c'est avec stupéfaction que je me suis dit que twitter s'était quand même un peu emballé dans son concours de superlatifs...
j'ai un rapport compliqué avec l'animation, parce que je trouve que c'est un art fascinant - et en même temps les trucs ultra formatés américains m'emmerdent, l'animation arty m'emmerde, l'animation japonaise m'emmerde. alors il ne me reste pas mille choses, des trucs ponctuels que j'adore.
et ce que je lisais sur celui-là me parlait : un film sans dialogues, sur des animaux non anthropomorphés, pas trop arty puisque ça sort pendant les vacances et ça fait un score correct, avec une approche visuelle originale... tout pour me plaire.
et tout ça est là. c'est une jolie aventure, il y a un vrai amour des animaux et quand on aime les animaux c'est un vrai plaisir drôle et fascinant comme sont les animaux, et c'est visuellement fort - je n'aime pas la caméra virtuelle perpétuellement flottante j'aime bien que la caméra soit ancrée mais ce mélange entre nature réaliste et soignée et animaux figuratifs mais dont l'essence est là est merveilleusement réussi. c'est beau, ça créé à la fois un lien et une distance, ça a une signature forte, il y a une poignée de plans très "money shot de art of" qui envoient du lourd. que ce soit par choix ou par contrainte il n'y a pas de surenchère, de volonté d'en mettre plein la vue à chaque étape, il est sûr de lui et de ses grandes orientations visuelles et il a raison.
ça n'empêche pas qu'il y a quand même des soucis, et je ne vois pas trop de raison de les ignorer - ils ne sont pas surmontés par quoi que ce soit d'autre, ils sont constitutifs du film.
il y a d'abord un problème d'histoire. le fait est qu'il n'a pas vraiment assez de billes pour tenir 1h25, il y a des séquences pas très imaginatives, on passe beaucoup de temps sur ce bateau, il y a une volonté de ne pas aller dans "l'aventure" tout en faisant qu'il se passe toujours un peu de choses dans un récit évolutif - l'intention est bonne mais je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'il n'avait pas vraiment réussi à imaginer un scénario qui portait efficacement ces intentions.
ce problème accentue l'impression de regarder un court-métrage ou un jeu vidéo. ce serait un court-métrage, ce serait le court d'animation phénomène de l'année, qui smashe dans tous les festivals a le césar et l'oscar et est mis en avant sur arte. et ce serait mérité, vraiment l'identité du film dans tous ses aspects est super et en 20-25 minutes on aurait en faire ressortir l'essence en se débarrassant des scories. et ça aurait pu être un jeu vidéo, un open world d'un studio indépendant, fascinant et poétique et aux petits enjeux de la vie d'un chat dans ce grand décor.
mais le fait est que ce qui distingue un long de ces deux formes c'est l'histoire, le récit et que le compte n'y est pas totalement.
après, c'est plus personnel, mais j'ai quand même été gavé que ça se termine en ode béate au vivre-ensemble, cette tarte à la crème de l'art de ce début du siècle, qu'on regardera dans 50 ans en ne comprenant pas le décalage total avec la mentalité de l'époque et de ses résultats politiques - alors que l'art est quand même vaguement censé éclairer l'époque dans laquelle il est nait et ne pas être perpétuellement un spot publicitaire pour un monde tel qu'on voudrait qu'il soit. cette impression était peut-être provoquée par le fait que je l'ai vu hier avec l'actualité que l'on sait, mais vraiment regarder les relations effectives entre les espèces d'animaux, faire un film dont la volontaire de ne pas faire d'anthropomorphisme est centrale, pour finir par cette arche de noé qui en dit long sur notre besoin de nous unir malgré nos différences, je trouve ca con-con.
mais au final, il m'en restera le souvenir d'avoir passé un très joli moment avec ce film qui exploitait magnifiquement une capacité unique du cinéma d'animation, faire vivre quelque chose qui ne peut pas exister par écrit, qu'aucune caméra ne peut saisir dans la vraie vie, et avec les possibilités absolument infinie de créativité que représente le dessin.