Dans le fantastique monde d'Oz, Elphaba, une jeune femme incomprise à cause de la couleur inhabituelle de sa peau verte, ne soupçonne pas l’étendue de ses pouvoirs. À l'Université de Shiz, elle rencontre Galinda, aussi populaire que privilégiée, et les deux jeunes femmes détestent instantanément. Pourrait-elle devenir amies? Et cette amitié sera-t-elle à l'épreuve des événements sombres qui menacent le monde d'Oz? Encore un topic que j'ouvre pour un film qui sera peut-être vu par UNE autre personne sur ce forum...
...alors qu'il s'agit de l'adaptation d'un
musicals emblématique, dans le quatuor de tête des plus gros succès de Broadway avec
Le Fantôme de l'opéra,
Les Misérables et
Le Roi Lion, tous plus vieux. Et ce succès est, à mes yeux, à double tranchant.
Inspiré d'un roman publié en 1995 (
Wicked: The Life and Times of the Wicked Witch of the West) qui imaginait l'
origin story de la célèbre sorcière verte du
Magicien d'Oz, la version scénique créée en 2003 a beau avoir édulcoré le matériau de base, elle a été une influence indéniable sur plusieurs films sortis après. Ni le livre ni le
musical n'étaient les premières instances de
prequel racontant comment un illustre méchant l'était devenu (avec le trope supplémentaire de l'amitié durant la jeunesse avec la future némésis) - je me suis demandé d'ailleurs qui était le pionnier dans ce registre et il faut sans doute remonter à Milton et
Paradis perdu pour ça, avec son Lucifer protagoniste éveillant l'empathie, ou peut-être même le Livre d'Hénoch - mais son révisionnisme politique, prêtant aux motivations de l'antagoniste en devenir une cause juste est sans doute la plus prégnante. Et la transposition à l'écran se faisant attendre, plusieurs projets ont allègrement pioché dans ce modèle, du très mauvais
Maléfique à l'excellent
La Reine des neiges en passant inévitablement par le sympathique
Le Monde fantastique d'Oz de Sam Raimi, chacun positionnant leur Grande Méchante comme une victime (du patriarcaaaaat) poussée à agir ainsi.
Par conséquent, le premier souci, pour ma part, de ce
Wicked, est le même que pour le correct
John Carter d'Andrew Stanton (n'en déplaise à la minorité vocale qui y voit une perle sous-estimée), pillé par des années de films de SF supérieurs à l'adaptation officielle (
Avatar en tête). D'autant plus que si je connaissais l'axe du
musical, j'ignorais qu'il y était question d'une université de la sorcellerie qui fait vraiment
Harry Potter du pauvre ici, et si l'allégorie politique n'est pas dénuée de pertinence (avec son dirigeant menteur qui veut éradiquer une population hybride), l’exécution demeure peu convaincante.
Et c'est d'autant plus condamnable que ce film, qui dure pourtant DEUX HEURES QUARANTE, n'adapte en réalité que la première moitié du
musical (qui dure, dans son intégralité, à peu près autant) et croit développer les personnages et l'intrigue alors qu'il ne fait que du remplissage pas foncièrement passionnant entre deux numéros musicaux.
Alors venons-y, parce que c'est quand même censé être le véritable intérêt du film, que vaut la comédie musicale?
Étant un fanatique du
Prince d'Egypte et de ses chansons ainsi que d'autres écrites par le même Stephen Schwartz (comme l'incroyable introduction du
Bossu de Notre-Dame), j'ai là aussi été plutôt déçu par les chansons du film. La division en deux films leur permet de garder toutes les chansons donc il n'y en a pas moins de onze mais je n'en retiens que deux ou trois, notamment l'amusante
"What Is This Feeling?" et bien entendu, le tube
"Defying Gravity" (aka le proto-
Let It Go) qui clôt le premier acte du
musical (et donc le film). Les autres ne m'ont que peu séduit et je trouve que Chu, qui avait relevé le défi pour son adaptation d'
In The Heights, échoue à insuffler la même énergie dans cette baudruche, et ce malgré quelques idées (la bibliothèque tournoyante là).
Formellement, le film est pris le cul entre deux chaises. La volonté d'avoir un film riche en couleurs est bien là mais la photo numérique s'avère bien palote, même sans comparer avec le Technicolor chatoyant du film de 1939. Il aurait fallu tourner le film en pellicule, d'autant plus que la direction artistique est franchement impeccable (ce train art déco fantastique est fou) et que Chu a fait l'effort d'appeler Nathan Crowley , le chef décorateur de Nolan, pour tout construire en dur. On évite donc le
CGI fuckfest de bien des films de ce genre.
L'autre bon point du film, qui m'a surpris, c'est qu'il est régulièrement drôle, notamment grâce à la performance d'Ariana Grande en petite starlette du bahut. Elle tient les promesses qu'avaient faites ses apparitions dans le
Saturday Night Live. Je ne sais pas ce qu'elle vaut en tant qu'actrice dramatique mais dans ce genre de rôle caricatural, elle est parfaite.
Bref, verdict moyen pour ce néophyte là où les connaisseurs du
musical semblent comblés. La critique US est positive et les estimations pour le premier week-end sont folles mais je ne sais pas trop quel succès il peut avoir en France, coincé entre deux Disney.