateur aurait pu penser lui-même.


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MessagePosté: 17 Fév 2025, 21:34 
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Le premier plan incroyable dans l'obscurité des coursives d'un bateau m'a laissé espérer brièvement un film à la Lazslo Nemes mais très rapidement le film m'a semblé plus conventionnel que ce à quoi je m'attendais. Et si j'ai trouvé la premier partie assez remarquable, finalement le film ne m'a pas emballé plus que ça. Il y a clairement une volonté de faire un "grand film américain" et le geste n'est pas sans prétention (le Vistavision, la durée, l'entracte) mais Corbet, s'il n'est clairement pas sans talent, n'a pas totalement les épaules pour un projet pareil. Tout le monde l'a remarqué mais difficile de ne pas voir dans le film l'influence énorme de Paul Thomas Anderson du plus évident There will be blood mais aussi une pincée de The Master dans ce rapport de soumission Lazslo à Van Buren. Sauf que PTA a bien plus de subtilité, de personnalité et Corbet est finalement un copieur appliqué mais qui ne parvient que trop rarement à trouver sa propre voie. Une poignée de scènes sortent vraiment du lot (la scène en Italie clairement le plus grand moment du film, tous les passages dans le bâtiment) mais dans l'ensemble le film est finalement assez banal et, pire, je ne sais pas vraiment ce qu'il cherche à nous dire sur les Etats-Unis.

Et si on ne peut que s'ébaubir devant le rapport budget/résultat il n'en reste pas moins que le film est un peu trop empesé et manque de respiration, de singularité. J'aime bien le personnage Felicity Jones qui arrive dans la deuxième partie apporter un peu de déséquilibre dans ce rapport de force entre Lazslo et Van Buren mais c'est un peu léger. Et je suis surpris de ne voir personne en parler mais je n'ai rien compris à cette histoire de viol totalement sorti de nulle part et qui pour moi est une métaphore d'une lourdeur pachydermique (l'américain obsedé par l'argent qui viole l'artiste européen réscapé de guerre). Tout ça m'a vraiment laissé sur un goût d'inachevé, de potentiel gâché (même si les plans dans le bâtiment de Lazslo et notamment sa croix lumineuse sont magnifiques). Puis vient cet épilogue limite grotesque, que ce soit avec son filmage image vidéo puéril et surtout son discours final qui vient nous asséner toute la proposition métaphorique du film dans un monologue là encore bien scolaire pour être sûr que l'on ne rate pas la grande idée de Brady Corbet.

Ce faisant il retire au film sa part de mystère, il muséifie le brutalisme dans une démonstration lourdingue et en fait un pur objet de scénario. C'est dommage, le film du coup devient finalement tout petit, n'a jamais l'ampleur qu'il aimerait avoir. Alors je dis ça mais j'ai pris du plaisir à voir le film, je ne m'y suis pas ennuyé, il y a clairement un talent de mise en scène mais c'est souvent un peu lourd, un peu trop premier degré (ce cauchemar du train qui explose, les réminiscences de la guerre). Adrien Brody est bien (mais ne m'a pas impressionné), la musique est excellente mais je n'ai pas arrêté de penser à d'autres films aussi ambitieux et tous étaient bien plus réussis d'Oppenheimer (la construction, le maître d'orchestre), Killers of the Flower Moon (l'avidité américaine sans limites qui se traduit par une destruction des corps) etc... Assez déçu.

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MessagePosté: 19 Fév 2025, 15:32 
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copy-paste de LB

Au vu de certains échos, j’espérais bien sûr rencontrer ce « decade-defining masterpiece » comme There Will Be Blood ou encore The Zone of Interest (deux films auxquels ce Brutalist fait parfois penser). Ce ne fut - hélas - pas le cas, je n’ai pas eu ce sentiment d’évidence qu’ont les chefs-d’œuvre instantanés, mais ça reste un gros morceau de cinéma, qui se vit en salle. C’est pas tous les jours d’ailleurs qu’on peut vivre une séance de 3h35 avec entracte (petite coquetterie nostalgique notamment non indispensable mais toute pardonnée), de vivre un film fleuve d’une telle ambition. « Monumental », l’adjectif est tout trouvé, et quand on le met en perspective de son budget riquiqui (genre 10M$), le film de Brady Corbet est un admirable exploit.
Et sinon, c’est bien? Ben, j'ai beaucoup aimé.
The Brutalist est un grand film sur le rêve américain, ce mythe, ce mur de béton contre lequel tant d’immigrés se sont fracassés. Et cette fresque en deux parties (rise & fall - bien que ça ne soit pas aussi simpliste) en est une magnifique et terrible illustration. László Toth est un rescapé des camps nazis et sa souffrance fait écho à celle de tout immigré contraint de quitter sa terre, contraint de s’accrocher à un rêve pour survivre et avancer. Hier et aujourd’hui. Et si le film captive et n’ennuie jamais, c’est non seulement grâce à sa mise en scène (grandiose, inspirée, mais jamais ostentatoire), non seulement parce qu’il est dense et très riche thématiquement, c’est aussi et surtout parce qu’en son coeur il y a ce protagoniste complexe et inoubliable, cet humain brisé et meurtri, avec ses rêves et ses démons, sa résilience et son courage, son amour pour l’art et pour les siens… Et l’épilogue elliptique du film (qui rappelle le Glazer, aussi par ce qu’il dit de la Mémoire du Monde) lui rend un dernier hommage, soulignant qu’au final, ce que l’humanité retiendra de son Histoire, c’est l’Art qui triomphe de la cupidité, c’est la beauté qui triomphe de la laideur.
Le film est imparfait, parfois insaisissable, parfois mal aimable voire lourd et maladroit, mais l’essentiel est bien là, un grand moment de cinéma qui a des choses à dire, qui fascine à tous points de vue, qui fait vivre une expérience. Qui nous partage un morceau de vie, un morceau de cinéma brut et rugueux comme du béton.

5/6

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Arnotte a écrit:
en perspective de son budget riquiqui (genre 10M$), le film de Brady Corbet est un admirable exploit.
Que ça? C'est hallucinant quand tu vois le résultat à l'écran, j'aurais étais persuadé qu'il en coutait 3 à 5 fois plus. Sinon pas grand chose à dire de plus que les conquis. C'est un gros morceau de cinéma avec de sacrées scènes. Et il y a de moments de mise en scène qui décoiffent. Il sera dans mon top de cette fin d'année. J'ai bien aimé l'Almodovar qui a raflé le lion d'or mais il me semble tout petit par rapport à ce monstre qu'est The brutalist.


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MessagePosté: 21 Fév 2025, 15:13 
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La durée me fait assez peur. On ne trouve pas le temps trop long?


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MessagePosté: 21 Fév 2025, 16:16 
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Mr Degryse a écrit:
La durée me fait assez peur. On ne trouve pas le temps trop long?

Bah ça dépendra de ton adhérence au film (moi qui ai aimé, je n'ai pas vu le temps passer).

C'est comme Killers of the Flower Moon mais avec un entracte en plus, quoi.

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Ce n'est pas le bon exemple car je n'ai pas aimé killers of flower moon :mrgreen:


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MessagePosté: 21 Fév 2025, 16:52 
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Mr Degryse a écrit:
La durée me fait assez peur. On ne trouve pas le temps trop long?
Franchement, je suis pas du tout complaisant avec les films qui allongent leurs durées mais là c'est dense, rythmé et il y a vraiment pas de gras. La durée est totalement justifiée. Et une fresque aussi ample, on en voit tellement peu souvent au cinéma que c'est absolument à voir sur grand écran. Et puis c'est un film qui te fait aimer l'architecture.

Ah et ce qui m'a sidéré aussi, c'est la faculté de Corbet d'accoucher de gros moment visuels sans que ça soit trop tape à l'oeil/visible. Il y a des idées visuelles à la pelle.


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MessagePosté: 24 Fév 2025, 08:32 
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Je rejoins Art Core.
Je trouvais le film plutôt bon, mais la fin en queue de poisson m'a gêné. L'idée d'un architecte qui parce qu'il est juif, ferait du contenu de la Shoah, recréé spatialement, mais de façon ésotérique, toutefois connue publiquement, le contenu réel de son oeuvre, ne tient pas la route ni historiquement ni symboliquement. Elle contredit la tension entre particularisme et universalisme que le film semblait mettre en place, et confère une dimension paradoxalement messianique à l'extermination, alors que le.personnage semble plutôt laïque et communisant au début (mais cela résonne avec le dégout soudain pour l'Amérique, l'échec en terme de valeur d'une seconde chance et de la survie apparentes, dégoût politiquement ambigu, car l'idéologie du paradis perdu est le moteur du populisme).
L'identité devient le seul contenu, et non plus une condition, et intègre totalement le traumatisme. De la même manière, la mise en avant de la littéralité de la Shoah va de pair avec une catharsis morale sur la sexualité troublée de Van Buren : l'immoralité comme l'histoire doivent être expiées plutôt qu'analysée, l'accusation est montrée littéralement à la place du témoignage. Le pardon n'existe que s'il est matérialisé dans un lieu spatialement réel. Du coup si le film au début le film semble comparer finement l'Amétique d'alors, pas parfaite, mais pouvant dignement accueillir des réfugiés avec celle de Trump, il liquide la conclusion, car la communauté sociale est fondée à la fois sur des notions d'expiation morale, et d'initiation (par le chef capitaliste vers l'exécutant) et devient sous nos yeux anhistorique. Cette logique est partiellement commune avec celle du trumpisme : non mas la justice, mais la déploration d'une identité perdue.

Le film est fasciné par l'Europe qu'il filme comme un mythe originel, et semble reprocher à l'Amérique comme un crime son manque d'enracinement dans un passé culturel (alors que Leone et le Nouvel Hollywood y voyaient une chance malgré tout), c'est l'autre face d'un seul complexe qui se traduit par la brutalité trumpienne (à ce sujet d'ailleurs, sur le plan stylistisque l'architecte est plus proche du modernisme simplifiant l'Art Deco de Lloyd Wright ou d'Alto, voire du post-modernisme avec le bâtiment fonctionnant comme un monument et même cénotaphe historique et culturel caché, que du brutalisme, qui est plus humaniste et positiviste).

Il ressemble au Master de PT Anderson,avec le personnage de Van Buren comme miliardaire gourou qui capte, à la fois humilie et rachète, en en remodelant l'identité de façon faustienne un outcast, mais c'est décalé : chez PT Anderson c'était un vétéran et un prolétaire, ici la personne subjuguée est un intelllectuel (éventuellement prolétarien) et un déporté.

Par ailleurs une amie m'a recommandé le film en disant qu'il mettait en scène un couple à la Sartre - Simone de Beauvoir, morganatique, mais avec une collaboration et une égalité intellectuelle dans un respect mutuel. J'avoue que cela ne m'a pas frappé sur le coup, mais il y a en effet des ressemblances : la toxicomanie secrète de l'intellectuel universel, la fille adoptive, avec une dimension un peu saphique, qui devient militante sioniste. Même la chaise roulante renvoie un peu à l'Homme au Bras d'Or d'Algren :shock:

D'ailleurs le film a des trous et des facilités d'écriture : j'ai apprécié l'ellipse à la fois esthétique et narrative crée par l'entracte, mais tiqué sur le fait que Van Buren ne parle jamais de sa femme visiblemement morte (
il est vrai symboliquement superflue vu son homosexualité, comprise comme une malédiction façon les Damnés de Visconti, mais ils ont des enfants
), ou sur le fait que le retour à la parole de la nièce ne soit pas un enjeu (alors qu'il est intéressant d'ouvrir et de fermer le film sur elle).
Du coup les premiers mots de ce personnage après 2H40 sont la profession de foi sioniste, ce qui accentue le schématisme politique plutôt plombant du propos, ainsi que le rôle central du nationalisme dans celui-ci (maladresse que le seul prolétaire réelement incarné soit noir et exemplaire -l'ouvrier blanc n'est là que pour être engueulé-, dans la mesure où l'enjeu de la classe sociale passe progressivement au second plan derrière ce nationalisme).

De même sur le racisme, il y a une opposition morale entre Toth et Van Buren, avec un lien entre celui-ci et Trump qui introduit une continuité historique crédible, mais jamais de confrontation (au contraire c'est Toth qui paye le prix de son humanisme avec sa toxicomanie, et le poing dans la gueule qui clôture la scène de jazz).
Dommage il y avait des trucs intéressants, surtout dans la première partie, mais la fin tombe dans un manichéisme moral à la Von Trier, moins provocant, mais stérilisé par sa fascination pour le tragique historique.

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Je suis tellement d'accord avec toi sur l'épilogue... Et le côté sionisme assez prononcé du film d'ailleurs.


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Autre regret : le personnage de Van Buren (allusion au mécène belge et à sa villa) est au départ réussi, ambivalent mais aussi attachant, on n'est pas loin de la complexité de Ragtime de Forman. Mais le
viol
en fait un repoussoir absolu et son
suicide
est une forme de cancellation morale qui permet aussi au film de s'arrêter de façon ( trop) commode.
De plus les tares morales sont mécaniquement hiérarchisées : sa xénophobie et son rejet des Noirs paraissent socialement plus acceptés (et acceptables) que sa brutalité sexuelle et son refoulement.

D'un côté il y a une normativité morale, de l'autre le film recycle de manière complaisante, mais inversée sexuellement le côté à la fois épique de transgressif de
la fameuse scène du viol de Dernier Tango à Paris, 1900 n'est pas loin non plus
. Au fur et à mesure qu'il avance le film se complait de plus en plus dans des citations sous forme de morceaux de bravoure de film reconnus (Les Damnés,Festen, the Master, Il était une Fois en Amérique un peu aussi, le Parrain II qui montre Ellis Island, voire le Fantôme de l'Opéra revu par De Palma et la cave inondée et le côté Swann de Van Buren et j'en passe) alors qu'il avait pourtant dans sa première moitié un ton singulier.

Le passage avec l'accident de train est aussi confus, l'image est belle, mais on voit mal pourquoi cela remet en question l'ensemble du projet et porte atteinte à l'image de Van Buren et provoque la disgrâce de Lazlo Toth (ce n'est pas un accident de chantier, et l'échelle est, somme toute, assez limitée), à moins d'un gros problème de fraude à l'assurance, mais il est désamorcé plus tard par le scénario. S'il s'agit de gros affrêteur ou chantiers navals, ils doivent quand-être être rodé à ce genre de situation.

C'est un peu la même chose avec la femme de son cousin, on ne la voit pas mentir, alors qu'elle devient plus tard aux yeux de Toth le symbole lui ayant révélé la xénophonie américaine. La scène est dite, réduite à l'intention et à l'énoncé de la péripétie, mais pas montrée et même pas écrite, et le personnage devient un stéréotype féminin alors qu'il avait pourtant une certaine épaisseur.

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Le viol, j'ai pensé à Il était une fois en Amérique surtout.


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