Vieux-Gontrand a écrit:
Est-ce que la campagne de Kamala Harris fut si mauvaise que cela ?
Oui, sa campagne était médiocre.
Ses discours étaient médiocres.
Ses choix stratégiques dans l'ensemble étaient plus que médiocres : grosses dépenses pour des semi-spectacles avec des stars certes populaires (auprès de leurs fans déjà acquis en tout cas), mais de plus en plus perçues, et à juste titre, comme surtout moralisatrices du haut de leurs tours d'ivoire (les fameux "we are in this together" durant le covid de la part de millionaires c'est toujours pas passé). Très peu de présence sur le terrain, en parallèle, à part ses
rallies durant lesquels elle ne décollait pas des prompteurs, figée dans une répétition de vagues valeurs optimistes qui ne pesaient pas grand chose, preuve en est.
Harris a fait une synthèse entre Obama et Clinton, misant sur du post
yes we can complètement creux, prônant toute honte bue le changement alors qu'elle est en poste depuis 4 ans et n'a strictement rien remis en cause du bilan de Biden (donc quel changement, et par rapport à quoi ? une question simple a laquelle elle n'a jamais pu répondre, pas même indirectement). Stratégiquement, elle est restée tout du long bloquée en 2008, autrement dit à une époque où internet n'était pas aussi aiguisé comme outil de contre-culture, contre-attaque et contre-argument, une époque où la télé dominait encore le théâtre du débat, du debrief et de l'opinion (plus personne maintenant ne regarde Colbert ou Jon Stewart à part les gens qui sont d'accord, alors qu'il y a encore 15 ans Stewart attirait tout le monde), une époque où l'enjeu principal était de se défaire de Bush... et elle a quand même trouvé le moyen d'afficher fièrement le soutien de Dick Cheney, incarnation GOP de l'interventionnisme forcené du début des années 2000, tout comme Cilnton en était la version démocrate des 2010.
Comment veux-tu, avec ce mélange de ringardise, d'incompétence et de contradictions morales et politiques, convaincre une population qui se méfie de plus en plus de tout ce qui est officiel ? Qui est dans la défiance ? Qui est largement revenue des stratégies de comm' d'il y a 20 ans ? Harris et le parti démocrate ont fait preuve d'une incroyable déconnexion, et ils ont persévéré dans cette voie jusqu'à percuter le mur final. Ils insistent d'ailleurs encore à ce jour, préférant présenter l'électorat de Trump, désormais aussi massif que diversifié, autant qu'un casting Disney, comme étant nazifié et composé d'idiots, mettant leur défaite sur le dos du racisme et de la misogynie (cool pour le vote Latino et le vote féminin, quel niveau d'analyse, vraiment une défaite que personne ne pouvait voir venir !).
Vieux-Gontrand a écrit:
La racine du problème est la mainmise de Trump sur les Républicains,contre l'establishment du parti, le populisme est aussi interne à chaque parti.
Une autre "racine du problème", c'est cette révolution culturelle des dernières années soutenue puis imposée par le camp démocrate, révolution présentée comme étant nécessaire, mais surtout obligatoire alors qu'une majorité d'individus, une grosse majorité si on en croit les résultats, n'en voulait pas. C'est ça, le vrai
cultural shift qui a eu lieu, et qui est tangible. Pas le retour de Trump, élu par des gens qui espèrent, sans doute à tort mais ça c'est autre chose (éternel et stérile débat sur "l'homme providentiel", perso je passe mon tour si on en arrive là), un retour à ce qu'ils qualifient de "la normale". Refuser de comprendre ça, cette aspiration derrière ce vote, alors que c'est simple comme tout et tellement évident, et ce même si on est en désaccord profond avec cette aspiration, c'est ce qui explique la défaite de Harris. Harris et ce qu'elle représente sont perçus par une majorité d'Américains comme quelque chose d'anormal, bizarre et indésirable.