TÉMOIGNAGE EXCLUSIF - Peu après son arrivée en France, Taha O. a agressé une jeune femme à Taverny. Frédéric Lauze, ancien chef de la police du Val-d’Oise qui a suivi l’enquête, se confie au Figaro.
«Je me souviens d’une victime avec un courage et un sang-froid extraordinaires», se remémore Frédéric Lauze, président du syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN). En 2019, il était patron de la direction départementale de la sécurité publique du Val-d’Oise (DDSP95).
Faits diversNewsletter
Cette année-là, durant un week-end de fin d’été, le meurtrier présumé de Philippine, Taha O., violait une étudiante de 23 ans sur un chemin forestier à Taverny (Val-d'Oise), non loin du foyer où il résidait. Ce Marocain était arrivé régulièrement en France depuis l'Espagne le 13 juin 2019, muni d'un visa touristique expirant le 27 juillet. Alors âgé de 17 ans, il avait ensuite été pris en charge par les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance (ASE) du Val-d'Oise.
Le viol de la forêt de Taverny a marqué Frédéric Lauze. «Je suis descendu à l’étage des enquêteurs pour rencontrer la victime et sa mère», se souvient-il. «On avait un individu qui était un prédateur sexuel très dangereux», décrit le commissaire à propos de Taha O.
Le jour des faits, la victime était partie se promener en forêt avant de croiser la route de Taha O. Après le viol, la jeune fille avait réussi à instaurer un dialogue avec son agresseur en le «rassurant». Elle lui avait notamment fait croire qu’ils allaient se revoir avant de partir, selon des sources concordantes. Une lucidité, malgré une peur immense, qui lui a sans doute permis de rester en vie. «Après le viol, la jeune victime a eu la sensation qu'elle pouvait mourir. Elle a eu l’impression de sauver sa peau seconde par seconde. Elle a réussi à “gérer sa sortie” pour échapper à l’emprise de ce prédateur», explique Frédéric Lauze.
À l’époque, les enquêteurs de la Sûreté départementale du Val-d'Oise avaient identifié le suspect grâce à un ADN retrouvé sur la scène de crime avant de l’interpeller. Après deux ans de détention provisoire, le Marocain a été condamné en octobre 2021 à sept ans de prison par la cour d'assises des mineurs du Val-d'Oise. Il a ensuite été placé dans un centre de rétention administrative (CRA) à sa sortie de prison. Le 3 septembre 2024, un juge de la liberté et de la détention a autorisé la sortie de rétention de Taha O., tout en reconnaissant un risque de «réitération de faits délictueux».
Frédéric Lauze dit avoir été «en colère» et «ému» quand il a fait le rapprochement avec le meurtre de Philippine. Le commissaire tient à saluer le «travail remarquable» de la brigade criminelle de Paris notamment «une réactivité et une capacité à mobiliser de nombreux enquêteurs». «Ils ont réussi à le localiser en un temps record grâce une bonne coopération internationale», se félicite-t-il.
Une promenade en forêt
Comme la jeune fille violée en 2019, Philippine était très vraisemblablement partie se promener dans la nature après sa pause déjeuner à l’université Paris Dauphine, vendredi 20 septembre. La vidéosurveillance la montre en effet se diriger vers le bois de Boulogne en début d’après-midi. En cette journée ensoleillée, où la température atteignait 24 degrés dans la capitale, la jeune fille décrite par ses camarades comme «brillante» et «profondément gentille» souhaitait sans doute prendre l'air avant de rejoindre sa famille dans les Yvelines.
Philippine a-t-elle croisé Taha O. alors qu’elle marchait dans cette partie du bois peu fréquentée en bordure du boulevard périphérique ? C'est la terrible hypothèse qui se dessine. Une information judiciaire a été ouverte à l’encontre du suspect pour meurtre, accompagné ou suivi d'un autre crime, viol, vol et escroquerie.